Citations de Chantal Touzet (32)
Cette poule grise avait volé à son époux l’émeraude de sa gorge et s’en parait sans vergogne. Même aigrette aussi la coiffait, et Louis songea aux coiffes singulières des dames de la cour, de biscornus échafaudages à cornes comme celles du diable, et l’on voyait bien par là qu’elles étaient ses créatures. Il s’irrita de voir la paonne qui faisait mine de ne pas comprendre les raisons du déploiement de magnificence de son mâle. De même, rien n’était suffisant pour les sottes courtisanes qui usaient de perfidie pour désespérer leur galant. Sottes et perfides, voilà bien les femmes, son aumônier le lui disait souvent !
Le Ciel partage ses bienfaits et les dons de la nature ! Tu as reçu la beauté, l’aigle le courage, le rossignol son ramage, le corbeau prédit les augures, la corneille annonce les sinistres présages… et chacun s’en satisfait. Gardez-vous, mortels, de convoiter les biens d’autrui et de vouloir les acquérir. Si vos espérances étaient trompées, il ne vous resterait que des regrets.
Gengis Khan prêchait le crime comme légitime. Toute tête qui se hausse au-dessus de la multitude du vulgaire doit être coupée sans pitié.
Gengis Khan ! Grand conquérant s’il en fut. Il disait qu’il n’y avait qu’un Dieu dans le ciel et, de ce fait, il ne devait y avoir qu’un seul empereur sur terre.
Elle l’avait aimé comme un compagnon de plaisirs, se grisant de légèreté, de luxe, de frasques, de conflits ardents et de réconciliations en étreintes délirantes. Amants terribles, ils s’étaient cherchés, trouvés, perdus et retrouvés. Du même âge, ils s’échauffaient au même plaisir de la chair et de l’esprit. Avec lui, elle s’était étourdie, consolée de son grand amour perdu, de l’effrayante folie du roi qui, dans ses crises de démence, ne la reconnaissait plus, la repoussait avec répugnance et, plus encore, la battait. Qui n’aurait pas trouvé consolation entre des bras plus chaleureux ?
Isabelle livrait en sa maturité toute la sensualité qui lui était naturelle. Il avait pensé que le désir se serait émoussé avec le temps. Naguère leur appétence avait mis la reine en grand péril, la rumeur s’était mise à enfler contre les amants adultères, et il s’était broyé le cœur comme il avait broyé le sien en la quittant avant que le scandale ne l’éclabousse. Sans la querelle des princes, il ne serait jamais revenu auprès d’elle. Ils les connaissaient bien, ces seigneurs aux ambitions dévorantes, il les abhorrait, leur discorde depuis l’assassinat du duc d’Orléans les rendait plus dangereux que jamais.
Que c’était bon de sortir ainsi sans cotte de mailles, et sans être entouré d’une nuée d’hommes d’armes. D’ailleurs, il préférait venir visiter sa belle-sœur à petit bruit, les médisances allaient déjà bon train. À ce jour, on les disait toujours amants, alors que ce n’était plus vrai. Il le regrettait, c’était une femme ardente. La reine restait le fleuron de ses conquêtes, et jamais conquête n’avait été plus difficile même après le départ du sire de Bois-Bourdon. Jamais femme ne l’avait fait autant attendre.
— Il n’y a pas plus dure pénitence, poursuivait le prince des Lys, que de devoir lui baiser la bouche. Pouah !
— On sait ce que valent vos baisers de paix, à vous autres. Judas a bien embrassé Jésus !
Elle veut pas qu’on la coiffe, déchire ses atours, massacre ses poupées… y a que sa ponette qui lui aille. Qu’elle soit courtaude n’y change rien, elle y grimpe comme garçon et n’en descend qu’à grands cris, cramponnée à la crinière de la bête. Une bête bien patiente comme nous autres, je vous le dis…
Les légendes sont belles, certes, mais il est des histoires plus belles que les légendes.
Il m’aime, il m’adore, il m’idolâtre même, et me le prouve sans désemparer. Et j’ai pour lui tendresse et grande pitié à ce jour, car il est bon et doux, et s’épuise à donner plaisir à son monde. Il fallait bien que les poisons du Navarre l’aient changé cette nuit-là en soudard.
Certes, le roi avait perdu la tête et dépucelé sa femme-enfant avec une sauvagerie dont il ne gardait nul souvenir, et dont l’idée même le hantait et l’horrifiait encore.
Les oiseaux sont en sécurité dans leur cage, lui répondit-elle, le treillis en est fin. Et les chats seront bien plus occupés à se gaver des rats et des souris qui pullulent, qui s’engraissent des graines, de pain sec, et même des œufs et des oisillons. Ils sont une calamité, et les chats leur feront bonne guerre.
En hiver, les multiples oiseaux chanteurs des immenses cages des jardins de l’Hôtel étaient mis à l’abri, notamment dans les colombiers des fermes. Isabelle ne gardait que les plus fragiles et les plus exotiques. Elle avait la passion des bêtes, plus particulièrement celles à plumes, tout comme elle aimait les fleurs et la poésie. Les enfants des cours basses connaissaient la faiblesse de leur souveraine, et lui amenaient fréquemment toutes sortes de bestioles, ravis d’en obtenir quelques pièces. La plupart du temps, Isabelle leur rendait la liberté.
La dame d’honneur était partout à la fois, surveillant, inspectant, houspillant, s’étourdissant de travail pour oublier l’angoisse qui la tenaillait, car elle aimait le roi d’une grande passion. Elle était sa maîtresse depuis deux ans.
L’amour en Courtoisie la possédant tout entière à la vue d’un beau cavalier blond sur le chemin d’Amiens en pays de France. Il est le roi, il est aussitôt son époux, et son ventre se déchire dans une souffrance atroce au soir de ses noces alors que des gardes la crucifient en la maintenant sur la couche nuptiale.
Le roi est défait ! Qui peut défaire un roi, hors la mort ? Et qui pouvait en tirer un tel triomphe, sinon son frère, héritier du trône, Louis d’Orléans ?
Le choc fit reculer Isabelle contre le mur du corridor où elle s’adossa. À demi consciente, elle se sentit glisser sur le sol, souffle et jambes coupés. Il lui sembla percevoir l’écho du rire triomphant de Louis, tandis que toute sa jeune vie défilait dans son esprit, un chaos d’images, de bonheurs et de douleurs.
La rumeur est mère maquerelle qui prostitue dame Vérité.
La jeunesse est une affection dont on guérit prestement, et plus prestement encore lorsqu’on la consume si intensément.
Il était communément concédé aux alchimistes les pouvoirs les plus fous. La possession de la Pierre philosophale, outre la fabrication de l’or, donnait également accès à la « Médecine de l’Ordre supérieur », sa liquéfaction en faisait « l’Élixir parfait », un élixir de jouvence qui donnait santé et vie éternelle par ses vertus régénératrices.
Un arracheur de dents du parvis de Notre-Dame m’a récemment soulagé de tous mes chicots qui m’empoisonnaient le sang et me faisaient l’haleine fétide. Il m’a laissé brèche-dent, les gencives nues comme nouveau-né.