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4.24/5 (sur 39 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Née en Auvergne, Caroline Hussar a grandi dans la campagne bourbonnaise. Dans le cadre de ses études au sein de la faculté de droit de Clermont-Ferrand, elle s’est intéressée au droit de la santé, ce qui l’a amenée à poursuivre des études à la faculté d’Aix-Marseille. Elle a choisi de revenir exercer son activité d’avocate en Auvergne, et de se spécialiser dans la défense des victimes, notamment auprès des enfants. Elle vit aujourd’hui au pied du Puy-de-Dôme.
Caroline Hussar est lauréate du Prix Jean Anglade du premier roman 2023 pour La Maison aux chiens.

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Bibliographie de Caroline Hussar   (1)Voir plus

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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Ici, il y avait quelque chose de la vie de meute. Chacun sa place, du plus jeune à l’ancien, un rôle acté, immuable, sauf à évoluer en avançant en âge. Or, dans l’objectif de survie de la meute, Grégory n’avait pas d’utilité, a priori, pour le groupe. p. 74
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Les premières pages du livre
J’ajoute quelques gouttes de Viandox.
La rue était plate, à l’image de la plaine qui se déployait alentour. Un peu en retrait du bourg se tenaient les dernières habitations avant le Bois Randenais, des hectares de rien jusqu’à la ville la plus proche. Une berline sombre vint se garer devant le portail de l’entrée principale, déclenchant des aboiements déchaînés à l’arrière de la maison. C’était une bâtisse des années trente, vétuste, assez étroite, tout en hauteur. Le crépi beigeasse de sa façade s’effritait. Le toit d’ardoise qui la surplombait était délavé et comme cabossé. Aux angles des fenêtres, les volets, sans doute rouges à l’origine, avaient désormais une teinte passée, tirant sur le brun. La petite fille pâle sortit de la voiture et remonta l’allée de dalles cassées en fronçant le nez. Il flottait dans l’air une odeur âcre, mélange de poils de chiens et de désinfectant. Son père frappa à la porte. À l’intérieur, Francis grogna, à la fois pour prévenir qu’il fallait aller ouvrir et indiquer qu’il ne s’en chargerait pas. Aucun des enfants ne fit mine de bouger. Il relevait d’une convention tacite que Geneviève gérait les relations avec l’extérieur. Bien droit sur le seuil, le couple de petits-bourgeois se figea légèrement en la voyant. Ses cheveux formaient un halo sec et volumineux d’une couleur indéfinissable, entre le rouge et le violet. Son nez, busqué, était si fin que, de face, il se contentait de tracer un long sillon sur son visage. On aurait dit que cette femme avait été brûlée, tant sa peau était tirée sur l’ossature de sa figure. Le simple fait de la regarder faisait mal. Après avoir salué les parents, elle se pencha vers la fillette pour lui faire répéter son prénom.
– Atalante ? Quelle drôle d’idée ! s’exclama-t-elle. Moi, c’est Geneviève.
Elle parlait fort, comme affectée d’un début de surdité. Autour de ses épaules, un châle noir au crochet s’ouvrait sur une cascade de colliers de perles multicolores et de pendentifs dorés. Dessous, elle portait un pantalon de treillis kaki et de lourdes chaussures de marche, que soulevaient à grand-peine ses jambes squelettiques.
Elle les invita à entrer d’un mouvement de ses doigts tordus, couverts de bagues de pacotille. Les enfants avaient déjà fui les lieux pour s’égailler dans les chambres desservies par le long couloir sombre, à l’arrière de la maison, la grande emportant le bébé qui vagissait d’indignation, les plus jeunes formant un troupeau indistinct dont il ressortait tout de même qu’ils étaient dans l’ensemble bruyants et mal fagotés.

Dès le seuil, la gamine eut le souffle coupé. L’odeur la prit à la gorge. Un mélange de crasse, de tabac froid et de relents de pot-au-feu. Et par-dessus ces effluves, ceux, plus forts et plus tenaces, de chien mouillé. Elle lutta contre la nausée qui l’assaillait. Ses hoquets attirèrent l’attention de son père, qui, d’un geste sec, lui enjoignit en silence de le suivre. Du coin de l’œil, elle nota que sa mère plongeait le nez dans son foulard pour y chercher le réconfort du parfum dont elle s’aspergeait copieusement chaque matin.
Geneviève leur fit faire le tour du propriétaire. Francis trônait devant la table de salle à manger qui occupait la majeure partie de la pièce, protégée par une toile cirée où se répétait de loin en loin la même scène de chasse au canard, plus ou moins effacée selon les endroits où s’étaient attablés les convives. Il cassait des noix d’une main épaisse, et s’interrompit à peine pour les saluer. Deux chiennes somnolaient à ses pieds. Une caniche gris sale, aux poils mal taillés agglomérés de manière écœurante dans les plis humides de ses babines, était à moitié couchée sur une bobtail qui haletait bruyamment. La famille les évita soigneusement, et se glissa entre la table et un grand vaisselier sombre, encombré de bibelots de porcelaine et de photos de nombreux enfants de tous âges, dont pas un ne ressemblait aux autres. Ils traversèrent le salon ou ce qui s’y apparentait. Il s’agissait en réalité d’un espace étroit attenant à la table de la salle à manger, où l’on avait entassé un grand canapé en velours marron et deux fauteuils assortis autour d’un volumineux poste de télévision. Ils durent contourner la table basse, au plateau en carreaux de faïence à motif floral, pour atteindre la porte-fenêtre qui s’ouvrait sur le jardin.

Une fois sur la terrasse, Atalante aspira goulûment l’air extérieur, pourtant chargé d’une forte odeur de désinfectant, plus prégnante de ce côté-ci de la maison. Enfin, elle distingua la source des aboiements qui saturaient l’air depuis leur arrivée. D’immenses cages en fer occupaient l’espace situé à l’arrière de la propriété. De part et d’autre du chemin mal entretenu sur lequel ils avançaient, des chiens se précipitèrent en vociférant dans un claquement métallique sur le grillage qui les retenait de justesse. Mais la voix de Geneviève, qui s’était mise à leur distribuer leur nourriture, était plus puissante.
– Assez ! Ah, mais vous allez me laisser passer ?
Elle repoussa sans ménagement deux braques et leur balança une gamelle remplie d’une substance douteuse.
– Qu’est-ce que vous leur donnez ? s’enquit la mère depuis son poste d’observation, sur la partie goudronnée de l’allée.
Elle pointait du doigt les énormes seaux que Geneviève transportait avec une force surprenante chez une femme aussi frêle.
– Ah ça, c’est une recette personnelle. Je fais mijoter des abats que me donne le boucher dans un fond de soupe de pot-au-feu, et en fin de cuisson j’y mélange du pain rassis et des croquettes. En période de chasse, j’ajoute quelques gouttes de Viandox, pour stimuler leur appétit et les forcer à s’hydrater lorsqu’ils ont couru toute la journée. Le tout, c’est de bien penser à retirer les os qui peuvent rester accrochés à la viande. Une fois cuits, ils deviennent cassants, et c’est dangereux pour les chiens. Ils peuvent se coincer entre leurs crocs, les blesser et les empêcher de se nourrir. Si un os transperce la paroi de l’estomac, c’est la mort assurée. Ce sont des « pure race », tu comprends ? informa-t-elle la petite fille. Ils sont fragiles, il faut faire très attention à eux, les bichonner. Ah, mais enfin, doucement ! Tu vas t’enlever, oui?

Geneviève repoussa d’un pied ferme la bête qui l’avait presque renversée en cherchant à atteindre sa gamelle.
– Ce sont des animaux magnifiques, dit le père, en flattant le flanc d’un beagle qui reniflait le sol à ses pieds tel un cochon truffier.
– Oui, n’est-ce pas ? Viens, approche ! lança Geneviève à Atalante. Ils sont pas méchants, hein ?
Mais son intonation interrogative n’était pas pour rassurer la fillette.
– J’ai peur des chiens.
Son murmure était inaudible.
– Qu’est-ce qu’elle dit ? brailla Geneviève à l’adresse du père.
– J’ai peur des chiens.
La petite était au bord des larmes. Sa voix se cognait contre sa gorge. L’un des braques s’avança vers elle. Geneviève insista :
– Caresse-le, vas-y ! Mais enfin n’aie pas peur, c’est pas la petite bête qui va manger la grosse !

C’étaient des chiens de chasse, des bêtes athlétiques, musculeuses. Du point de vue d’Atalante, ils lui auraient arraché la main d’un léger coup de crocs. Pourtant, sur un nouveau regard de son père, elle finit par glisser ses doigts dans le pelage malodorant.
– Ah, voilà ! Tu vois comme ils sont gentils, mes chiens ! triompha Geneviève.

De retour à l’intérieur, ils retrouvèrent Francis à la même place que lorsqu’ils étaient sortis. À ses côtés se tenait un garçon qui ne devait pas être beaucoup plus vieux qu’Atalante. La peau mate et les cheveux noirs, ce dernier n’était pas grand, mais déjà massif pour son âge. Une cicatrice, à la base de son arcade sourcilière, venait affaisser sa paupière gauche, créant un déséquilibre dans son regard. Pour la masquer, il inclinait légèrement la tête dans une torsion incongrue, le cou crispé, la mâchoire projetée en avant. Ses mains étaient larges, mais ses doigts étonnamment fins. Francis lui parlait à voix basse. L’enfant pliait et dépliait ses mains dans un mouvement saccadé, les yeux au sol, visiblement pressé de se soustraire à l’échange. Il profita de leur arrivée pour quitter la pièce.
Une fois qu’il fut parti, le père interrogea Geneviève :
– C’est le garçon qui vous a été confié ?
– Oui, enfin l’un d’entre eux. C’est Roman. Tu le verras à l’école, expliqua-t-elle à Atalante, et ça te fera de la compagnie, le soir. Vous allez bien vous amuser tous les deux.
– Merci d’avoir accepté au pied levé, enchaîna le père. La personne qui s’occupait d’Atalante jusqu’alors nous a informés de son déménagement au dernier moment. Nous n’avons pas eu le temps de nous retourner. C’est juste histoire de lui faire faire ses devoirs et qu’elle ne soit pas seule avant qu’on rentre du travail. Elle a dix ans, c’est encore trop tôt pour la laisser seule à la maison après l’école et le mercredi. Elle ne devrait pas vous donner de fil à retordre, elle est calme et elle sait se débrouiller sans trop d’aide. Mais il nous faut quelqu’un pour la surveiller.
– Oh, vous savez, un enfant de plus ou de moins, c’est pas ça qui va faire la différence ici ! Et puis elle devrait être dans la classe de Roman, alors en ramener un ou deux, le soir, ça changera pas grand-chose.
– Vous en gardez combien ?
– Pour l’instant, il y a Roman, que vous venez de rencontrer. Il va sur ses onze ans. Ça va faire deux mois qu’il vit chez nous. Nous avons aussi Sofian, qui a cinq ans, et qui est arrivé il y a bientôt un an. Lui, il va et vient ; des essais sont en cours pour qu’il retourne chez sa mère. Il a deux grands frères adolescents qui font pas mal de bêtises. Ils sont assez violents et ça le perturbe. Comme ils sont revenus de foyer il y a peu, les services sociaux nous ont confié le petit le temps que les deux grands trouvent une formation et que leur mère prouve qu’elle peut gérer la situation. En attendant, il reste ici, mais il devrait bientôt rentrer chez lui. C’est pour
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Préface de Lorraine Fouchet
Dans préface, il y a «face à». Présidente pour l’année 2023 du jury du beau prix Jean Anglade, je me suis trouvée « face à » cette histoire romanesque, tendre, touchante, concrète dans sa réalité sociale, puissante, contée d’une plume fougueuse et fluide, poétique par l’imagination des narrateurs enfants, pleine de rage et d’amour.
Une des héroïnes s’appelle Atalante, un prénom rare. Ce roman aussi est rare, intelligent et énergique. Sonore et musical, par l’aboiement des chiens de la famille d’accueil que vous allez découvrir. Odorant, vous verrez pourquoi. Prenant, vibrant, incandescent parfois. Bouleversant par ses leçons de vie boiteuses, fouillis, incohérentes, magnifiques.
Parfois, lorsqu’on repose un livre, une phrase particulière se fiche dans notre cœur et y vibre doucement. Je partage avec vous celle-ci, qui m’a chamboulée : Ils faisaient durer le plaisir, cherchaient dans leurs mémoires les histoires qui déjà s’effaçaient, et dont ils ne conservaient que la douceur.
Il y a cela dans la grâce de certains livres, ils s’impriment en vous, on est téléporté dans leur univers. Mon chien a droit au canapé, je préfère les animaux vivants et libres plutôt qu’étalés sur un tableau de chasse, et je suis fille unique. Pourtant, le temps de cette lecture, j’ai fait partie de la meute d’enfants et de chiens dans laquelle vous êtes invités, j’ai couru avec eux, et je m’y suis sentie chez moi.
Dans cette meute de papier, chacun a sa place, même le chiot le plus fragile. Dans ce texte, chaque mot a aussi sa place.
Vous allez froncer les sourcils, retenir votre respiration, écarquiller les yeux.
Vous serez tour à tour inquiets, émus, amusés, troublés, vous réagirez à l’instinct.
Vous aurez parfois le sourire aux lèvres et parfois le cœur chiffonné et les yeux embués.
Lorsque vous le refermerez, vous en conserverez longtemps la douceur.
Je crois sincèrement que Jean Anglade l’aurait aimé.
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La nature s'arrange toujours pour faire pousser le remède tout près de la source du mal.
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