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Citations de Carmen Maria Machado (42)


Je crois à un monde où l’impossible se réalise. Où l’amour surpasse la violence, la neutralise comme si elle n’avait jamais existé, ou la transforme en quelque chose de nouveau, de plus beau. Où l’amour peut l’emporter.
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Debout devant la casserole vide, je me suis sentie fatiguée. Fatiguée des femmes ultra-minces à l’église qui gazouillent en se touchant le bras et le disent que j’ai une belle peau, et aussi de devoir traverser les pièces en pivotant sur les hanches comme si je progressais le long d’une rangée de spectateurs au cinéma. Fatiguée de l’éclairage fade, implacable des cabines d’essayage ; fatiguée de me regarder dans le miroir, d’attraper des vêtements que je déteste, de les lever et de les tenir serrés avant de les lâcher ; fatiguée que tout soit douloureux.
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Elle me fascine, c’est tout ce que je peux dire. Elle est accommodante, mais pas à la manière dont je l’étais – dont je le suis. Elle est comme de la pâte, avec une façon de se laisser pétrir qui masque sa robustesse, ses propriétés. S’il m’arrive de détourner les yeux puis de la regarder à nouveau, elle a l’air d’avoir doublé de volume.
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...En un trajet, elle a le temps d'écouter soixante-quinze pour cent d'un livre audio. Sachant qu'elle conduit à cent cinq kilomètre-heure et qu'un livre audio dure en moyenne dix heures, combien de mois lui faudra-t-il pour qu'elle prenne conscience qu'elle a gâché la moitié de son master à conduire ainsi jusqu'à la maison de sa petite amie pour se faire hurler dessus pendant cinq jours ? Et combien de mois lui faudra-t-il pour digérer le fait qu'elle ne doit s'en prendre qu'à elle-même ?
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Petite, j'ai appris qu'on développe une immunité quand une maladie fait rage dans notre corps. Votre corps est génial, indépendamment du fait que vous le soyez ou non. Il ne se contente pas de guérir_ il apprend. Il se souvient. (Si toutefois le virus ne vous a pas tué).
Après la Maison rêvée, j'ai développé un sixième sens. Celui-ci se déclenchait de façon aléatoire_ lorsque je rencontrais une nouvelle camarade de classe ou une collègue...
Désagréable, irritant et néanmoins capital : l'avertissement génial de mon corps non moins génial
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La Maison rêvée à la manière picaresque
Avant de rencontrer la femme de la Maison rêvée, je vivais dans un minuscule trois-pièces à Iowa City. La maison était foutraque : appartenant à un propriétaire peu scrupuleux, elle se dégradait lentement, était pleine de détails hétéroclites et cauchemardesques. Il y avait une pièce au sous-sol – que mes colocataires et moi avions baptisée la salle des meurtres – peinte en rouge sang du sol au plafond, équipée d’une trappe secrète et d’un téléphone fixe hors d’usage. Ailleurs au sous-sol, un système de chauffage lovecraftien projetait ses longs tentacules dans le reste de l’habitation. Par temps humide, la porte de l’entrée gonflait dans son cadre et refusait de s’ouvrir, pareille à un oeil au beurre noir. Le jardin était immense, piqueté d’un brasero et bordé de sumac vénéneux, d’arbres et d’une barrière pourrie.
Je vivais avec John, Laura et leur chat, Tokyo. Ils formaient un couple ; anciens Floridiens aux jambes longues et au teint pâle qui étaient passés par une fac hippie et avaient débarqué dans l’Iowa pour leur second cycle universitaire. L’incarnation de la démesure et de l’excentricité de la Floride et, au bout du compte, la seule chose qui dans l’après-Maison rêvée sauverait la Floride à mes yeux.
Laura ressemblait à une ancienne starlette de cinéma avec ses yeux écarquillés et son style éthéré. Elle était sèche, dédaigneuse et férocement drôle ; elle écrivait de la poésie et poursuivait ses études en science des bibliothèques. Elle se sentait une âme de bibliothécaire, de sage passeuse d’un savoir public capable de vous conduire là où vous deviez être. Quant à John, il ressemblait à un prof excentrique aux faux airs de rocker grunge qui aurait découvert Dieu. Il préparait du kimchi et de la choucroute dans d’énormes bocaux qu’il surveillait sur le plan de travail de la cuisine avec la maniaquerie d’un savant fou ; un jour il m’a raconté l’intrigue d’À rebours avec force détails, notamment sa scène préférée, celle où le vil et excentrique antihéros incruste de bijoux exotiques la carapace d’une tortue et la pauvre bête, « qui n’avait pu supporter le luxe éblouissant qu’on lui imposait », meurt sous le poids de sa chape. La première fois que j’ai rencontré John, il m’a dit : « J’ai un tatouage, tu veux voir ? » J’ai acquiescé. « OK, tu vas peut-être penser que je vais te montrer ma bite mais, promis, c’est pas ça. » Il a soulevé son short haut sur sa cuisse, révélant le tatouage artisanal d’une église, dessinée à l’envers. « C’est une église à l’envers ? » ai-je demandé. Il a souri en haussant plusieurs fois les sourcils – non pas lascivement, mais par pure espièglerie – et a répondu : « À l’envers de quel point de vue ? » Un jour, alors que Laura sortait de leur chambre vêtue d’un short en jean et d’un haut de bikini, John a posé sur elle un regard où se lisait un amour simple et véritable, puis a déclaré : « Toi, je veux creuser un puits en toi. »

Tel un picaro au féminin, j’ai passé l’âge adulte à aller de ville en ville, me liant à des âmes attentionnées à chaque étape ; un groupe de protecteurs qui ont pris soin de moi (les plus doux des protecteurs, les plus précieux des protecteurs). Ma copine Amanda de l’université, qui fut ma colocataire jusqu’à mes vingt-deux ans et dont l’esprit aiguisé et logique, le caractère imperturbable et l’humour pince-sans-rire accompagnèrent mon passage d’adolescente compliquée à jeune adulte perturbée. Anne, une joueuse de rugby à la chevelure rose, la première fille végétarienne et lesbienne que je rencontrai, qui chaperonna mon coming out en bonne fée gay. Leslie, qui m’aida à traverser ma première rupture douloureuse grâce à du brie, du vin pas cher et de bons moments avec ses animaux, notamment un pitbull trapu au pelage marron nommé Molly qui me léchait le visage jusqu’à ce que je sois prise d’un fou rire incontrôlé. Celles et ceux qui ont lu et commenté mon blog sur LiveJournal, tenu consciencieusement de mes quinze à mes vingt-cinq ans, déballant mes états d’âme à une improbable bande de poètes, de queers paumés, de programmeurs, de rôlistes et d’auteurs de fanfiction.
John et Laura étaient ainsi. Toujours présents, intimes l’un avec l’autre d’une certaine façon et intimes avec moi d’une autre, comme si je faisais partie de leur famille. Ils ne veillaient pas sur moi, pas vraiment ; ils étaient déjà les héros de leurs propres histoires.
Mais cette histoire-ci ? Celle-ci n’appartient qu’à moi.
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La Maison rêvée à la manière d’une non-métaphore
Je présume que tu as entendu parler de la Maison rêvée ? C’est, comme tu le sais, un lieu qui existe réellement. Elle se tient debout non loin d’une forêt, à la lisière d’une étendue d’herbe. Elle a des fondations, mais si le bruit court que des morts y ont été enterrés, il faut sans doute n’y voir qu’une fiction. Il fut un temps où une balançoire pendait à une branche d’arbre mais il n’en reste rien à présent, hormis une corde pourvue d’un nœud solitaire qui oscille au gré du vent. Tu auras sans doute entendu des histoires au sujet du propriétaire, crois-moi, c’est un tissu de mensonges. Après tout, le propriétaire n’est pas un homme, mais une université tout entière. Une minuscule ville de propriétaires ! Peut-on imaginer une chose pareille ?
La plupart de tes hypothèses sont correctes : elle possède des planchers, des murs, des fenêtres et un toit. Si tu imaginais qu’il y a deux chambres, tu as raison, et tort. Qui peut dire qu’il n’y en a que deux ? Toutes les pièces peuvent être une chambre : pour cela il suffit d’un lit, et encore. Y dormir suffit. Seul l’habitant décide de la fonction d’une pièce. Nos actes ont plus de poids que les intentions des architectes.
Si je parle de tout cela, c’est parce qu’il est important de se souvenir que la Maison rêvée existe bel et bien. Elle est aussi réelle que le livre que tu tiens entre tes mains, en revanche elle est nettement moins terrifiante. Si je le voulais, je t’indiquerais l’adresse et tu pourrais t’y rendre en voiture, t’asseoir devant cette Maison rêvée et imaginer les événements qui se sont déroulés entre ses murs. Je te le déconseille. Mais libre à toi. Personne ne t’en empêchera.
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"T'étais passée où, putain ?"

Tu lui racontes que tu as rencontré aux toilettes cette femme qui s'est ouverte à toi, que tu ne pouvais pas lui écrire parce que tu ne voulais pas l'interrompre. Tu te dis que tes explications désamorceront sa colère - tu penses même qu'elle va s'excuser - mais, contre toute attente, elles la rendent folle de rage. Elle continue de marteler le tableau de bord. "T'es qu'une foutue petite conne égoïste, comment oses-tu sortir du bâtiment sans prévenir ?" Chaque fois que tu mentionnes la femme, elle crie de plus belle. Tu te gares à quelques rues de chez vous.

"Ne me parle pas sur ce ton", dis-tu. Puis, sous le choc, tu fonds en larmes. "Je devais prendre une décision, et je pense vraiment avoir fait le bon choix."

Elle détache sa ceinture de sécurité et se penche à ton oreille. "T'avise pas d'écrire là-dessus. Je te l'interdis. Tu m'as bien comprise ?"

Tu ignores si elle parle de la femme ou d'elle, mais tu hoches la tête.

La peur nous pousse tous au mensonge.
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La maison rêvée à la manière d’un livre dont vous êtes le héros
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Love cannot be won or lost; a relationship doesn't have a scoring system. We are partners, paired against the world. We cannot succeed if we are at odds with each other.
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We deserve to have our wrongdoing represented as much as our heroism, because when we refuse wrongdoing as a possibility for a group of people, we refuse their humanity.
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A reminder to remember: just because the sharpness of the sadness has faded does not mean that it was not, once, terrible. It means only that time and space, creatures of infinite girth and tenderness, have stepped between the two of you, and they are keeping you safe as they were once unable to.
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Puisque huit bouchées n'étaient pas adaptées à mon corps, j'allais adapter mon corps à huit bouchées.
P.204
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Sa bouche est une caverne sans fond dans laquelle la lumière, la pensée et le son tombent sans jamais remonter.
"Chut, chut, petit bébé"
P.69
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Nous nous sommes déshabillés. Il a déroulé le préservatif et s’est laissé tomber sur moi. J’ai eu mal comme jamais. Il a joui, moi pas. Quand il s’est retiré, le préservatif était couvert de sang. Il l’a enlevé et l’a jeté. Tout mon corps pulsait. Nous avons dormi dans un lit trop étroit. Le lendemain, il a insisté pour me ramener en voiture à la résidence universitaire. Je me suis déshabillée dans ma chambre puis me suis enveloppée dans une serviette. Je sentais encore son odeur, nos odeurs réunies, et je voulais davantage. Je me sentais bien, comme une adulte qui fait l’amour de temps en temps, qui a une vie. La fille qui partageait ma chambre ma demandé comment ça s’était passé et m’a serré dans ses bras.
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Les amoncellements de neige transforment les subtilités de la nature en monticules, nous rappellent qu’il faut relativiser, qu’il y a une saison pour tout, que le temps passe et que nous aussi, un jour, nous passerons.
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Quand vous y pensez, les histoires sont autant de gouttes de pluie qui tombent dans une mare. Chacune vient d’un nuage différent et, une fois qu’elles se rencontrent, plus moyen de les distinguer.
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Le violeur est violé. Les violés sont des violeurs. “Certains jours, dit le médecin de la prison à un interne tandis qu’ils recousent un autre rectum déchiré, je me demande si les barreaux engendrent des monstres ou si c’est le contraire.”
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On ne s’est pas accouplés avec autant de fougue depuis la naissance de notre fils. Cambrée sur la table de la cuisine, une flamme ancienne s’allume en moi, je me souviens de la force de notre désir, autrefois, des traces laissées par l’amour sur tous les supports, du plaisir qu’il prenait dans mes endroits les plus sombres.
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Ce n’est pas à la fille d’apprendre les choses à son petit ami, normalement, d’ailleurs je ne fais que lui montrer ce que je veux, ce qui se joue au-dedans de mes paupières quand je m’endors. Il finit par saisir sur mon visage l’ombre du désir qui me traverse et je ne lui interdis rien. Quand il me dit qu’il veut ma bouche, la profondeur de ma gorge, j’apprends à réprimer les haut-le-cœur et je l’absorbe entièrement alors que se répand une saveur salée qui me fait geindre. Quand il me demande quel est mon pire secret, je lui parle du professeur qui m’a cachée dans l’armoire en attendant le départ des autres élèves pour ensuite m’obliger à le toucher, de mon retour à la maison, où je me suis récuré les mains jusqu’au sang avec un tampon métallique, un souvenir qui fait vibrer une corde lourde de colère et de honte, et provoque des cauchemars pendant un mois, après cette confidence.
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