Citations de Bessel van der Kolk (60)
Nous ne voulons pas vraiment savoir ce que les soldats endurent au combat. Nous ne voulons pas vraiment savoir combien d'enfants sont maltraités dans notre société, ni combien de couples - près d'un tiers - sombrent un jour dans la violence. Nous préférons penser que la famille est un havre protecteur dans un monde sans coeur et que notre pays est peuplé de gens éclairés et civilisés.
Nous avons découvert qu'amener des traumatisés à trouver les mots pour décrire ce qui leur est arrivé les aide significativement - toutefois, en général, cela ne suffit pas. Le fait de raconter l'histoire ne change pas forcément les réactions automatiques, physiques et hormonales, d'organismes qui restent hypervigilants, prêts à être agressés ou violés à tout moment. Pour qu'il y ait un vrai changement, le corps doit réaliser que le danger est passé et apprendre à vivre dans le présent.
Nombre de comportements qui passent pour des problèmes psychiatriques - dont certaines obsessions, compulsions et crises de panique, ainsi que la plupart des conduites autodestructrices - ont été initialement des tactiques d'autodéfense.
Les symptômes somatiques sans cause physique flagrante sont omniprésents chez les traumatisés, les adultes comme les enfants : migraines, fibromyalgie, problèmes digestifs, dyspnée, douleurs cervicales ou lombaires chroniques, spasmes/syndrome du côlon irritable, fatigue chronique -la liste est longue. Chez les enfants traumatisés, le taux d'asthme est cinquante fois plus élevé que chez les autres.
Nous étions confrontés à deux grands défis : le premier consistait à découvrir si la vision du monde des enfants non traumatisés pouvait expliquer leur résilience et, plus profondément, à apprendre comment chaque enfant crée sa carte du monde. L'autre, tout aussi crucial, tenait en une question : peut-on agir sur le cerveau et sur l'esprit des enfants brutalisés pour les aider à redresser leur carte intérieure et à y intégrer une confiance dans l'avenir ?
Avec le temps, j'en suis venu à comprendre que la seule chose qui permet de soigner les traumatisés, c'est un respect admiratif pour l'instinct de survie grâce auquel ils ont supporté les coups, puis enduré les sombres nuits de l'âme qui jalonnent inévitablement la route de la guérison.
Le traumatisme engendre le traumatisme ; les hommes blessés blessent d'autres hommes.
La plupart des enseignants avec qui nous travaillons sont étonnés d'apprendre que, pour les élèves maltraités et négligés, toute rupture de la routine fait souvent figure de danger et que leurs réactions extrêmes sont généralement l'expression d'un stress traumatique.
Pour surmonter un traumatisme, il est aussi important de se rappeler les moyens qu'on a déployé pour survivre que d'analyser ce qui a été brisé en soi.
Les plus grandes sources de nos souffrances sont les mensonges qu'on se racontent.
Nous avons aussi commencé à comprendre comment des expériences insoutenables affectent nos sensations les plus intimes et notre lien à notre réalité physique - le noyau de notre être. Nous avons appris que le traumatisme n'est pas juste un événement qui s'est produit dans le passé : c'est aussi l'empreinte que cette expérience a laissée sur l'esprit, le cerveau et le corps, une trace qui influence grandement la manière dont notre organisme s'y prend pour survivre dans le présent.
Le traumatisme réorganise fondamentalement la manière dont l'esprit et le cerveau gèrent les perceptions. Ils ne modifie pas seulement notre façon de penser et ce que nous pensons, mais notre capacité même à penser
Le traumatisme réorganise fondamentalement la manière dont l'esprit et le cerveau gèrent les perceptions. Il ne modifie pas seulement notre façon de penser et ce que nous pensons, mais notre capacité même à penser.
Un jour, il m'a dit qu'il avait passé sa vie d'adulte à tenter de se libérer de son passé, puis il a observé qu'il trouvait ironique d'avoir justement dû s'en rapprocher pour y parvenir.
En d’autres termes, le traumatisme donne l’impression d’être soit dans le corps de quelqu’un d’autre, soit dans « celui de personne » (p.418).
Le traumatisme n'est pas mémorisé comme un récit bien ordonné, avec un début, un milieu et une fin.
Un traumatisme peut changer radicalement une personne et faire qu'elle ne soit plus soi-même.
Il est affreusement difficile d'exprimer par des mots l'impression de n'être plus soi-même.
On peut dépasser l'aspect insaisissable des mots en activant le système physique de l'observation de soi, qui s'exprime par des sensations, des tensions et le ton de la voix. L'aptitude à discerner les sensations viscérales est le fondement même de la conscience émotionnelle.
Quand on suit les voies intéroceptives qui mènent au fond de soi en écoutant ses tripes et son cœur, les choses commencent à changer.
Une fois qu'on reconnaît que ses réactions post-traumatiques ont été, à l'origine, des efforts pour survivre, on pourra trouver le courage d'affronter sa musique (ou sa cacophonie) intérieure, mais on aura besoin d'être soutenu dans cette tâche.
Je ne peux même pas imaginer comment j'aurais supporté ce que beaucoup de mes patients ont subi.
Pour gouverner pleinement sa vie, il faut reconnaître la réalité de son corps, dans toutes ses dimensions viscérales.
La manière la plus naturelle d'apaiser sa souffrance consiste à être touché, enlacé et bercé. Cela calme l'hyperexcitation et donne le sentiment d'être intact, protégé et maitre de soi.