Citations de Caroline Hinault (167)
[...] il aurait fallu nous expliquer comment, à nous autres, comment on pouvait plonger comme ça dans des phrases écrites par d'autres et que ça vous injecte direct du sucre au cœur.
Et si les hommes promènent depuis toujours leur désir sexuel comme un bon gros paquebot sur une gentille mer d’huile, sûrs d’être ramenés à bon port par des éléments bienveillants à l’égard de leurs pulsions, les femmes savent quant à elles qu’elles s’aventurent sur l’esquif de leur désir à leurs risques et périls, et qu’en cas d’avarie, on ne manquera pas de leur rappeler qu’elles se sont lancées de leur plein gré sur un océan qui pouvait à tout moment les engloutir.
Du ventre rond comme bouclier
Ce lien qui devient réel pour qui veut bien le tendre et le maintenir, pour ces humains qui ont compris qu’être parent dépassait le cadre du ventre dans lequel l’enfant a crû, qui sont parents pas seulement parce qu’ils se réjouissent de voir leur progéniture grandir et leur descendance s’ériger, mais aussi parce qu’ils sont là à trois heures du matin quand il y a du vomi à nettoyer, des draps à changer, un chagrin à consoler.
C’est dans l’odeur que se loge l’amour.
Seul le renoncement, mais parfois forcé, à la maternité permettait pour les femmes d’espérer une égalité de statut social et artistique. On n’a jamais demandé de tel renoncement aux hommes artistes.
En tentant de prendre conscience de cette variété d’échelles que le cerveau humain, en tout cas le sien, peine à englober, Elle a songé à cette théorie selon laquelle tout serait déjà contenu dans un noyau originel, aussi bien cet embryon en Elle que ces galaxies dont aucun mot ne peut nommer l’éloignement. Tout cela ne ferait peut-être qu’un : ce ne serait pas l’univers en expansion qui contiendrait l’infinité de cellules du vivant mais peut-être que c’est la plus petite des cellules qui contient toutes les autres enchâssées, que l’univers est la plus inimaginable des mises en abyme possible où toutes différences et échelles s’anéantissent ou s’imbriquent les unes dans les autres dans une forme d’unité vitale et cosmique.
Les gens veulent désespérément pénétrer le lit des autres
Ta sœur demande où elle était. C’est vrai ça, où était-elle ? Nulle part.
Comment ça nulle part ? Comment peut-on être nulle part ? Était-elle dans le ventre, là, comme le bébé à venir ? Non, même pas.
Nulle part.
Dans le temps nul.
La sage-femme lui avait alors expliqué que les tresses serrées très fort sur la tête des petites filles, parfois à en pleurer, c’était pour les habituer très tôt. Les habituer à quoi ? avait-Elle demandé, Candide moderne.
Elle hésite, beaucoup, et finalement le garde. Mais ce qu’elle veut, c’est ne pas accoucher. Elle ne veut pas, elle est terrifiée, sa peur est immense, son dégoût palpable.
Elle dit que pour elle, l’accouchement, c’est un peu un viol inversé.
La naissance est un événement reporté à plus ou moins longue échéance, exactement comme la mort.
Une chose la frappe dans cette peinture : Marie n’a pas son habituel visage empreint de générosité et de douceur mais baisse les yeux, le visage plutôt fermé. Certains commentateurs voient dans cette impassibilité un peu rêche la volonté du peintre de se démarquer de la tradition, en lui donnant davantage l’allure d’une paysanne. Mais Elle qui se trouve également en fin de grossesse, Elle devine. Marie est juste complètement crevée et, Christ ou pas Christ, exténuée par tant d’encombrements.
Horla
Elle relit Maupassant.
Soudain cette évidence : tu es un Hors-moi, en Elle.
La deuxième aussi, j'en ai des pages et des pages alignées magnifiques, des déclinaisons typographiques à faire pâlir de jalousie un imprimeur. Cette constante-là, attention, je l'ai au garde-à-vous dans tous les caractères, toutes les formes, toutes les tailles. Le pouvoir. La bataille du pouvoir, l'obsession du pouvoir, la fascination du pouvoir. Une sacrée constante qui marche main dans la main avec sa grande copine la guerre,...
La guerre c'est la première constante. Faut voir le nombre de collages que j'ai fait rien qu'avec ce mot-là, plusieurs cahiers. Depuis que je suis sur Solak, j'en ai tellement lu, des histoires de guerre, parfois déjà finies quand je les découvrais, preuves et morts enterrés, qu'on dirait une grosse blague. Ca peut prendre une forme de bon gros génocide ou de petit conflit gentillet, ça se met des dentelles d'annexion ou ça se tricote des petites frappes, c'est propret quasi, à croire que personne crève derrière les italiques
Il faut du monde autour qui se laisse commander pour que ça existe, le pouvoir, c'est un mot qui démarre qu'à plusieurs, au carburant de l'obéissance.
Et même avec notre caillou dans le cerveau, ca fait longtemps qu'on a deviné que tant que les terriens auront pas une salacite plantée dans la glotte, ils préféreront pas comprendre.
j'ai pensé que ça peut exploser à tout instant une bouteille, c'est rien que de la violence à l'état liquide.
Aucune révélation, si bien que je frétille pas non plus de la queue, mais ça donne une chance à cette crevure d’illusion qu’on croit toujours avoir bien écrabouillée au fond de soi et qui palpite encore parfois comme quoi, saleté d’espoir.