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Citations de Boris Bergmann (98)


Cette beauté qui jusque-là existait à son insu, l’excluait, l’attend désormais à bras ouverts. Il va bientôt mettre fin à cette injustice. Voilà pourquoi le départ n’est pas si difficile. Voilà pourquoi sa mère ne lui manque pas. Voilà pourquoi : pour Rome.
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Moi, ce qui m’impressionne le plus, c’est ce verbe volage : visiter. Je ne pensais pas qu’on pouvait visiter en tant que Marocain. Seulement partir pour toujours sans se retourner, chercher la vie meilleure, les promesses, le fric, la liberté, tout ce qui manque au Maroc. On n’est jamais seulement de passage, de l’autre côté de la mer. Paris, si on a une chance de l’atteindre, on fait tout pour y rester. Mon père dit : « Les Arabes ne peuvent pas être des touristes, à part peut-être les Saoudiens… »
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Leur seule revanche à cette vie de merde : un mois d’août à tout claquer, à jouer aux princes, jouir, grossir, et contribuer à l’illusion d’une vie meilleure, là-bas, de l’autre côté. Voilà pourquoi mon père les hait. Ils sont le mensonge. Ils créent chez les plus jeunes l’espoir biaisé qu’un jour,ils pourront revenir les poches et la bouche pleines. Ils trahissent leur origine. Ils ne sont ni français ni marocains. Métèques des deux rives. Ils sont de nulle part.
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Ramadan ou pas, ils s’en foutent, ils pensent que leur argent français leur permet tout alors qu’ils ne parlent même pas bien l’arabe et oublient d’aller s’occuper de leur grand-mère restée au bled. Mais papa sait, lui. Il transperce leurs apparences. Il sent leur imposture : toute l’année, les « Marocains de France » vivent dans une cité pourrie, se font traiter de sales Arabes, gagnent une misère, souvent illégalement.
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C’est le premier geste du désir. Le premier geste qui dévie, entame d’une vie qui n’appartient qu’à toi. Plus à papa. Ça brûle un peu mais c’est bon, cet acte interdit. Ton bas-ventre cogne. Tu ploies, tu fronces. Tu sens que, de cette pliure, une force nouvelle veut sortir, s’épanouir hors du cadre. Dans les yeux de la pin-up, il y a comme de l’arrogance amère, du mépris. Elle dit : « Tu n’as jamais été qu’une réplique. Tu as beau chuchoter, le soir, emprunter des livres défendus, murmurer des injures, moquer père et mère, maudire ton nom, cracher dans ton sang, débrailler ta chemise, emmêler tes cheveux, tout faire pour ne pas leur ressembler. Tu as beau te débattre, tu n’es que le fils. Quand on vous croise, tous les deux, on dit : "Oh ! comme il vous ressemble, votre fils, on croirait des frères, on croirait…"
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La fille n’a pas bougé. Ni ses seins, imperturbables. Tu crois à un miracle : tu craignais qu’elle s’efface, qu’elle s’en aille. Et il y a toujours cette noirceur entre ses jambes qui annonce quelque chose de plus profond. Tu sors ton sexe. Tu ne l’as jamais regardé aussi fixement, de haut. Sauf pour pisser. Pas là. Il a durci sans que tu t’en rendes compte. Élan primitif qui t’échappe, que tu ne maîtrises pas. Inconscientes, tes mains entament un mouvement qui n’a jamais été appris. Jamais perpétré. Elles cherchent le rythme intime, la vitesse qui n’appartient qu’à toi.
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Libérer la vision. C’est une femme. Elle ressemble à Marlene Dietrich. Elle a les jambes écartées. Elle porte une culotte blanche qui laisse apparaître un soupçon d’ombre noire là où tu sais que ça compte, sans savoir pourquoi. Elle ne cache pas ses seins. Tu passes ton pouce sur les tétons épais et larges, plus bruns que ceux de tes nourrices de jadis. Derrière toi, ça sonne. Vite, tu plies la feuille et la gardes sous ta chemise, contre ton torse, là où personne ne viendra la chercher. « Mais à quoi ça sert ? » En classe, tu questionnes ton voisin, tu veux savoir. « Va aux toilettes, regarde un moment, secoue-toi, tu verras. » La consigne paraît simple. Tu aimerais que la journée se termine tout de suite mais il faut écouter la géographie, l’histoire et les mathématiques. Il faut attendre le métro. Vite, monter au deuxième, t’enfermer dans les toilettes des bonnes. Là, au moins, tu seras tranquille. Tourner le verrou. Et ressortir la feuille.
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Tu entends en t’endormant les voix qui, toutes, ont la même tonalité. Cela te rassure presque, ce ronronnement à l’unisson. Mieux qu’une berceuse. Les mots que tu devines ne te changent pas du collège Stanislas où tes professeurs ressemblent à ton père. Ils ont les mêmes opinions, font les mêmes critiques de cette France chaque jour moins chrétienne, moins pure, plus soumise à la bêtise des parlementaires et des idéalistes.
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Après la guerre, quand les Allemands sont partis en laissant la France « sens dessus dessous », comme il dit avec un air narquois, ton père a consolidé la fortune familiale. Il aurait pu être ingénieur ou professeur de médecine, mais les chiffres ont pour lui plus de valeur. Ils les respectent autant que les apparences : il croit que tout est chiffré et qu’il suffit de combiner les chiffres pour comprendre le tout.
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S’il pouvait abolir le hasard, ton père le ferait sans hésiter : il le considère comme source d’un désordre inutile, une sorte de mauvaise farce, une erreur de la nature qu’il attribue aux francs-maçons, aux Juifs ou aux Nord-Africains, à tous ces êtres qui à ses yeux sortent de l’ordinaire. Ton père veut que ta vie ressemble à la sienne, qu’elle en soit la copie exacte. Quand il fait en lui le chemin inverse, remonte à travers sa mémoire, il juge son existence sans faux pas. Il n’a jamais déraillé. Jamais pris de détour ni d’impasse.
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Il lui accorde une heure par jour de « copie » de ses propres travaux, car « c’est en copiant qu’on apprend », proclame-t-il. Lorenzo a réussi. Durant une heure, il peut effleurer la toile autant qu’il le veut.
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Quand on est né ici, on partage tous les mêmes histoires, sans surprise. Par exemple, en voilà une que tout le monde connaît : quand le roi Mohammed VI aka M6 vient faire du jet-ski, la police ferme toutes les plages, interdit l’accès à l’eau pour être bien sûre qu’il ait un peu de tranquillité. Je tourne en rond, ces jours-là. Une journée sans voir la mer est une journée gâchée.
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Je me souviens d’avoir demandé à mon père pourquoi c’était si grave : après tout, j’avais déjà vu les seins de ma mère et de ma tante, et je préférais regarder les coquillages ou les surfeurs venus d’Europe ou d’Amérique que ces bouts de peau flasque sans intérêt. Mon père m’en colla une belle qui m’enleva l’envie d’en savoir plus. Peut-être pour masquer le fait qu’il n’avait lui-même pas de réponse.
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Dans son prêche du vendredi, il condamna ce comportement impur, blasphématoire, méprisant et dangereux. Les hommes firent semblant d’écouter, et de l’autre côté du paravent qui délimite l’emplacement de chaque sexe, les femmes acquiescèrent vivement, plus par jalousie que par piété
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Dire que tu as eu une enfance malheureuse serait un mensonge. Tu as plutôt eu une enfance silencieuse : tu pouvais tout faire, mais sans bruit. Tes parents n’aiment pas trop parler. À l’exception des sujets convenables. Pour ton père, l’enfance n’est pas un âge, mais une salle d’attente. La perception de l’enfant ne compte pas car elle n’est pas pleinement développée. Alors on ne te posait pas de questions. On ne voulait pas connaître ton avis.
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Lorenzo se dit que ce n’est pas bien de ressentir du plaisir. C’est un péché. Mais il n’enlève pas sa paume. Il ne peut pas. Il prie Dieu de ne pas lui en vouloir, il veut trop savoir. Il allume une bougie chancelante. Il regarde autour de lui. La pièce est sale, crasseuse et tiède, comme si personne n’y avait jamais pénétré. La cheminée peine à la réchauffer.
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Quand il court, on ne lui demande pas de parler. Quand il court, tous les arbres et les roches et les ciels convergent vers lui, se mélangent à son être. Quand on est enfant, la peau entre le monde et soi n’est pas faite. La frontière est absente, la distance très mince. Lorenzo aime se perdre dans ce qui l’entoure. Il peut le faire en regardant, aussi. Ses yeux vont vite, plus vite encore que ses jambes. Ses yeux sont des ailes qui jamais ne fatiguent.
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Parler est plus difficile que voir. Longtemps, on l’a pris pour un bègue. Pour un être un peu sauvage, ou alors tout à fait idiot. Sa propre bouche lui résiste : il aimerait comme tout le monde déclamer de hauts vers, lancer des piques acérées, chuchoter des douceurs, mais c’est impossible. Sa langue coince, ralentit le premier son, abrège le suivant, étripe les mots, le condamne à prendre du retard sur le monde. Il a beau courir vite, être le plus discret, sauter le plus loin, cette infirmité dresse un obstacle supplémentaire entre lui et ceux de son âge.
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Depuis tout petit, Lorenzo accompagne sa mère dans les pâturages. La nature et ses mystères sont comme des présences familières, presque familiales. En eux, Lorenzo ne trouve aucune impétueuse majesté, seulement une aire de jeu, la liberté.
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J’ai lâché l’écran, pris mon sexe à moi, moins immense, mais avec lui au moins, je sais à qui j’ai affaire. J’ai pris mon sexe et je pense au visage de l’homme, à la bouche de la fille et aux paroles de Ka. J’ai honte de jouir.
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