Cédric Castagné

Ma proie ne peut plus m'échapper. Sa vie n'a plus de secrets pour moi. Le Visiteur du Soir est devenu mon ennemi intime. Je le suis ! Je l'observe ! Je le contrôle ! Il me paraît si docile. Pourtant, je n'ai jamais trouvé le courage de franchir le pas. Des occasions se sont bien présentées. Mais je n'ai pas pu. Élaborer des plans, rêver d'une vengeance froide et cruelle... Pourquoi pas ? Mais passer à l'acte... Est-ce au-dessus de mes forces ? À moins que je ne me complaise dans cette situation, sans vouloir l'admettre ?

Il s’est inventé un personnage pour ne pas sombrer, pour se donner un objectif, une raison de vivre. Désormais, il doit penser à sa fille. Il doit revenir à la réalité. Il doit reprendre le contrôle de sa vie.

Je ne ressens pas vos souffrances. Je pourrais vous servir un discours convenu sur le processus de deuil, mais cela n’aurait aucun intérêt... tout comme vous promettre des miracles qui ne se produiront pas. Seul le temps fera son œuvre.

Aujourd’hui, je me suis fait une raison, j’assume mes erreurs. Mais à l’époque, je n’ai pas su quoi faire. Tu étais inconsolable. Et je ne supportais plus de te voir souffrir. On est devenus des étrangers l’un pour l’autre. On ne se parlait plus. Alors, j’ai préféré partir. C’est impardonnable, j’en ai parfaitement conscience. Mais j’étais dans le déni.

J’ai connu Mel il y a sept ans. Le coup de foudre fut immédiat. Je n’aime pas cette expression, mais c’est bien celle qui résume le mieux ma vision des choses. Cependant, je ne m’étendrai pas sur le sujet. Cela doit uniquement me servir de point de repère. Nous avons acheté cette maison trois ans plus tard. Et nous avons tout refait à l’intérieur. De la cave jusqu’au grenier. Nous avons consenti des efforts considérables. Nous étions jeunes et insouciants. Et puis, un jour, Anna est arrivée...
Ce que j’écris peut sembler dénué de sens. Ce n’est pourtant pas le cas. Bien au contraire. En réalité, cela traduit notre engagement réciproque, sincère et indéfectible. Un amour naissant et plein de promesses. Notre relation a bien connu quelques soubresauts par la suite, mais les sentiments que nous éprouvions l’un pour l’autre n’ont jamais faibli.

Je ne suis pas ce genre de personne ! J’ai mes défauts. J’ai commis des erreurs par le passé, peut-être même des fautes impardonnables. Mais si je l’ai fait, c’était uniquement pour protéger ma famille, mes amis. Je prends soin des personnes qui me sont chères. Vous faites partie de cette catégorie privilégiée.

On a tous nos petits secrets.

Elle suit à la lettre les conseils de sa psychologue, qui lui a vivement recommandé de s’adonner à des rituels immuables afin de lutter contre ses crises d’angoisses récurrentes. Manger à la même heure tous les jours est une règle parmi d’autres. Tout cela a fini par porter ses fruits. Les crises se sont espacées au bout de quelques mois et Sandra a pu reprendre une vie presque normale. Elle a néanmoins conservé certaines habitudes tel le ciment nécessaire à sa reconstruction.

J’ai pris des risques, j’en prends encore. Parfois, ça marche, parfois je dois faire des choix douloureux. J’espère seulement qu’on n’a pas fait tout ça pour rien et qu’on réussira à remonter la pente.

Il a besoin de s’évader. Il a besoin d’être Sacha, d’être quelqu’un d’autre. Sa décision était prise depuis longtemps, il attendait seulement un déclic. Il n’a qu’une idée en tête, désormais. Revoir Sandra. Et il fera tout son possible pour y parvenir. Car il en est certain, la jeune femme représente sa dernière chance de renaître. Sa dernière chance de sauver Alex.

...tout à coup, au milieu de cette foule empressée, apparaît une jeune femme à la beauté saisissante. La tristesse qui l’habite fait partie de son charme. Un charme naturel et envoûtant. Sacha éprouve un petit pincement au cœur tant la ressemblance avec sa femme lui saute aux yeux. Son air angélique, son allure sobre et élégante, ses longs cheveux frisés. Chaque détail ravive en lui le souvenir d’une époque révolue.

Alex imaginait la vie de ces gens que le destin avait fait basculer du jour au lendemain. Il aurait pu rester des heures ainsi, coupé de la réalité, simplement pour fuir ses problèmes. Beaucoup de choses s’entremêlaient dans son esprit à l’intérieur duquel régnait la confusion la plus totale. Son passé lui paraissait tellement flou qu’il ne parvenait plus à dénouer les fils de sa mémoire. Il secoua la tête et songea à rentrer chez lui afin de rapporter à sa fille sa peluche préférée, oubliée sur la table du salon.