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Citations de Boubacar Boris Diop (74)


En Afrique, en Europe, partout, les rares rêveurs qui ont encore envie de changer le monde ont comme honte de l’avouer, ils ont peur de passer pour des idiots.
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Le génocide n’a pas commencé le 6 avril 1994 mais en 1959 par de petits massacres auxquels personne ne faisait attention.
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Ne pouvant prétendre rivaliser avec la puissance d'évocation de Siméon Habineza, il se réservait un rôle plus modeste. ll dirait inlassablement l'horreur. Avec des mots-machettes, des mots-gourdins, des mots hérissés de clous, des mots nus et - n'en déplaise à Gérard - des mots couverts de sang et de merde. Cela, il pouvait le faire, car il voyait aussi dans le génocide des Tutsi du Rwanda une grande leçon de simplicité. Tout chroniqueur peut au moins y apprendre - chose essentielle à son art - à appeler les monstres par leur nom.
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Entre notre avenir et nous, des inconnus ont planté une sorte de machette géante. Vous avez beau faire, vous ne pouvez pas ne pas en tenir compte. La tragédie finit toujours par vous rattraper. Parce que des gens sont arrivés chez vous une nuit et ont massacré toute votre famille. Parce que, dans les pays où vous vivez en exil, vous finissez toujours par vous sentir de trop.
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Je ne me rendais pas compte que si les victimes criaient aussi fort, c'était pour que je les entende, moi, et aussi des milliers d'autres gens sur la Terre, et qu'on essaie de tout faire pour que cessent leurs souffrances. Cela se passait toujours si loin, dans des pays à l'autre bout du monde. Mais, en ce début d'avril 1994, le pays à l'autre bout du monde, c'est le mien.
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Le quatrième génocide du siècle restait une énigme et peut être fallait il en chercher la clé dans la tête d’un fou ou dans les mystérieux mouvements des planètes. Cette orgie de haine allait très loin au-delà de la lutte pour le pouvoir dans un petit pays. Il songea à un Dieu soudain pris de démence, écartant les nuages et les étoiles à grands gestes rageurs pour descendre sur la terre du Rwanda.
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C’était le temps où le temps, ivre de haine, titubait à reculons. La mort précédait la vie.
Rester assis à même le sol, les yeux mi-clos et l’esprit vide, lui procurait une forte sensation de paix intérieure. Bien qu’il ne sût rien au monde des rêves, il lui semblait y être plongé tout éveillé depuis de longues heures. Tout concourait à rendre l’instant irréel : les arbres élevant sans hâte leurs troncs fins et noirs vers le ciel et les traces indécises de pas sur le sable rouge.
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Certains se sentent coupables de ne pas avoir été tués. Ils se demandent quelle faute ils ont commise pour être encore en vie. Cependant, toi, tâche de penser à ce qui peut encore naitre et non à ce qui est déjà mort.
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Des tas de gens autour de moi clament bruyamment leur amour de l’Afrique, ce qui me paraît toujours un peu suspect : on veut faire admirer ses mérites parce qu’on pense qu’il en faut beaucoup pour respecter un continent si méprisable.
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Les jours précédents, il avait aperçu de loin les collines, en se promenant le long des grandes avenues de Kigali. Elles lui avaient alors paru d’une sublime beauté. A présent, la ville lui montrait son visage caché. Rien jusque-là ne lui avait laissé deviner l’existence de ces maisons en torchis, sinistres, exiguës et aveugles. Tassées sur elles-mêmes, elles semblaient prêtes à s’effondrer à tout moment. C’était le chaos absolu. Tout semblait disloqué, zigzaguant, délabré, tordu, bricolé, minable. Jamais il n’avait eu un contact aussi direct et violent avec la misère.
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Ils savent que c’est fini. Les chefs ne songent plus qu’à quitter le pays. Les barrières que l’on n’a pas encore démantelées sont presque toutes désertes. Mais de temps en temps, au coin d’une rue, on entend des rires et de joyeux battements de mains. Un Tutsi que l’on vient de découvrir par hasard. Sorti trop tôt de sa cachette. On le liquide au passage. Comme un cancrelat s’aventurant au milieu de la cour et aveuglé par la lumière. On l’écrase d’un coup de talon sans y prêter attention.
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Il est facile d'être ignoble quand on est si ignorant. (101)
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Selon Spinoza, les idées vraies sont simples, positives, vivantes, tandis que les idées fausses sont confuses, négatives, morbides. C'est pourquoi il ne faut pas perdre son esprit dans la négation mais chercher ce qui exalte. Alors pourquoi traiter de Négrologie ? Peut-être qu'en opposant la négation au sordide on atteint mathématiquement une certaine élévation. Peut-être qu'en débrouillant le confus on découvre le simple, donc le vrai. Une fois la première stupéfaction passée, à lire ce qu'on lit, à entendre ce qu'on entend de ce que a lu, on prend conscience qu'on se trouve face à une machine de guerre et qu'il serait lâche de ne rien dire. Cette machine avance sous sa tenue de camouflage. Malgré cela elle ne saurait tromper grand-monde. Cela permet juste de sauver la bonne conscience des faux naïfs. (11)
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J'ai vu cela de mes propres yeux. Est-ce que tu me crois, Cornelius ? Il est important que tu me croies. Je n'invente rien, ce n'est pas nécessaire, pour une fois. Si tu préfères penser que j'ai imaginé ces horreurs, tu te sentiras l'esprit en repos et ce ne sera pas bien. Ces souffrances se perdront dans des paroles opaques et tout sera oublié jusqu'aux prochains massacres. Ils ont réellement fait toutes ces choses. Cela s'est passé au Rwanda il y a juste quatre ans, quand le monde entier jouait au foot en Amérique. Moi, je retourne parfois à Murambi. Je regarde l'endroit où mes ossements auraient dû se trouver et je me dis que quelque chose ne tourne pas rond, je fais bouger mes mains et mes pieds parce que cela me paraît bizarre qu'ils soient encore à leur place et tout mon corps me semble une hallucination.
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Finalement, ça ne s’est pas bien passé pour moi, la vie. J’ai manqué mon idéal : n’avoir jamais vécu. Oui, c’était la meilleure chose qui aurait pu m’arriver : rien. Le plus beau des rêves en définitive.
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Aussitôt après avoir posé la question, j’ai compris qu’il voulait parler de la mallette. Cette fois-là, j’ai ri de non cœur. Ce vieux m’était décidément sympathique. Quant à lui, ses yeux pétillaient d’une malice quasi enfantine. C’était vraiment un homme extraordinaire. Cela ne m’étonne pas aujourd’hui que sa fille Mumbi ait fini par tenir l’ancien président sous son pouvoir. J’avais compris dès cette époque que nous n’en finirions pour ainsi dire jamais avec le meurtre de Kaveena. C’était simple : Castaneda n’a pas eu de chance. Il n’a juste pas tué la bonne petite fille.
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Le quatrième génocide du siècle restait une énigme et peut-être fallait-il en chercher la clé dans la tête d’un fou ou dans les mystérieux mouvements des planètes. Cette orgie de haine allait très loin au-delà de la lutte pour le pouvoir dans un petit pays. Il songea à un Dieu soudain pris de démence, écartant les nuages et les étoiles à grands gestes rageurs pour descendre sur la terre du Rwanda.
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Tu sais, ce n’est rien, le sang, les poètes ont fini par le rendre presque beau. Verser son sang pour la Patrie. Le sang des Martyrs. Tu parles. Cela ne dit rien, Cornelius, de l’urine et des excréments répandus par terre, des vieilles femmes qui courent toutes nues, du bruit des membres que l’on fracasse et de tous ces regards hallucinés, des gaillards qui se servent des blessés comme boucliers contre les machettes, cela ne dit rien de tous ces malheureux qui se méprisent si forts entre eux qu’ils ne songent même pas à haïr leurs bourreaux. Je les ai entendus supplier, au contraire, de leur laisser la vie sauve. Les Interahamwe étaient vêtus de guenilles, ils puaient la mauvaise bière, mais c’étaient des dieux, car ils avaient le pouvoir de tuer, personne n’était capable de les en empêcher, et il fallait voir leurs victimes aux faces émaciées leur ouvrir les bras dans un geste d’amour désespéré ! A Bisesero, les choses ont été différentes. En résistant aux tueurs, nous les avons obligés à rester des êtres de chair et de sang comme nous. Ils avaient peur de mourir, ces délicats. La seule idée d’avoir quelques bobos leur était insupportable, cela ne faisait pas partie du jeu, leur plan était d’égorger des innocents, d’aller se payer du bon temps, de se transporter ailleurs pour supplicier d’autres innocents et ainsi de suite. Nous leur avons fait sentir que ce n’était pas si simple. Sur cette colline de Muyira, chacun de nous pouvait lire dans le regard de l’autre la fierté de se battre, de refuser de se laisser docilement conduire à l’abattoir comme du bétail. Oh oui, j’ai vu la différence. Et toutes les belles paroles des poètes, Cornelius, ne disent rien, je te le jure, des cinquante mille façons de crever comme des chiens, en quelques heures.
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Siméon parla encore des massacres organisés après la mort du président Habyarimana. Qui était responsable de ces actes barbares ? Il avait entendu accuser les étrangers. Certains disaient : tout cela est leur faute. C’était peut-être vrai. Pourtant, lui Siméon voulait, encore une fois, qu’on lui explique l’allégresse des tueurs à Kibungo, à Mugonero ou à Murambi. Leur avait-on aussi ordonné d’être joyeux ? Il croyait connaître l’histoire du Rwanda, mais il n’y voyait rien qui pût justifier une haine aussi féroce. Dans le passé, les étrangers avaient dit aux Tustsi : vous êtes si merveilleux, votre nez est long et votre peau claire, vous êtes de grande taille et vos lèvres sont minces, vous ne pouvez pas être des Noirs, seul un mauvais hasard vous a conduits parmi ces sauvages. Vous venez d’ailleurs. De quoi fallait-il s’étonner le plus ? De l’audace de ces étrangers ou de l’incroyable stupidité des chefs tutsi de cette époque ? Pourtant, ajouta Siméon, il ne servait à rien de gémir, couché par terre. Le vainqueur ne regrettera pas pour autant d’avoir été le plus fort. Il ne dira pas : excusez-moi d’avoir conquis votre pays, c’était une erreur, je suis sincèrement désolé. Il ne pensera même pas avoir commis un crime en s’emparant de vos biens par la force. Non, celui qui a lutté pour soumettre une nation par la ruse ou la cruauté n’a rien à se faire pardonner. Il n’aura pas honte de ses succès. Cela ne s’est jamais vu dans l’histoire des hommes.
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Quand j’étais jeune, c’est ainsi que les choses ont commencé. Après avoir détruit cette maison, vous allez rentrer chez vous. En chemin, certains diront : ici habite un Hutu, pour nous venger prenons ses biens et tuons ses enfants. Mais après, vous ne pourrez plus vous arrêter pendant des années. Je veux vous dire ceci : vous avez souffert mais cela ne vous rend pas meilleurs que ceux qui vous ont fait souffrir. Ce sont des gens comme vous et moi. Le mal est en chacun de nous. Moi, Siméon Habineza, je répète que vous n’êtes pas meilleurs qu’eux. Maintenant, rentrez chez vous et réfléchissez : il y a un moment où il faut arrêter de verser le sang dans un pays. Chacun de nous doit avoir la force de penser que ce moment est arrivé. Si quelqu’un parmi vous n’a pas cette force, c’est qu’il est comme un animal, il n’est pas digne d’être appelé un humain. La maison de mon frère ne sera pas détruite. Elle va accueillir tous les orphelins qui traînent dans les rues de Murambi. Et je vais vous dire une dernière chose : que pas un de vous n’essaie, le moment venu, de savoir si ces orphelins sont twa, hutu ou tutsi.
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