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Citations de Camil Petrescu (55)


Trois semaines après la campagne du « Siècle », si féroce dans le ton, on ne trouvait plus la moindre allusion à son nom dans le journal qui l’avait tellement sali. Échauffé, bouillant, quelque chose de mauvais dans l’expression, Ladima s’en prit alors à la classe dirigeante toute entière… Seul Mateevici publiait dans le journal des articles de louange qui avaient toujours pour objet, naturellement, les sympathies et les arrangements de Naé. Le même Mateevici attaquait encore, toujours sans signer, évidemment, car c’est Ladima qui répondait de tout, les dirigeants de la jeunesse libérale. Ils étaient agressés avec une hargne de chien, harcelés individuellement, certains carrément démolis… Le « Siècle » semait surtout la terreur - et c’est ce qui m’a beaucoup surpris – dans le parti libéral… Au club, dans les réunions, Naé Gheorghidiu était maintenant craint et écouté…

(pp. 186-187)
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Je vis une vie dont aucun événement n'a plus de signification toute simple... Il me faut tous les mettre en relation, comme dans le rêve, avec d'autres situations, et les faits se prêtent les uns aux autres des sens nouveaux.(...)...les signes ne correspondent plus à leur contenu établi, les faits ont d'autres causes que celles que je leur connaissais (...) Je sais bien qu'une telle évolution est chose normale pour d'innombrables êtres humains mais ce qui ne l'est pas c'est cette transformation que je subis, moi, le pilote automobile et l'attaché de légation Fred Vasilescou.

(p.172)
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La notion de normal ne peut me venir que de la comparaison entre ma vie avant la rencontre avec madame T. et celle d'aujourd'hui. Je distinguais moins de couleurs, seulement quelques nuances, je voyais moins de choses, j'avais d'autres plaisirs... je ne soupçonnais même pas tous ces sens qui me sautent aux yeux depuis.

(p.173)
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Cette femme est le compagnon qui m'a fait m'arrêter en chemin, tout simplement parce qu'elle voulait voir quelque chose et depuis lors, j'ai commencé à voir, moi aussi, une foule de choses. Je me dis que sans Madame T. il n'y aurait jamais eu de Ladima dans ma vie et l'événement qui vient de se produire maintenant, qui me glace et qui me semble, dans ce crépuscule si chaud et dans cette chambre, gros de souffrances, n'aurait pas retenu mon attention plus longtemps qu'il n'en faut pour fumer une cigarette.

(p.173)
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J’ai senti la vanité de toute illusion mais ce n’est que plus tard que j’ai pu me sourire à moi-même et ce sourire m’a rassurée, comme un orateur, gêné d’avoir perdu le fil de son discours, l’est par une formule heureuse qui lui permet de conclure.

(p.37)
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…la coïncidence des cigarettes m’a fait frémir, c’était un peu comme si elle avait su de quoi nous étions en train de parler, comme si elle était venue des coulisses pour intervenir dans notre scène… Elle était habillée d’un kimono de soie blanche qui brillait dans la lumière et qui lui moulait obliquement le buste. La lune avait disparu…, l’aube approchait et l’obscurité avait maintenant quelque chose de duveteux et de brumeux… Il lui était impossible de nous voir dans ce fossé… Et pourtant j’avais envie de hurler de mon trou, de hurler « je t’aime » avec fureur et de fuir ensuite dans la nuit… Emilie est revenue et elle me demande, tout étonnée, pourquoi j’ai laissé refroidir mon café.

(p. 137)
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C’est comme ça que j’ai connu George Demetru Ladima dont j’ai appris alors par la même occasion qu’il était journaliste à Bucarest et maintenant, sous la photographie attachée par un ruban sur cette pile de lettres, j’ai l’impression de le découvrir dans sa tombe. Penser qu’il a aimé Émilie, les imaginer ensemble m’est aussi difficile qu’il me l’était, à l’école, d’additionner des chevaux et des oies.

(p.125)
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C’est en cette année 1926, et en ce mois-là, que j’ai, pour ainsi dire, fait la connaissance de Ladima, un soir, vers minuit, à l’hôtel Popovici de Movila… C’est là que se rassemble toute la jeunesse, le soir, après qu’elle s’est grillée pendant toute la journée sur la plage étroite et sinueuse. Les femmes, à peu près anonymes le jour, tandis qu’elles sommeillaient, mollement allongées sur des draps blancs, en costumes de bain, toutes pareilles d’une certaine manière, telles des brebis dans un parc à bestiaux, ou semblables, si l’on veut, les unes à de jeunes conscrits, les autres à des « girls » d’opérette, devenaient le soir des « dames ».

(p. 105)
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J’avais l’impression d’avoir de la fièvre, de ne plus être en contact avec les choses. Je n’aurais pas été capable de saisir le moindre objet avec ma main et autour de moi ce n’était plus des gens qui passaient mais des formes qui marchaient… Nerveux comme je l’étais, j’éprouvais le besoin de parler, même au prix d’un effort pénible.

(p. 256)
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Je fume beaucoup, absorbé dans mes pensées. En moi se réveille, appelée par
la vie de Ladima comme s’appellent les spectres, ma propre vie que je comprime avec peine, douloureusement. Lorsque Emilie essaie de m’embrasser sur la bouche, ce que je ne lui ai jamais permis de faire, je reprends ma lecture.

(p. 98)
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J’en reste figé de stupeur. J’ai l’impression d’être en train de tâter de mauvaises étoffes. « Il s’est régalé une fois.» Je la regarde longuement. Emilie a donc conscience qu’elle représente un festin de chair ? Elle a la valeur de son animalité… et elle exploite ça froidement, avec méthode, de manière calculée ; elle s’intéresse à son sexe de façon vulgaire et appliquée, comme un paysan à ses produits et à ses greniers. Même si Ladima ne l’a pas aimée, ce qui est pénible c’est de penser qu’un homme comme lui ait pu écrire à une pareille femme sans songer un instant que cela pourrait se savoir et le compromettre…
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Émilie se donne si facilement qu’il me semble étrange qu’on puisse faire tant de littérature pour aller au lit avec elle. Il est presque intolérable qu’un homme si sérieux, à l’allure de professeur, qui, tout démodé qu’il était, faisait à tout le monde une impression de réelle distinction, avec lequel on ne pouvait jamais plaisanter, se rende à la typographie, comme un petit fonctionnaire énamouré, dans le seul but de rendre un service à une élève du conservatoire.

(p. 95)
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Depuis qu’elle a commencé à me raconter ça, elle s’est redressée. Mais sa tête ronde aux traits calligraphiques garde le même air absent. Elle est assise sur le lit. La jambe qui se trouve de mon côté est repliée au genou et soutient son sein gauche tandis que l’autre est allongée sur le drap blanc. (…) j’ai le sentiment qu’Emilie n’a jamais vu un lever de soleil (peut-être que je devrais l’emmener voler un jour, à l’aube), que ses grands yeux tranquilles n’ont jamais regardé une fleur, comme ça, pour rien, ( mais je me demande si je l’avais fait moi-même, avant de connaître madame T.). Je la regarde et je l’écoute.

(p. 142)
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– Alors j’ai pris les devants et je lui ai dit que nous attendions quelqu’un de Bârlad, le régisseur de notre petit domaine…(elle baisse la voix par manière de parenthèse rouée). Je lui ai dit que nous avions un petit domaine du côté de Bârlad et qu’on devait discuter le contrat… En arrivant, Gheorghidiu a été très agacé de le trouver ici… mais je l’ai fait passer tout de suite dans la chambre et lui, il est resté avec Valérie. Tu vois, la porte est en bois et on n’entend pas à travers… Pour ce qu’on avait à se dire…

(p.141)
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– D’habitude Ladima (elle les appelait tous par leur nom de famille et cette familiarité avec leur nom social semblait plus pénible encore) ne venait jamais le soir tard… Il venait plutôt le matin ou d’autres fois tout de suite après le repas… La plupart du temps il venait en fin d’après-midi et alors on allait au cinéma ou on restait à la maison… Je te le dis franchement, j’aime pas beaucoup les types qui se cramponnent. J’y mets vite le holà. Mais j’avais pitié de lui. Il venait justement de se pointer et pas moyen de le faire décamper… C’était déjà six heures et j’étais désespérée, parce qu’on s’attendait à voir arriver Gheorghidiu d’un instant à l’autre.

(p. 141)
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Je suis stupéfait, je tressaille en entendant ce nom mais je me reprends aussitôt sinon je n’apprendrai plus rien. Émilie est capable de sincérité mais seulement lorsqu’elle est obligée de bavarder pour pouvoir retenir, par intérêt, un homme qui ne l’apprécie guère par ailleurs.

(pp.140-141)
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Je l’avais vue moi aussi quelques jours plus tard dans « Le secret de maman » ; ça m’avait rendu malade. Elle étalait sur scène une souffrance indécente, presque physique, qui est aux yeux d’Emilie ce que l’on fait de mieux au monde, de même qu’un boxeur à la nuque hypertrophiée par les coups croit que ses muscles sont tout, qu’ils représentent l’idéal de toute civilisation…

(p. 140)
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J’ai senti mes yeux se mouiller… Je suis bouleversé. Mais, tout comme en cas de guerre, lorsque deux citoyens d’un même pays se rencontrent à l’improviste en territoire étranger et doivent, pour ne pas se trahir, garder le silence, garder l’anonymat et s’ignorer, je souris d’un air indifférent pour ne pas éveiller les soupçons d’Emilie. J’ai tant de choses à apprendre…

(p. 140)
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… J’ai vu partir A. L.Ciprian et les autres. J’aurais été si heureux de boire un verre de vin avec toi pour fêter cette soirée que nous attendions depuis si longtemps… Je souriais tout seul, je souriais intérieurement à cet espoir… Valérie me dit que tu étais si fatiguée que tu t’es couchée sans même manger. Chère Emy, je te laisse ici un petit cadeau… C’est une petite croix que je tiens de ma mère. Je voudrais marquer comme ça cette soirée triomphale… Je ne me serais jamais séparé d’elle mais à ton cou elle garde toute la beauté du geste qui m’en a fait cadeau. Maman serait heureuse de savoir que c’est toi qui la portes.
Je te baise mille fois les mains,
G.D. Ladima

(pp. 139-140)
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Je prends une autre lettre et je lui demande en guise d’entrée en matière :
– Quand il t’a écrit celle-là ?
– Je sais pas, fais voir.
Elle se penche sur moi et la pointe de son sein me touche l’épaule… Elle cherche, perplexe. Ma chérie, ma, ma chérie, Je suis passé chez vous vers onze heures et demie et Valérie m’a dit que tu dormais encore… Je l’ai priée de ne pas te réveiller car tu avais bien mérité de dormir. J’ai été si heureux, Emy, à mon fauteuil d’orchestre, surtout après toutes les émotions de ces derniers jours… Ils ont failli retirer deux fois la pièce… Et quand j’ai vu, hier soir, après une si belle journée d’automne, qu’il se mettait à neiger, je me suis senti désespéré, tout d’un coup…Je suis même étonné qu’il y ait eu cinquante ou soixante personnes. Mais si avec une pareille salle tu es applaudie en pleine scène comme tu l’as été, ça veut dire que tu es une artiste exceptionnelle… Il y avait des larmes dans tous les yeux lorsque tu as crié, le visage grimaçant de douleur, les poings crispés, la poitrine projetée en en avant…
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