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Citations de Caroline Hinault (167)


Le faux espoir que si le temps peut servir à une chose dans nos vies de cafards, ça devrait au moins être à ça, à y rouler les choses trop laides pour être racontées et à en faire un grand cigare amer qu'on fume seul, le soir, avant d'en faire retomber les cendres froides sur nos âmes jaunies.
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On le voyait bien qu’il était loin de nous, qu’il voyageait dans la chair des mots, ça se sentait qu’il y prenait une saloperie de plaisir, il aurait fallu nous expliquer, à nous autres, comment on pouvait plonger comme ça dans des phrases écrites par d’autres et que ça vous injecte direct du sucre au cœur.
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Ça fait que j'avance droit vers le chenal maintenant, même si je dois l'avouer, tout au fond très profond, ça granule encore un peu vivant, comme si des saletés de grains de doute me sablaient minuscules l'intérieur.
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Mais la dernière constante, celle qui remplit des pages à la chaîne, bombe joli mes cahiers année après année, c'est l'argent. Alors là, j'ai usé mes ciseaux. J'aurais sans doute dû commencer par ça d'ailleurs, puisque c'est la constante reine, celle qui chevauche toutes les autres, qui leur dégouline dessus et leur coule poisseuse sur le visage comme du sang frais sur la grille d'une meute affamée. Y a pas grand-chose qui me console d'être sur Solak mais ça oui, j'ai quitté la horde.
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Le problème c'est que les gens comme Grizzly savent pas lutter avec les vraies brutes qui ont jamais touché une goutte de nuance de leur vie alors que Grizzly a appris à nager dedans depuis sa plus tendre enfance, à croire qu'il en avait toute une piscine à la maison.
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Le temps devenait physique. Il s’agrégeait en substance visqueuse et glissait sous nos peaux, dans nos artères, circulait jusque dans nos veines les plus fines.
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Des fois, je nous regarde et je pense qu’on est comme le bon, la brute et le vieux schnock, le gosse compte pas, c’est un intrus depuis le début. Grizzly non plus faut dire, qu’est là entre parenthèses, mais Roq et moi, on est ici pareil qu’en prison, les deux facettes d’une même pièce rouillée à laquelle les terriens voulaient plus se frotter. Y a vingt ans déjà, tout le monde me fuyait, écœurant à voir faut croire, et les terriens, ça craint trop la contagion. Alors un bref salut de tête, un petit sourire contrit pour les plus lâches ou les plus naïfs, mais personne se lançait dans de grandes phases, personne n’est à l’aise avec le naufrage des autres qui est comme une confiture qui poisse aux doigts. Alors on esquive autant que faire se peut, on s’arrange avec l’horreur en la maintenant dans un périmètre restreint, un petit pré carré où l’autre peut venir brouter une ration de réconfort de temps en temps à la limite, mais pas plus. Bien sûr que les terriens se sont débarrassés de moi comme de Roq, faut pas croire, à la benne arctique les boulets.
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On aurait dit qu’il voulait qu’on n’en parle plus jamais le gosse, de lui, du blanc, du monde, ça en devenait pénible à la fin de le voir marcher vers rien avec cette haine au cœur, cet en-avant de la rage qui collait à ses gestes, engluait la masse légère de son corps dans une soupe de noirceur alors que jamais le blanc lave le noir, j’aurais pu le lui dire. Ça s’annule pas, ça se mélange peut-être dans un gris sale qui laisse la gorge un peu plus étranglée par l’ampleur du désastre, mais pas besoin de s’épuiser comme un con sur la banquise ou de risquer de tomber dans une crevasse pour comprendre ça, que jamais rien rachète nos péchés.
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On est tous arrivés ici pour la même raison, l’espoir d’amnésie à moins que ce soit d’amnistie, c’est le problème des grands mots, à deux lettres près comment savoir ? En tout cas l’espérance vénéneuse qu’à force de bouffer de la banquise, y aurait un peu d’innocence ou un truc originel bien limpide qui viendrait nous laver d’être des hommes. Le faux espoir que si le temps peut servir à une chose dans nos vies de cafards, ça devrait au moins être à ça, à y rouler les choses trop laides pour être racontées et en faire un grand cigare amer qu’on fume seul, le soir, avant d’en faire retomber les cendres froides sur nos âmes jaunies.
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En tout cas, quand il est arrivé sur Solak, j’ai tout de suite compris qu’il voulait pas se coltiner la partie militaire de notre identité, le moins possible. Ça le dérangeait nos vestes kaki alors que la sienne est bleue avec le sigle de son équipe scientifique. C’était pas son truc l’ordre, la hiérarchie. Et pourtant d’ordres, y en a pas beaucoup sur Solak, même si officiellement je suis le supérieur de tout le monde, de Roq et du gamin aussi maintenant, je sais plus si je l’ai dit. À quoi ça aurait servi de se sentir au-dessus de toute manière, par quels moyens j’aurais pu faire sentir que j’étais le chef ? Il faut du monde autour qui se laisse commander pour que ça existe, le pouvoir, c’est un mot qui démarre qu’à plusieurs, au carburant de l’obéissance. Et puis de toute façon ici, le vrai chef, le seul tyran, c’est la survie, cette chienne de survie qui nous tient par les tripes, les crocs bien plantés dans les intestins sans jamais lâcher son paquet de viscères. N’empêche, en cas de coup dur, les hommes aiment bien avoir un chef. Ça les soulage d’eux-mêmes.
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Mais Igor parlait seul avec nous, c’était ça le problème, c’est par le langage, toujours, que ça commence. Il avait trouvé refuge dans un coin de sa tête, le seul qui crachotait encore un peu de chaleur. Chaque jour qui passait, il se repliait un peu plus sur ce foyer minuscule qui brûlait dans sa boîte crânienne pour y réchauffer le ragoût de sa folie.
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Dans le fond, je savais que je crèverai là, jamais je reviendrai chez les terriens, c’était convenu comme ça.
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J’ai pas pu m’empêcher de penser au jour où l’hélico reviendrait chercher le gamin. Qui pouvait dire si je serais encore là quand le bourdonnement de l’appareil reviendrait briser la coque du silence pour hélitreuiller en sens inverse la recrue qui serait plus vierge mais transformée sévère par le froid et la grande Nuit, un jour ou l’autre, forcément ?
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Dans l’air soufflé par rafales, il avait fallu se remuer avec Grizzly et Roq, affronter les gifles du vent en se protégeant de l’avant-bras, avec le froid qui en profite toujours pour vous faire ses baisers d’aiguilles rouillées. Dépoter, empoter à rebours. On avait fait sauter les clenches, les gants s’étaient activés pour ouvrir les portes, sortir les caisses, ça pèse une tonne ces machins-là, une année de repas en boîtes, peut-être quelques fruits frais si l’intendant a bien voulu nous accorder une dose de fibres avant l’enfilade de haricots et de soupes qui nous bouchent le trou pire que du ciment frais, tout ça pour garder un drapeau quand on y pense, et que d’autres troufions puissent pas claironner au monde que leurs bottes sont prioritaires, ce morceau-là est à nous, rien qu’à nous. Au bout d’un moment, le bazar a été déchargé. Faut avouer, le ravitaillement c’est un événement qui tend son cou de dindon à la surface des jours, ça fait toujours son petit effet dans nos caboches tièdes.
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On attend. Attendre, c’est mille petites bouches de froid qui vous entament le corps sous la parka. Le container décolle du sol en grinçant pour s’envoler à la suite de l’hélico. Il plane léger en direction du brise-glace qui mouille à l’horizon et qu’on reverra plus avant des mois. Seul comme une mouche écrasée, le gosse se tient au milieu du terrain où les herbes commencent tout juste à redresser la tête.
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Il nous fait signe, se met à l’écart. On se précipite dans l’enfer de bourrasques, nos capuches sur la fente du regard, on saisit les câbles, les pinces, on réattelle tout le merdier, le container tout juste accouché de son précieux chargement dans lequel on a calé comme on a pu le cercueil d’Igor. On recule loin pour observer le troc de mort-vivant. On fait signe là-haut que c’est bon. On attend. Attendre, c’est mille petites bouches de froid qui vous entament le corps sous la parka.
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Un autre câble en l’air, une langue qui se déplie depuis la gueule de l’hélico et une silhouette de gamin qui descend laborieuse, c’est pas bon signe, bordel. Il va pas rester coincé entre ciel et terre ce couillon-là qui jette des regards dessous lui ? Il doit être en train de se demander ce qu’il est venu foutre dans cet enfer qui se passait très bien des hommes, mais il faut bien qu’il y ait un lieu, c’est celui-là.
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La lame s’enfonce dans la chair de l’abdomen comme un sexe d’homme dans un sexe de femme, c’est doux, ça glisse beurré dans les plis de l’autre, une caresse lente qui perce l’envers jusqu’à l’abîme offert où la colère tombe et implose.
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Dans un endroit comme Solak où on est quatre bonshommes obligés de frayer ensemble sur un bout de presqu'île glacée, y a un contrat tacite pendant la grande Nuit. On frôle les autres, mais on cherche pas à entrer vraiment en contact avec eux. Faut surtout pas péter la fragile bulle que chacun a soufflée autour de lui et dans laquelle il s'est enroulé pour supporter l'égouttement des jours sans lumière et du froid indescriptible qui ont plaqué la vie au sol.
Tout est suspendu, cotonneux, si bien que même quand on se parle, on essaie de pas être trop pointu, histoire que la parole soit raccord avec le duvet de pénombre dehors et que nos conversations forment un tapis le plus doux possible, du nécessaire sans aspérités. (P.80)
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Il a ajouté qu’écrire, pour lui qui ne le faisait pas mais qui fait bien d’autres choses, c’était tenter, et qu’il valait sans doute mieux les essais de ceux qui risquent, plutôt que les certitudes de ceux qui, sans avoir cherché, pensent avoir trouvé.
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