Payot - Marque Page - Brigitte Findkakly - Superino à la rescousse !
Dans l'esprit de mon père, nous reviendrions tous quand les temps seraient meilleurs. C'était sans compter sur les ressources de l'adversité... avec Saddam Hussein qui deviendra président en 1979, la guerre d'Iran-Irak de 80 à 89, la guerre du Golfe en 90, les sanctions économiques qui ont suivi, la seconde guerre du Golfe en 2003 et maintenant Daech
[Irak, années 60]
Ma mère était abonnée à une revue féminine française qu'elle recevait tous les mois.
Sur l'avant-dernière page, là où on voyait les photos des 45 tours du hit-parade, il y avait régulièrement des trous.
Ça a duré des années avant que je demande à ma mère pourquoi.
Elle m'a expliqué que c'était des disques d'Enrico Macias, et que des gens à la douane postale étaient chargés de découper ses photos parce qu'il était juif.
En octobre 1989, un an après la fin de la guerre Iran-Irak, je suis retournée à Bagdad. Onze ans s'étaient écoulés depuis mon dernier voyage. Le choc a été bien plus rude que lors de mes précédents séjours. [...] Mes cousines avaient presque toutes arrêté de travailler. Elles étaient mariées et avaient eu des enfants. Alors qu'avant, nous prenions l'apéritif tous ensemble, mes cousines servaient désormais leur mari. [...]
Désormais, chez tout le monde, il y avait le portrait de Saddam Hussein.
- Je ne comprends pas pourquoi vous accrochez son portrait.
- On n'a pas le choix. Toutes les familles sont obligées. Mais on n'en parle pas devant les enfants. A l'école, quelqu'un passe tous les jours dans les classes et demande ce que leurs parents pensent de Saddam Hussein.
Les bons souvenirs (3)
Plusieurs fois par an, il pouvait y avoir des tempêtes de sable sur Mossoul.
Tout devenait jaune orange.
Je passais des heures à regarder le ciel.
Les écoles étaient alors fermées et toutes les circulations interrompues.
J'aimais bien ces moments-là où nous devions rester tous ensemble dans la maison.
Donc les gens prenaient un vrai plaisir à parler sur les autres, et évidemment détestaient quand les autres parlaient d'eux.
On m'a raconté que durant la guerre lorsqu'un fils mourait au front, la famille recevait une somme d'argent très conséquente et une voiture. Mais il est arrivé que le fils revienne plusieurs mois après son "décès". Certains parents avaient alors rejeté leur enfant pour conserver leurs acquis.
Mais la pire difficulté a sans doute été ma première rédaction...Non pas parce qu'il fallait écrire en français....mais parce que je devais donner un avis personnel sur un sujet, ce qui n'était jamais vraiment demandé en Irak.
Les mariages arrangés représentent toujours 95 % des cas en Irak.
Sauf que depuis les années 80, avec la montée en puissance du régime de surveillance de Sadam Hussein, les gens se sont mis à se méfier les uns des autres et les mariages se font plus couramment entre cousins d'une même famille.
Puis, un jour où je passais encore en boucle Michel Sardou, mon frère a craqué.
"J'ai envie de violer des femmes de les forcer à m'admirer"
- Mais écoute les paroles ! Ecoute les bien et comprends ce qu'il dit !!
J'ai fini par passer à Georges Moustaki.
Finalement mes parents m'ont inscrite dans une école privée en 2nde. Il y avait là beaucoup d'enfants de militaires et de grands bourgeois. L'ambiance était majoritairement raciste.
À tel point qu'un jour le professeur de français, pour qui il était logique et normal d'être raciste, a posé la question en classe.
- Qui ici, peut prétendre ne pas être raciste. Ah oui, toi, bien sûr. Mais ça ne compte pas.
- Mais alors comment pouvez-vous dire être raciste et me parler ?
- Ah, mais toi, c'est pas pareil.