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Critiques de Branimir Šcepanovic (35)
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La Bouche pleine de terre

C'est un livre court. Un livret. Un fin opuscule. Precede d'une preface de Pierre-Emmanuel Dauzat qui le met en rapport avec ses sources, ses attaches, ses accointances, ses comparses en litterature. Excusez du peu: Rimbaud, Jarry, Ivo Andric, Alexandre Tisma, Homere, Goethe, Yeats, Michel Foucault, Drieu la Rochelle, Dante, Simenon, Elias Canetti, Paul Valery, Sartre, Simone Weil (la philosophe), Ortega y Gasset, Sylvia Plath, Saint Augustin, Seneque, Kazantzakis, Kafka, Melville, Camus, Origene, Lewis Carroll, Borges, Roger Caillois, Thomas Bernhard, jusqu'a Hitler! et quelques auteurs serbo-croates inconnus de moi. Trop c'est trop. Enerve, j'ai failli abandonner ma lecture.

Mais c'est un livre court, alors j'ai continue.





Un homme a qui on a diagnostique un cancer terminal part de Belgrade pour voir une derniere fois son Montenegro natal, la montagne aux cimes blanches de son enfance, et y mourir. Voir la Prekornitsa et mourir. Revenir mourir chez soi, a la maison.

Au milieu du trajet il saute du train et se met a marcher. Rencontrant une paire de campeurs, il les fuit, sans raison apparente. Eux, surpris, se mettenr a sa poursuite, sans plus de raison. Mais bientot se joignent a eux un berger et un garde forestier, qui accusent le fuyard de toutes sortes de delits. Le groupe des poursuivants grandit sans arret, exponentiellement, devient une meute, haineuse, desireuse de faire payer des crimes que personne ne sait detailler vraiment. Quant au fuyard, il finira, dans un delire grandissant, par croire qu'il est arrive a sa destination desiree, au Prekornitsa, et il mourra apaise (machant des herbes veneneuses ou se jetant du haut d'un rocher). Contrairement aux poursuivants, tourmentes par leur echec a rattraper leur cible et surtout par l'incomprehension de leur propre attitude dans cette affaire.





Un homme est poursuivi par de parfaits etrangers, qui ne savent rien de lui, s'imaginent tout et n'importe quoi, et sont determines, sans qu'ils en comprennent eux-memes les raisons, a le spolier de la seule chose qui lui importe: le droit de choisir sa mort, le moment, l'endroit, les modalites de sa mort.





Une poursuite qui est une persecution. Metaphore de la facon dont les hommes se comportent avec ce qu'ils ne comprennent pas, avec ce qu'ils considerent comme discordant et incompatible avec leur vecu, inconciliable avec leurs valeurs. Une metaphore des relations entre individus et collectivites, entre une personne et la masse des autres, entre norme et divergence; sur les motifs, reels ou pas, fondes ou pas, de la stigmatisation, de l'anathematisation de l'autre, de celui qui est percu comme autre; sur la fabrique de victimes; sur la formation de bourreaux.





C'est un livre inquietant. Kafkaien si je dois choisir entre toutes les sources citees dans la preface du sieur Dauzat. D'un Kafka qui aurait vecu assez longtemps pour connaitre et interioriser le 1984 d'Orwell. Par bonheur c'est un livre court, sa lecture finit avant qu'elle ne devienne penible. Chaque lecteur aura juste le temps de se demander s'il est poursuivant, et quel type de poursuivant est-il, et au nom de quoi, ou s'il est poursuivi, et alors pourquoi croit-il qu'il l'est. Quant a moi, je crois que ca depend du lieu et du moment. Nous sommes tous poursuivis. En puissance. Nous sommes tous poursuivants. En puissance.





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La Bouche pleine de terre - La Mort de M. G..

JOYAU YOUGO

(vous le connaissez déjà ? Sinon, l’éditeur le qualifie sobrement de « chef-d’oeuvre de la littérature mondiale », on ne saurait modérer cette assertion, bien que souvent mal utilisée par le profession…)



Oh le beau travail d’éditeur ! Réunir les deux textes les plus emblématiques de l’oeuvre de Šćepanović dans ce très bel objet…



La bouche pleine de Terre, dès son titre, entre dans la catégorie « inoubliable ». Une intrigue de 70 pages parfaite, remuant nombreux thèmes universels à l’aide de cette double narration alternée.

Seul contre tous, seul face à la mort.

Que l’on retrouve dans la deuxième nouvelle, La Mort de M. Golouja, teintée davantage d’ironie, variation de cette histoire qui aura toujours la même fin.

Indispensable (à part la postface…).

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La Bouche pleine de terre

La Bouche pleine de terre est une fuite hypnotique. Un petit bijou de lecture, et une réflexion intéressante sur la mort et la vie. Il y est difficile de peser des mots sur ce texte tant les interprétations peuvent être multiples. Pourtant, ce que l'on retient, c'est que notre héros semble avoir considérablement marché à côté de sa vie.



Le personnage principal est atteint d'une maladie incurable, il décide de revenir sur ces terres natales pour y mourir de son plein gré. Son comportement suspect va attiser la curiosité de deux campeurs et ils vont se mettre à ses trousses. Dans cette course effrénée, vont se rajouter d'autres gens et, ce qui paraissait initialement être une course-poursuite sans queue ni tête, va se transformer en véritable chasse à l'homme.



Dans ce chassé-croisé impitoyable, les questions se soulèvent, les visions lancinantes de notre fuyard, cet essaim d'hommes haineux derrière lui. S'agirait-il d'un rêve dans lequel les fantômes du passé seraient revenus ?
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La Bouche pleine de terre

De quelle aliénation sommes-nous les victimes ? Qui a commis la faute en premier : l’individu ou la société ? Sommes-nous tous, irrémédiablement, pourris ?





La thématique qui relie les quatre nouvelles de ce recueil ne m’a pas déçue mais la façon dont Branimir Scepanovic l’a traitée, si. Je n’aime pas ses personnages, fatigants et geignards. Ils ne donnent envie d’aimer rien ni personne, ils ne donnent pas envie non plus de s’énerver, et encore moins de rire. Ce qu’ils dénoncent semble évident, mais il faudrait qu’on leur fasse des courbettes pour les féliciter d’avoir eu des yeux.





Ces nouvelles tournent en rond, peut-être parce que Scepanovic, sans doute bien pris au piège dans son corps et dans sa tête, n’est jamais arrivé à sortir de son amertume. Allez, un jour ça viendra peut-être.
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La Bouche pleine de terre

« Il savait seulement que jamais il ne reverrait ces petits villages monténégrins où il avait connu jadis le bonheur et la souffrance, car, en cet instant, il plongeait ses regards en lui-même comme dans les profondeurs de la nuit et faisait, sans une larme, ses adieux au monde entier ».



Encore un nouvel élément dans ma moisson balkanique à la bibliothèque (sans l’avoir fait exprès, d’ailleurs).



Dans la montagne monténégrine, deux hommes en poursuivent un troisième. Récit court et rythmé, anxiogène et de plus en plus oppressant. Mené à deux voix, alternant celle du poursuivi, et celles des poursuivants, de plus en plus nombreux. Inexplicable poursuite évoquant quelque peu Mangez-le si vous voulez de Teulé, comme une parabole effrayante.



« Avions-nous, dans ces conditions, d’autre ressource que de le haïr ? Bien entendu, quand nous commençâmes à le haïr, nous ne doutions pas, tout d’abord, que ce sentiment puissant et merveilleux qui nous situait par rapport à lui, avait tout de suite effacé les différents motifs qui nous avaient jusque-là poussés à le poursuivre : nous fûmes soudain plus proches les uns des autres, presque identiques, nous nous ressemblions, jusque dans notre aspect extérieur : trempés de sueur, le visage crispé, courbés en avant, nous courions au même rythme et respirions du même souffle, comme une meute de chiens harassés qui ne puisent leur force que dans la fureur et la haine ».



Certes pas une lecture très guillerette. Mais ouaw ! qu’est-ce que c’est bien fait.
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Trois récits fantastiques slaves

Nouvelle de Boris Pilniak « La Ville des vents ».C’est ma première lecture de cet auteur russe, victime 1937 des grandes purges. C’est une belle découverte.

Pavel, russe adopté par une famille allemande 1914, part en Russie à la recherche de son père. Il retrouve sa trace et arrive à Bakou au bord de la Caspienne.

Pavel dans sa quête, Bakou, le feu, le pétrole et le vent, Pilniak mêlent à merveille ces éléments, dans un style vif, alerte et poétique. Boris Pilniak critique et dénonce les méfaits de l’exploitation du pétrole et de l’industrialisation … On peut dire qu’il était en avance sur son époque.

Dans Bakou le pétrole entretenait, depuis la nuit des temps, un feu dans un temple Zoroastrien où les Indiens venaient mourir et bruler. Mais une autre religion engendré pour les besoins de la civilisation à fait naitre une forêt de derricks et le feu sort de ces torches modernes, attisé par les vents violents et hurlants. Bakou, la noire engluée a perdu son âme…

« Dans la nuit des ténèbres, depuis les hauteurs de la Vieille Ville, on apercevait les lumières des villes neuves, la Ville Noire et la Ville Blanche, où sont transformés les entrailles de la terre, car la civilisation de l’humanité actuelle se doit de lancer des avions dans le ciel, de propulser des navires par les océans, de goudronner les routes et les rues des villes, car tout ceci est indispensable à l’humanité. En bas sur plusieurs centaines de verstes, s’étendait la terre noire du désert recouverte de bitume et de pétrole qui fut jadis l’autel des Adorateurs du Feu, hommes qui craignaient le feu et qui craignaient cette terre, maudite pour la nature de la vie humaine, et où la volonté des hommes actuels avait envoyé des personnes par milliers…

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La Bouche pleine de terre

Peu de pages mais d’une violence poétique incroyable.



C’est un conte, ou plutôt une parabole sur la haine, la fuite, la mort. Raconté à deux voix qui se répondent en écho (un narrateur-chasseur et un narrateur extérieur focalisé sur le fuyard), ce petit texte nous plonge au cœur même de la nature humaine. Des hommes poursuivent un autre homme alors qu’ils ne le connaissent pas et qu’ils ne savent pas pourquoi ni vers quoi, cet homme court. La haine peu à peu s’empare de leur esprit et ils ne sont plus, bientôt, qu’une masse haineuse et avide d’en découdre.



L’homme, quant à lui, condamné à une mort certaine par la médecine, a décidé de venir mourir dans les montagnes de son enfance. Il souhaite se suicider mais tout au long de sa course effrénée, les questions qui l’assaillent, remettent en cause ce désir, lui font prendre conscience du sens de l’existence. Cependant, des hommes déterminés et remplis de haine le poursuivent…



Ce texte, écrit dans une prose poétique, est un moment de lecture inoubliable.




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La Bouche pleine de terre

La Bouche pleine de terre est une macabre nouvelle traversée d'une tension quasi-insupportable : les premières pages s'ouvrent sur le récit à deux voix d'une absurde course-poursuite entre deux compères et un troisième individu halluciné souhaitant revoir son Monténégro natal.



Le fuyard poursuit sa fuite, évitant ses poursuivants qui deviennent de plus en plus nombreux, sans que l'on ne comprenne ni les raisons de la fuite, ni celles de la poursuite ; la narration prend un tour carrément fantastique lorsque l'on se rend compte que l'épuisement n'aura pas raison du fuyard, qui trouve en lui d'étranges forces surhumaines pour poursuivre sa course.



On peut certes prendre du recul sur cette lecture, et imaginer que tout n'est qu'une métaphore de la condition humaine et des mécanismes sociaux qui permettent à un groupe de persécuter un individu ; l'auteur ne nous fournit cependant pas vraiment de clefs de lecture, et j'ai fini ma lecture un peu déboussolée, d'autant plus que la préface laissait supposer une sorte d’œuvre d'art aux nombreuses références littéraires. Je reste perplexe, bien que Branimir Šcepanovic mérite une mention pour la tension qu'il laisse planer d'un bout à l'autre du récit.
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La Bouche pleine de terre

(...).



Déjà, la préface est magnifique, riche de références (du dormeur du val à Goethe en passant par Mein kampf et saint Augustin), et du coup vous vous trouvez ridicule à prétendre parler de ce livre. Car, soyons honnête, la préface éclaire la face cachée de l'oeuvre, celle que, maigrement cultivé que vous êtes (enfin, vous, je veux dire, moi) vous n'auriez jamais pu que ressentir sans clairement identifier.



Je ne peux m'empêcher de vous en citer un passage:



"De "la mort de Monsieur Golouja" au "rachat" en passant par "la bouche pleine de terre", l'évangile selon Scepanovic prêche la même éthique du salut, avec toujours les mêmes héros qui prennent sur eux le pêché du monde, la haine des nations en meute, pour trouver dans la mort bienheureuse une certaine réconciliation. Après avoir cherché l'ombre de la croix sur la terre, le suicidé frustre ses assaillants d'une mort promise. La stupeur des chasseurs frustrés ne se laisse comparer qu'à la stupeur des disciples accouardis devant le tombeau vide. Le sourire sur les lèvres d'une bouche pleine de terre est une manière de se dérober d'une façon aussi sûre que celui du chat de Cheshire (...) Et le bonheur de ce suicidaire est très exactement le même que celui de Borges (...) autre chantre, dans ses fictions, du bonheur par la pétrification et la minéralisation de l'homme:"Aucune étoile ne restera dans la nuit / ni la nuit ne restera./ Je mourrai et avec moi mourra la somme de l'intolérable univers." Et comme en apothéose pour qui sait lire sur les lèvres des morts volontaires de Branimir Scepanovic:"Je rearde le dernier coucher de soleil./ J'entends le dernier oiseau./ Je lègue le néant à personne." Eut-il été moins nu, que le néant n'aurait pas été aussi accompli, ni le sourire aussi franc et salutaire, ni la mort autant mortifiée. Tel est le "supplément d'être" du mort volontaire.(...)"



Ce livre relativement court (moins d'une centaine de pages dans l'édition de poche) est un récit à double narration en échos, la double narration étant explicitée dans la forme par des paragraphes espacés, ainsi que l'emploi des italiques (narration coté Mort volontaire).



Le récit commence par celui de deux chasseurs, dans une tente, engloutis dans une nuit d'été.



Puis vient celui d'un voyageur à bord d'un train. Sans bagages. Ce voyageur, comme on l'apprendre plus tard, a choisi de se rendre à un endroit pour mourir. Parcequ'il veut choisir sa mort et ne veut pas qu'une maladie la lui vole. Sa maladie, incurable. Il s'enfuit de l'hopital, rentre chez lui, fuit son domicile. Puis le train et la gare. Une fuite, un exil. La mort comme salut. Dès lors, notre homme va éviter tout ce ui pourrait inflechir sa détermination.



L'endroit élu est le sommet d'une montagne, là ou quelques décennies plus tôt, enfant, il s'était réfugié et avait entrevu une première fois la mort comme une délivrance. Alors qu'il marche vers cette terre, promesse de néant libérateur, il rencontre de façon fortuite les deux chasseurs. Ils auraient pu se croiser, s'ignorer, et notre futur mort volontaire aurait pu continuer son chemin.



Mais au lieu de ça, sans mot dire, il fait demi-tour et se met à courir. Et, curieusement, les chasseurs se mettent à lui courir apres. Sans savoir trop pourquoi. Cette course poursuite effrenée va durée toute la journée. Aux chasseurs se joindront un berger, puis un garde chasse, et au fur et à mesure une véritable meute se formera. Personne ne sait précisément pourquoi il poursuit le fuyard, mais au fur et à mesure, les gens s'inventent une raison et se mettent, via une espèce d'émulation inhérente au groupe, à le haïr.



L'auteur décrit de façon très subtile cette naissance de la haine.



Tout cela prendra fin lorsque notre homme se jettera du haut de son rocher.



Il a pris conscience de son existence, approché la mort, l'a convoitée, redoutée et, dans un ultime soubresaut, s'est jeté dans ses bras, anéantissant ainsi la horde qui était à ses trousses et laissant les chasseurs hagards, hébétés, comme à la suite d'un mauvais reves.



Les matéphores possibles d'un tel récit sont multiples. On peut y voir une dimension religieuse, mais également une dimension sociale (thème du suicide et du rapport de l'individu à la collectivité) et politique. Ainsi, Thierry Guichard du matricule des anges, évoque une analogie avec le sort de la Yougoslavie ("Son analyse du comportement de la foule des poursuivants, la mécanique de la haine qu'il démonte sobrement, éclaireront ceux qui voudront voir dans ce roman l'annonce de la guerre qui a conduit la Yougoslavie au suicide")



Un très grand livre, excellente introduction à l'oeuvre de l'auteur.
Lien : http://lelabo.blogspot.com/2..
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La Bouche pleine de terre

J'ai lu ce livre en 2009 et j'ai beaucoup aimé ce livre très court (réédité depuis, je pense) J'avais du sauter la préface?

Je me souviens de deux campeurs qui voient passer un homme qui court, ils le suivent et sont suivis par d'autres: la haine apparaît fruit de l'ignorance.

Cela m'a inquiétée car paraissait en même temps: Mangez-le si vous voulez et Un juif pour l'exemple.

On peut rêver d'un monde meilleur!

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La Bouche pleine de terre

Quel petit roman étonnant, déroutant. J’aime ça, quand la littérature me déstabilise. C’est ce qu’elle devrait toujours faire, je trouve.

Deux campeurs citadins profitent de la plénitude de la forêt au petit matin.

D’un autre côté, un homme qui vient d’apprendre qu’il vit ses derniers mois, décide sur un coup de tête d’aller mourir dans son village natal du Monténégro, où personne ne l’attend car il n’est pas revenu depuis son enfance. Au petit matin, sur une pulsion, il quitte subitement le train qui l’emmène à destination, descend dans une petite gare inconnue, et avance vers la forêt, se disant qu’il doit mourir seul, en décidant du moyen et du lieu.

Évidemment, manque de chance, le futur suicidé solitaire tombe sur les deux campeurs, et cela le contrarie. Il fait demi-tour sans leur adresser la parole. Ce qui étonne et contrarie également les deux campeurs, qui se mettent en tête de le rattraper pour lui parler. S’ensuit une course poursuite épique et dingue basée sur une succession de quiproquos, accompagnée d’un revirement des intentions des protagonistes respectifs. Plus le très court texte (moins de 100 pages) avance, plus les protagonistes perdent pied avec la réalité, et nous avec, on ne sait plus ce qui est réel ou imaginé, déliré. Un texte tout en mouvement, qui nous happe. C’est prenant, hypnotisant, et dérangeant en même temps. En tout cas un texte qui ne peut laisser insensible.

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La Bouche pleine de terre - La Mort de M. G..

Ce livre est composé de 2 nouvelles.

La première concerne un homme dans un train. Las, il sort du train, et marche. Il a décidé d'en finir avec la vie, dans ses terres natales du Monténégro. Soudain, il tombe face à 2 chasseurs. Ne sachant pas comment réagir, il se met à courir. Les chasseurs se lancent alors à sa poursuite. Folle course poursuite qui va virer à l'absurde. La forme est peu conventionnelle, les paragraphes alternent les points de vue : le chassé et les chasseurs.

Le style est agréable à lire. J'ai aimé cette nouvelle, limite kafkaïenne.



Dans la 2ème nouvelle, tout un village reculé s'interroge sur la présence d'un inconnu à l'hôtel depuis 3 jours. Qui est-il ? Que fait il dans ce trou perdu ? Les habitants le prennent à parti et il explique s'être trompé, qu'il est descendu du train au mauvais endroit. Les habitants sont peu convaincus et sont persuadés que cet homme est venu se suicider dans leur ville. Ils se mettent à l'admirer : un homme qui n'a pas peur de la mort ! Et le village se démène pour que les derniers jours de l'inconnu soient agréables.

Je ne vais rien dévoiler de plus mais cette nouvelle est jouissive, c'est drôle et absurde. J'ai adoré !
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L'été de la honte

Ce roman allégorique se termine dans une longue plainte inhumaine où l'on mesure que l'histoire racontée par Branimir Scepanovic est la tragédie de l'humanité: "... le hurlement ininterrompu palpitait dans l'air, étrange et déchirant, et ressemblait de plus en plus à un de ces cris d'homme qui vous gonflent la poitrine et que l'on ne peut réprimer. Jeftimije estima qu'une telle chose était impossible, il ne pouvait admettre qu'un être humain, même s'il a mal, pût à ce point être proche d'un chien; [...] ".



Le petit village de Pasjača (prononcer «pasiatcha») est isolé du reste du pays serbe, les voies de communication l'ont oublié, ses habitants doivent s'approvisionner après un long chemin à dos de mulet. Nul n'y va ni n'en part jamais, sauf peut-être un homme qui observe aux jumelles la vallée, sur le mont de l'est...



Par un été aride, Isak revient en ce lieu qui l'a vu grandir, car aujourd'hui il est devenu un homme et a vu le monde – en témoigne ce chapeau américain au bandeau bleu qui impressionne tant le gamin bâtard –, il a le sentiment d'avoir un compte à régler avec les villageois qui l'ont un jour battu et chassé. Il y a cette odeur qu'il veut retrouver, l'odeur d'hier, de l'enfance, de sa terre. Puis Jacov, son père défunt, qu'il croit haïr. Et Marta qui essuya ses plaies mais alla vers le beau Danilo. Isak veut les revoir et les impressionner.



La méfiance et l'hostilité l'accueillent: "Tu te figures que parce que tu es revenu avec un chapeau, tu peux nous faire tourner en bourriques. [...]. Nous pissons sur ton Amérique, nous sommes bien ici." Mais ce petit garçon, que le chapeau à bandeau fait rêver à la mer lointaine, est rusé : il insinue aux villageois qu'Isak est un homme du pouvoir. le mot absorbe par magie les animosités, les ricanements se font sourires obséquieux : Isak est respecté et craint, convoité par des femmes.



Ces moments apaisés permettent à l'homme de se réconcilier avec la mémoire de son père, vieil homme faible qui baissait la tête devant les villageois envieux et fourbes autant qu'idiots. L'enfant Isak avait honte d'un père soumis et il retrouve la paix en écoutant les chants que fredonnait le disparu. Mais les villageois sont ce qu'ils sont, l'hypocrisie règne, la rumeur est facile et les humeurs changeantes. Des animosités jalouses se réveillent avec la soif d'humiliation et de violence envers Isak. Même celle qui s'enflamma dans ses bras le reniera en deux soupirs aux pieds de son mari.



La mesquinerie du coeur humain et sa solitude éternelle sont au coeur de ce récit magnifique. La quête du paradis perdu s'apparente ici au retour dans un pandémonium où même le prêtre ne croit pas en Dieu.



"Si Isak était resté dans le vaste monde, s'il avait résisté au désir de venir vous affronter, s'il avait eu la force de ne pas essayer de vous prouver quelque chose, s'il vous avait oubliés ou du moins refoulés en lui jusqu'à l'indifférence, je dirais alors qu'il vous a vaincus. En fait il se croit plus fort que vous, mais il se trompe."



Branimir Scepanovic est apparu sur la scène littéraire serbe dans les années soixante, en même temps que quelques prosateurs comme Borislav Pekić, Danilo Kiš ou Mirko Kovač. Dans "L'Été de la honte" (1965) se déploie un univers où le grotesque, le paradoxe et l'absurde se côtoient et où l'on perçoit les immenses qualités qui ont marqué quelques années plus tard le fulgurant roman "La Bouche pleine de terre" (1974).


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Une mer blanche et silencieuse

Voici un recueil de nouvelles étranges.

L'auteur part de situations quotidiennes pour se laisser aller vers de l'introspection, la poésie voire de l'étrange.

Par moments, c'est une très belle littérature (la traduction est de qualité). Par d'autres moments, j'ai un peu lâché car peut-être un peu trop hors des sentiers battus.

C'est le 2ème auteur serbe que je lis (le 1er étant Goran Petrovic). J'ai bien aimé. Il faut dire que j'aime le genre de la nouvelle. Donc d'entrée de jeu, j'ai voulu lire.

A découvrir !
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La Bouche pleine de terre - La Mort de M. G..

Ironie cruelle pour le premier, humour noir pour le second, ces deux contes sont des bijoux dans le registre du macabre. La bouche pleine de terre est un classique de la littérature serbe et il est titré en gros sur la couverture quand La mort de M. Golouja, plus méconnu, n'a droit qu'à une petit ligne en dessous. Une face A et une face B ? C'est possible. Mais si cela fait du premier un tube, cela ne fait pas du second son faire-valoir. Car, en ce qui me concerne, si je ne devais retenir qu'une des deux faces, ce serait la B, pour son style épuré et son extrême dépouillement, pour son ton désopilant et son mauvais esprit.

L'article complet sur Touchez mon blog, Monseigneur...
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La Bouche pleine de terre

Deux narrateurs se partagent ce récit surprenant et qui met mal à l’aise le lecteur. Le premier, en italique et raconté à la troisième personne, narre la fuite d’un homme qui se sait atteint d’une maladie incurable. S’interrogeant sur le sens de sa vie, il décide de sauter d’un train et de se laisser mourir en pleine nature. Le deuxième récit entrelacé au premier, en romain et à la première personne, est celui d’un homme ordinaire et de son ami, partis pécher lorsqu’ils voient cet individu étrange et atterré. De là, de cette rencontre simple, naît une histoire tragique et incompréhensible.

Car le fuyard, d’abord interloqué devant la présence de deux hommes, décide brusquement de fuir : il fuit toute question, toute tentative de le faire revenir en arrière, vers la raison, et vers un espoir auquel il ne croit plus. Mais les deux hommes, le voyant courir de toutes ses forces, se décident à lui venir en aide en lui courant après, pour lui assurer leur soutien, leur compassion car ils comprennent à demi-mot le désespoir vécu. Ce que le fuyard ne comprend pas. La fuite se poursuit ; les deux hommes s’épuisent, s’agacent de cette course inutile, sans but, et en viennent à penser que cet homme qu’ils pourchassent est responsable de leur labeur. La course devient agressive, d’autant que des inconnus la rejoignent : un garde-chasse persuadé de reconnaître un criminel, des marcheurs persuadés que la poursuite est légitime.

Ce court roman, ou cette nouvelle plutôt, est terrible dans sa représentations des relations humaines, dans le désespoir d’un homme incompris, incapable de dire son désarroi et de ces poursuivants formant foule, tout juste bons à contraindre un individu qu’ils jugent étrange et donc forcément coupable, qu’ils ne comprennent pas et qu’ils accusent de leur incompréhension.

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La Bouche pleine de terre

Un homme à qui la médecine a annoncé sa mort prochaine, décide de retourner dans son pays de naissance: le Montenegro. Il monte dans un train. Agacé par le voisinage, il descend et poursuit son voyage à pied. Au milieu de la campagne, il aperçoit deux campeurs, il tourne les talons et se met à courir. Aussitôt les deux quidams se lancent à sa poursuite.

La nouvelle alterne deux points de vue: celui du fuyard et celui des poursuivants.

Le récit permet une pluralité d’interprétations qui bien évidemment, dépassent la simple chasse à l’homme. La forme très poétique guidée par le non-sens permet de parler de la fuite, de l’inéluctable, du destin, de la mort et de la vie de manière métaphorique. Le lecteur est invité à projeter ses propres angoisses existentielles, dans un récit métaphysique envoutant, parfois déroutant.
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La Bouche pleine de terre - La Mort de M. G..

Ces deux nouvelles m'ont surprise par leur style. J'ai l'impression d'avoir trouvé un Ionesco serbe. La Bouche pleine de terre est un Rhinocéros transposé dans les Balkans, au Monténégro plus précisément. J'ai vraiment adoré cet univers onirique et en même temps décalé/absurde. La deuxième nouvelle est également à lire ! Cependant, et c'est tout à fait personnel, je n'accroche pas spécialement au format de la nouvelle, c'est pourquoi ce recueil ne me laissera pas un souvenir impérissable
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La Bouche pleine de terre - La Mort de M. G..

Pas simple de commenter ce livre...

Une certaine déception vis à vis de la première nouvelle qui est « celle » étant sensée être la référence!

La forme est peu classique puisque nous avons 2 narrateurs le poursuivi qui parle à la 3ème personne et les poursuivants nous parlant directement. Ce qui va devenir une chasse à l’homme sera la trame d’une réflexion profonde sur la nature humaine et ses perversions.

La seconde nouvelle, tout autant impossible à raconter, est beaucoup plus prenante, caustique et addictive.

Mais s’agissant d’histoires non racontables, le mieux est que chacun se fasse une idée!
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La Bouche pleine de terre - La Mort de M. G..

Ce livre se laisse lire comme un conte, avec deux niveaux de lecture qui permet de lire avec ou sans prise de tête suivant ce qu'on y recherche.



* La bouche pleine de terre *



C'est l'histoire d'un homme, se sachant condamné par une maladie, décide de retourner au Monténégro où il est né mais n'a jamais vécu. Il descend du train au hasard et s'enfonce dans les montagnes couvertes de forêts, non loin de la capitale Podgorica, avec la mer qui s'étend au loin.



Il y a deux narrateurs qui alternent : « il » pour l'homme qui fuit (en italique), « nous » pour la foule qui lui court après (en droit).

Chaque geste apparaît ainsi décrit deux fois, mais ces points de vue n'interprètent pas du tout les mêmes choses, au point que leurs subjectivités leur font voir des choses tout à fait différentes. Ils surinterprètent les intentions, mécomprennent les sentiments, tombent dans des contresens à l'opposé de la réalité.

C'est cela qui conduit ce début d'histoire anodin à se muer peu à peu en une gigantesque chasse à l'homme. Les narrateurs alternent très rapidement, parfois avec une phrase chacun. Cela donne un rythme haletant à la course poursuite.



L'action dérape très progressivement. Phrase après phrase, l'étrange s'immisce et l'étau se resserre. L'effet de groupe y est pour beaucoup, les volontés des individus constituent lentement un groupe, puis la volonté du groupe efface peu à peu celle des individus.

J'ai eu un petit peu de mal à tout comprendre des premières pages, car le livre ne prend pas vraiment par la main, mais ensuite je me suis totalement laissée embarquer dans l'action et les émotions. Ces deux dernières restent cohérentes de proche en proche, pour aboutir à une situation complètement absurde qui va beaucoup trop loin. J'ai trouvé cette montée en puissance très réussie.



Les thèmes se répondent aussi, de la même manière de proche en proche, avec pas mal d'habileté de l'auteur pour les lier. Quand un narrateur évoque l'amour, l'autre évoque la haine. De nombreux diptyques apparaissent ainsi, avec leurs subtilités et leurs nuances en évolution constante : honte de soi et fierté, peur et mépris, curiosité et absence de réponse, la motivation de la vie et le non-sens qu'est la mort...



Je suis en admiration totale devant le style : les décors, les images, les sensations. Tout est épuré, les seuls détails donnés créent une atmosphère vraiment particulière. On nous parle des couleurs de l'air, d'une multitude d'odeurs, des paysages dépouillés et tout en relief.

Ce style particulier décrit aussi des sentiments puissants qui ne s'embarrassent pas de paraître raisonnables ou de former un tout cohérents, ils suivent juste le cours sinueux des pensées.





* La Mort de M. Golouja *



C'est l'histoire d'un homme qui descend par hasard d'un train dans une petite ville sans intérêt. (Déjà vu ?) Les habitants se demandent pourquoi il a choisi leur ville ennuyeuse pour passer ses vacances. Il ment pour se rendre intéressant en disant qu'il a choisi cette ville pour se donner la mort.

Comme il ne se passe jamais rien dans ce village, les habitants se réjouissent qu'il arrive enfin quelque chose de dramatique qui les sorte de leur morosité constante.

Cela devient un jeu de plus en plus malsain...



Moins d'action et plus d'humour, avec encore une fois un suspense rampant tandis que l'étau se resserre très progressivement sur lui.



Encore une fois, j'aime énormément le style épuré, onirique et sensitif. Il y a en plus une bonne dose de fantastique et de mystère.



Les deux nouvelles ont beau être assez courtes (une soixantaine de pages chacune), on trouve des ressemblances évidentes entre les deux, comme des variations autour d'un même thème, aussi bien dans la narration que les idées.

Par exemple, le personnage principal descend par hasard d'un train au début, les deux intrigues qui dévoilent très rapidement que la mort est une issue probable, l'intérêt élevé au niveau d'absurdité que la foule accorde au personnage...

Cela peut s'avérer être des manières un peu faciles de construire la narration. Je me demande si ces éléments avaient un sens particulier pour l'auteur, vu que les deux personnages partagent aussi avec l'auteur le fait d'être un Serbe né au Monténégro.



Il y a quelques passages un peu misogynes. C'est tellement caricaturé que ça en devient presque drôle. En fait, il parle des femmes un peu comme des extraterrestres qu'il ne connaîtrait pas bien et essaierait maladroitement de décrire. La caricature tombe à côté.

Après, les hommes ne sont pas non plus décrits méliorativement. C'est une satire, les femmes et les hommes sont tous deux moqués mais différemment.



* Conclusion *



Ça m'arrive très rarement d'être fan, ou ne serait-ce que sensible à un style d'écriture. Je n'en ai souvent pas grand chose à faire tant que cela reste compréhensible. Mais là c'est inédit pour moi, je suis complètement fan de cette plume. C'est sans aucun doute très subjectif.

En tout cas, en plus de l'aspect d'allégorie onirique et satirique qui me plaît beaucoup, c'est le style qui me fera revenir vers ces nouvelles et découvrir les (malheureusement trop peu nombreuses) autres œuvres de l'auteur.
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