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Citations de Carmen Maria Machado (42)


Lorsque je range ma robe de mariée dans l'armoire avec mon trousseau, je repense à la femme qui, en jouant à cache-cache le jour de son mariage, s'est dissimulée au grenier dans une vieille malle qu'elle n'a jamais pu rouvrir. Elle y est restée prisonnière jusqu'à sa mort. Les gens la croyaient enfuie quand, des années plus tard, une domestique trouva son squelette, en robe blanche, recroquevillé à l'intérieur de cet espace sombre. Les mariées ne s'en sortent jamais bien dans les histoires. Et les histoires laissent pressentir le bonheur avant de le souffler comme une bougie.
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Notre fils a douze ans (...) Son odeur n'est plus celle d'un enfant - la douceur du lait est remplacée par quelque chose de plus violent et pénétrant, comme un cheveu qui grésille sur un poêle.
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La tête du bébé me hante parce qu'elle tient du fruit gâté. Je m'en rends compte maintenant, au milieu de ce désert inifini de sons. Elle est comme cette partie molle de la pêche dans laquelle vous pouvez enfoncer le pouce, sans trop poser de questions, ni demander si ça va. Je ne vais pas le faire, mais j'en ai envie, une envie si forte que je la dépose. Elle hurle de plus belle. Je la reprends et l'appuie contre moi en murmurant "Je t'aime, ma petite, je ne vais pas te faire de mal ", or la première affirmation est un mensonge et la seconde pourrait en être un également. Je devrais éprouver le besoin de la protéger et je ne pense qu'à cette région molle, cet endroit où je lui ferais du mal si j'essayais, si je voulais lui faire du mal.
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Autre fait simple et néanmoins terrible : le système judiciaire vous laisse démuni face à la plupart des violences_ verbales, émotionnelles, psychologiques_ et, plus encore, ne fournit pas de contexte. Il n'y autorise pas la présence de certains groupes de victimes. "En mettent en avant les violences physiques au détriment de toutes les autres subies par les femmes battues, écrit le professeur de droit Leigh Goodmark, en 2004, le système judiciaire a créé des critères qui permettent de hiérarchiser les expériences de ces victimes. S'il n'y a pas d'agression [aux yeux de la loi], elle n'est pas une victime, peu importe la brutalité de son expérience, la dureté de son isolement, ou l'enfer émotionnel qu'elle a subi.
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J'étais nerveuse, excitée. J'avais l'impression d'être une guitare, quelqu'un tournait les clés et mes cordes se tendaient. Ils ont battu des cils contre ma peau et soufflé doucement dans mes oreilles. J'ai gémi, frémi, et je me suis tortillée, au bord de la jouissance pendant plusieurs minutes alors que personne ne me touchait à l'endroit voulu, pas même moi.
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" Je peux... ? " demande-t-elle et j'acquiesce avant qu'elle ait terminé sa phrase. Elle met sa main sur ma bouche, me mord dans le cou et introduit trois doigts à l'intérieur de moi. Je ris et suffoque, sous sa main.
Je jouis vite, fort, comme une bouteille qui éclate contre un mur en brique. Comme si j'avais attendu l'autorisation.
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La Maison rêvée à la manière de Lost in Translation.
Ce qu'il faut lire dans sa froideur : elle est préoccupée. Elle est malheureuse. Elle est malheureuse avec toi. Tu as fait quelque chose et maintenant elle est malheureuse, et tu dois savoir quoi pour qu'elle cesse d'être malheureuse. Tu lui parles. Tu dis les choses clairement. Tu penses dire les choses clairement. Tu dis ce que tu as sur le coeur et tu ne le dis qu'après avoir mûrement réfléchi, mais quand elle répète tes paroles, plus rien n'a de sens. C'est ce que tu as dit ? Vraiment ? Tu ne te souviens pas d'avoir dit ni même pensé ça, et pourtant elle te fait savoir que c'est ce qui a été dit, et que c'est bien dans ce sens-là que tu l'entendais. (page 142)
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Notre fils n’en finit pas de grandir. Il a huit ans, dix ans. Au début, je lui lis des contes de fées — les très anciens, pleins de douleurs, de mort et de mariages forcés qui s’étiolent comme des feuillages jaunis. Il pousse des pieds aux sirènes et ça fait rire. Les méchants cochons repentis quittent de grands banquets sans avoir été mangés. Les vilaines sorcières partent du château et s’installent dans des chaumières où elles passent leurs journées à peindre des portraits de créatures des bois.
En grandissant, cependant, il commence à poser trop de questions. Pourquoi ils ne mangent pas le cochon, alors qu’ils ont si faim et qu’il a été si méchant ? Pourquoi la sorcière a-t-elle le droit de s’en aller du château après avoir été aussi affreuse ? Et l’idée de nageoires transformées en pieds étant trop atroce, il la rejette catégoriquement après s’être coupé la main avec une paire de ciseaux.
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"Je t'aime." Je le dis pour la première fois, avec un goût étrange dans la bouche – c'est réel mais trop tôt, comme quand une poire n'est pas mûre.
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Mais je vous pose la question, lecteurs : avez-vous déjà croisé, lors des délibérations de votre jury, des personnes qui se soient véritablement rencontrées ? Quelques-unes, sans doute, pas beaucoup. J'ai connu un grand nombre de gens au cours de mon existence, et rares sont ceux qui ont subi une coupe radicale, un élagage qui fait que leurs branches repoussent plus saines.
Je suis parfaitement honnête en vous disant que cette nuit dans la forêt a été un cadeau. Nombre de gens vivent et meurent sans s'être jamais confrontés à eux-mêmes dans le noir. Priez pour qu'un jour vous fassiez des petits tours sur le rivage et que, penchés au-dessus de l'eau, vous comptiez parmi les chanceux. (page 284)
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...selon quels critère juge-t-on qu'un narrateur est digne ou pas digne de confiance ? Et une fois la question tranchée, que fait-on de celles et ceux qui essaient de construire leur propre vision de la justice ?
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Je l'ai appelée deux jours plus tard, n'ayant jamais cru aussi profondément au coup de foudre et au destin. Lorsqu'elle a ri à l'autre bout du fil, quelque chose en moi s'est ouvert et je l'ai laissé entrer.
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J'étais entourée non pas d'une absence de bruit mais du bruit de l'absence: un silence voluptueux écrasait mes tympans.
P.276
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[...] Il voulait me lécher le sexe, mais je ne l'ai pas laissé faire. Il est parti fâché en claquant la porte moustiquaire si fort que l'étagère à épices s'est décrochée du mur pour se fracasser au sol. Mon chien a lapé la muscade, je l'ai forcé à vomir en lui faisant avaler du sel. Dopée par l'adrénaline, j'ai dressé la liste des animaux que j'avais eus dans ma vie - sept, en comptant les deux poissons combattants.
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Quand vous y pensez, les histoires sont autant de gouttes de pluie qui tombent dans une mare. Chacune vient d'un nuage différent et, une fois qu'elles se rencontrent, plus moyen de les distinguer.
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Les lieux ne sont jamais seulement des lieux dans une oeuvre écrite. S'ils ne sont que cela, alors l'auteur a échoué. L'environnement n'est pas inerte. Il est mis en mouvement par un point de vue.
Plus tard, tu apprendras qu'un facteur récurrent de la violence conjugale est la "dislocation". A savoir que très souvent la victime vient de s'installer dans un nouveau lieu, ou a atterri dans un endroit dont elle ne parle pas la langue, ou a été coupée de tout soutien, de ses amis ou de sa famille, et ne peut plus communiquer. Les circonstances, son isolement l'ont rendu vulnérable. Son seul allié est son agresseur, autrement dit, elle n'en a aucun.
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Parfois quand tu regardes ton téléphone, elle t'a envoyé quelque chose d'horriblement cruel, et la peur te fait l'effet d'un coup de poing entre les omoplates. Parfois, quand tu la surprends qui te regarde, tu as l'impression qu'elle réfléchit à un moyen de t'éradiquer.
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Il y a un conte du Panama qui se termine sur ces mots :"Mon récit s'achève ici ; il est terminé et le vent l'emportera." Il s'agit de la seule fin digne de ce nom. Quelquefois tu dois raconter une histoire et, quelque part, tu dois t'arrêter.
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Le rideau se lève sur deux femmes assises l'une en face de l'autre : CARMEN, grosse femme à la race indéterminée, la vingtaine, se tient mal. Elle tape sur son ordinateur. En face d'elle, LA FEMME DANS LA MAISON REVEE, blanche, menue et androgyne, tapant à la machine, elle aussi, mâchoire serrée. Autour d'elles, la maison inhale, exhale, inhale. (page 124)
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Alors seulement, j'ai compris. Alors seulement, j'ai vu le contour en cristal de mon passé et de mon futur, j'ai appréhendé ce qui était au-dessus de moi (les étoiles innombrables, le ciel démesuré) et ce qui était en dessous (des kilomètres de terre et de pierres dépourvues de cerveau). J'ai compris que le savoir écrase, détruit et dévore, que le posséder est à la fois un bonheur et une grande souffrance. J'étais une créature infime, coincée dans une crevasse d'un univers différent. Je le savais, désormais.
P 277
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