– Crois-tu à l’imprégnation psychique des objets inanimés ? questionna Phil (…)
– Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ? répondit Melton (…)
– Une vieille théorie, énonça Phil paresseusement. Si un homme vit longtemps dans un lieu, les murs finissent par absorber ses émanations psychiques…
(Il se passe quelque chose dans la maison)
Être obligé de dire "monsieur" à une machine faite de métal et de plastique, c'était trop contraire à l'ordre des choses.
("Androïde")
— Mais Jirel, je ne crois pas que vous compreniez. C'est un sort pire que les plus terribles tourments de l'enfer. C'est... c'est au-delà de toutes les bornes des enfers que nous connaissons. Et je crois que les flammes les plus ardentes de Satan seraient le souffle du paradis comparées à ce qui peut se passer là-bas.
— Je sais. Croyez-vous que je me risquerais à y descendre si je n'en étais pas sûre ? Où trouverais-je ailleurs l'arme qu'il me faut, sinon hors du royaume de Dieu ?
("Le baiser du dieu noir")
Il ne pouvait plus douter que, d’une certaine façon, la vie de Clarissa empiétait sur un autre monde que le sien. Et, chaque fois que les deux mondes entraient en conflit, l’autre monde affirmait sans effort sa suprématie.
("L'heure des enfants")
Pratiquement toutes les œuvres de maturité de Henry Kuttner ont été écrites en collaboration avec sa femme, Catherine L. Moore. Il semblait rarement y avoir quelque chose de préconçu dans cette collaboration, spécialement dans ses dernières années ; l’un d’eux laissait simplement une nouvelle en train sur la machine à écrire, pour ainsi dire, et en revenant la retrouvait avancée de plusieurs milliers de mots par l’autre.
(Préface d'Alain Dorémieux)
Contemplant vaguement par la fenêtre l’endroit où aurait dû se trouver sa cour, Gallegher sentit là nausée lui tordre le ventre à la vue du trou béant, de ce trou ridicule et invraisemblable. C’était un gros trou. Profond. Presque assez pour contenir la gueule de bois un tantinet colossale de Gallegher.
("Gallegher bis" - 1943)
La beauté est aussi concrète que le sang, d'une certaine manière. C'est une force séparée, distincte, qui habite le corps des hommes et des femmes. Vous n'avez pas été sans remarquer le vide qui accompagne une beauté parfaite chez de nombreuses femmes... La force est si puissante qu'elle chasse toutes les autres et vit comme un vampire aux dépens de l'intelligence et de la bonté et de la conscience et de tout le reste.
(La Soif Noire.)
Pendant un long moment il resta à la contempler en silence, le regard baissé sur ses yeux mi-clos. Puis avec le détachement aisé de quelqu’un qui se meut dans un rêve, il se pencha, répondant à l’invitation de ses bras levés. Le sable était frais et doux, et sa bouche avait un imperceptible goût de sang.
Il était une fois un polygraphe prolifique, un bâcleur acharné, qui fourmillait d'idées astucieuses mais les exploitait n'importe comment, qui écrivait à la chaîne et à la commande des histoires en série pour des magazines populaires, et dont l'oeuvre se caractérisait par un manque certain d'ambition et de recherche.
Il rencontra un jour une jeune femme attirante, à la fois introvertie et pleine de magnétisme, qui avait vécu une adolescence recluse peuplée de fantasmes morbides qu'elle traduisait avec préciosité en des récits captivants, au style élaboré, aux images flamboyantes.
Ils se marièrent, furent heureux, et faute d'avoir beaucoup d'enfants devinrent à eux deux, en unissant leurs talents respectifs, un seul auteur protéiforme, qui à visage découvert ou sous le masque des pseudonymes tint, pendant des années, une place de premier plan sur la scène de la science-fiction américaine.......
(extrait de la préface du volume paru dans la collection "le livre d'or de la science-fiction" en 1979)
Il se souviendrait toujours, dans ses cauchemars, jusqu’à sa mort, de l’instant où la chevelure de Shambleau l’avait enveloppé. Une odeur nauséeuse, suffocante de vers gras, visqueux s’emparant de son tout corps, leur tiédeur moite passant à travers ses vêtements comme s’il avait été nu sous leur étreinte.