Citations de Carmen Martín Gaite (20)
Ne sois ni parfait, ni imparfait
Ne sois ni mortel, ni immortel
Si tu veux rester libre de ton destin
Et en accord avec toi même
Drôle de vie la vie. Être assis ici, à nous parler et nous écouter, enfiler les phrases les unes à la suite des autres sans regarder aucun livre, ne pas en souffrir, avaler une boisson qui sache emprunter le chemin voulu et bifurquer au bon moment, être nourris par l'air quand d'autres ne le sont plus, avoir envie d'une chose et de son contraire et permettre que cette envie détermine notre destin, cela fait beaucoup à la fois non ? C'est trop, et le plus drôle c'est que nous trouvions cela normal.
on trouve des histoires partout, mais certaines poussent sous terre, alors il faut creuser et on n’en a pas toujours envie. Les meilleures ne sont pas toujours celles qui sautent aux yeux.
Parfois je pense, dis-je comme si je réfléchissais à haute voix, que l'ont ment parce que l'on est incapable de supplier les autres de vous accepter tel que vous êtes. Quand on refuse d'avouer le désarroi de sa vie, on se déguise en autre chose, on trouve le truc pour inventer et on passe à la chimère pure, on n'arrête pas de brinquebaler avec un masque sur le nez, en s'éloignant du chemin au bout duquel on aurait pu découvrir qui on est.
Pero cuando miro el mar, es la eternidad. Es lo único que sé. Estoy viendo lo de ayer lo de mañana, y lo de después de morirme, aunque sin contornos. Y me gusta ese vértigo.
Depuis son enfance, elle avait appris à se caresser toute seule, c’était un péché, disait-on, mais ce n’était pas l’avis d’Olimpia, avec qui elle parlait des plaisirs solitaires du corps – les garçons en font bien autant...
Elle avait aussi appris à l’oublier, à ne pas la prendre en compte, de la même façon que nous oublions nos membres jusqu’au moment où ils nous avertissent d’un dysfonctionnement de notre corps ; tant qu’ils ne nous font pas mal, ils n’existent pas. Cette chose est imprimée dans le corps, profondément enfouie dans la forêt du corps, ce qui n’empêche pas de sentir qu’elle est souvent connectée à des fils téléphoniques, à des fenêtres qui ne ferment pas, à des odeurs ou à des chansons venues de l’extérieur. Mais elle était là, à l’intérieur, douloureuse, sans doute la séquelle d’une opération chirurgicale mal recousue ; elle était souvent passée sur la table d’opération, mais elle n’aimait guère parler des médecins.
Un soir elle m'emmena et nous fîmes des achats dans une rue pleine de bazars. Elle parlait peu, et je crois qu'elle était triste, comme si elle n'avait plus goût à rien. Elle soupira à plusieurs reprises. " Pourquoi soupire-t-on? " lui demandai-je. Avant de répondre, elle laissa échapper un nouveau soupir, puis elle dit : " Parce qu'on a du chagrin, de l'impatience ou de la peur. Ou parce qu'on est soulagé. " Mais elle parlait sans me regarder, et je compris qu'elle ne voulait pas d'autres questions; et aussi qu'elle ne soupirait pas de soulagement.
[...] fonction des objets est déterminée par leur usage.
Me he mirado las manos y los pies, y he comprendido que pueden llevarme a donde yo quiera.
... y el amor, pues igual, ¿de qué te extrañas? Hay que tomarlo así, como una sacudida, sólo cabe gozar de lo pasajero cuando estalla, pero como si lo miráramos en un cuadro, porqué el mar a tu casa no te lo puedes llevar, ni a una casa tan grande como la Quinta Blanca, ¿cómo crees que te vas a hacer sitio?
Me quedé dormido y me transformé en mi madre. Es un sueño que,
camuflado bajo argumentos diferentes, tengo desde niño, desde que
probé por primera vez el ardiente deseo de meterme en su cuerpo y en
sus sentidos, de saber si me quería o no, de entender lo que piensa una
mujer cuando se arregla ante el espejo, cuando está acostada pero no
duerme, cuando se impacienta al verte entrar porque estaba esperando
a alguien que no eras tú, cuando te mira y es evidente que no te está
viendo; quería encontrar el lugar de su cuerpo donde se acusaba la
temperatura de sus desasosiegos, necesitaba saber con quién soñaba o
con qué. Es una curiosidad que nunca he conseguido aplacar, semejante
al afán infantil por romper juguetes y relojes para ver cómo funcionan.
Los pájaros han nacido para volar.
De nos jours, les filles, même de bonne famille, pouvaient avoir une aventure avec un garçon de café sans avoir l’impression de perdre la face, sacrée différence, de leur temps elles avaient dû choisir dans un cercle beaucoup plus restreint.
— Le français n’intéresse plus personne. Incroyable, n’est-ce pas ? Pour les jeunes, c’est une lubie, mais si tu ne tombes pas en extase devant une chanson anglaise, tu n’es plus dans le coup, ça vient des Beatles.
— Des Beatles ? Mais ça ne date pas d’aujourd’hui !
— Ma foi, je n’en sais rien. Ce que j’en dis, c’est à cause de mes petits-enfants. Parfois je fais semblant d’adorer, mais quand on ne comprend rien aux paroles, comment veux-tu apprécier ?, eux, ils prétendent que les paroles sont très bonnes.
C’est normal, les langues sont devenues indispensables, on en revient toujours là, c’était déjà pareil de notre temps, un investissement à long terme, mais le problème c’est que nos parents n’avaient aucune vision d’avenir. Des notions de français pour chanter faux Au clair de la lune mon ami Pierrot1 , un point c’est tout. J’ai toujours été jalouse d’Amparo, je n’ai pas honte de le dire, dominer quatre langues à vingt ans, passer un concours aux Nations unies de Genève et le réussir, c’est vraiment du mérite ! Elles sont parties à ce moment-là.
Ce qu’il faut ajouter à ce scénario, ce sont des gens. Et supprimer toutes ses obsessions. La vie n’est pas ainsi, mon vieux, nous sommes nombreux. Il faut des gens qui racontent aussi leur histoire, même s’ils s’interrompent au beau milieu, peu importe, un télescopage d’histoires.
Quand le défi aux lois de la gravité trouve un écho chez une autre personne affligée de la même soif, l’ivresse commune peut être divine, mais le réveil est généralement douloureux.
L’ignorance a toutes les audaces.
Si elle parle toute seule, c’est sans doute qu’elle a des secrets. Toutes les mères en ont. Elles nous racontent toujours des demi-vérités. Nous savons très peu de choses de nos mères.