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Citations de Charles Sorel (15)


Je n'ay point trouvé de remede plus aysé ny plus salutaire à l'ennuy qui m'affligeoit il y a quelque temps que de m'amuser à descrire une histoire qui tienst davantage du folastre que du serieux, de maniere qu'une melancolique cause a produit un facetieux effect.
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Vous riez, messieurs, de m'entendre parler de la sorte. Eh quoi ! ne sçauriez vous croire que j’aie été belle ? ne se peut- il pas faire qu’en un lieu de la terre raboteux, plein d’ornières et couvert de boue, il y ait eu autrefois un beau jardin, enrichi de toutes sortes de plantes et émaillé de diverses fleurs ? Ne peut-il pas être aussi que ce visage ridé, couvert d'une peau sèche et d’une couleur morte, ait eu en ma jeunesse un teint délicat et une peinture vive ? lgnorez-vous la puissance des ans, qui ne pardonne à rien ? Oui, oui, je puis dire qu’alors mes yeux étoient l’arsenal d’amour, et que c'étoit là qu'il mettoit l’artillerie dont il foudroie les cœurs. Si j’y eusse pensé alors, j’eusse fait faire mon portrait: il m'eût bien servi à cette heure, pour vous prouver cette vérité ; mais, las! en récompense - il me feroit plus jeter de larmes maintenant que mes amants n’en jetoient pour moi, car je regretterois bien la perte des attraits que j’ai eus. Néanmoins, ce qui me console, c’est que, tant que j’en ai été pourvue, je les ai assez bien employés, Dieu merci. ll n’y a plus personne en France qui vous en puisse parler que moi ; tous ceux de ce temps-là sont allés marquer mon logis en l’autre monde. Celle qui en sçavoit le plus y est allée presque des premières; c’est la dame Perrette, qui me vint accoster à la halle. Elle me donna autant de riches espérances qu’une fille de ma condition en pouvoit avoir, et me pria de venir chez elle tout aussitôt que j’aurois pris mon congé de ma maîtresse. Je ne faillis pas à le demander dès le jour même, sur l'occasion qui se présenta, après avoir été criée pour avoir acheté de la marée puante. Le paquet de mes hardes étant fait, j’allai trouver celle dont les promesses ne me laissoient attendre rien moins qu’un abrégé du paradis. Voyez comme j’étois simple en ce temps-là ; je lui dis: Ma bonne mère, comment est-ce que vous n’avez pas pris la bonne occasion que vous m’avez adressée ? Pourquoi est-ce que vous n’allez point servir ce monsieur, avec qui l'on fait si bonne chère, sans travailler que quand l’on en a envie ? C’est que je t’aime plus que moi- même, dit·elle en se prenant à rire. Ah ! vraiment tu n'en sçais guère : je vois bien que tu as bon besoin de venir à mon école. Ne t’ai-je pas appris qu’il t’aime, et ne vois-tu pas que pour moi je ne suis pas un morceau qui puisse chatouiller son appétit ? ll lui faut un jeune tendron comme toi, qui lui serve aussi bien au lit qu’à la table. Là-dessus, elle chassa de mon esprit la honte et la timidité, et tâcha de me représenter les délices de l’amour. Je prêtai l'oreille. En tout ce qu’elle me dit, je goûtai ses raisons et suivis ses conseils, me figurant qu'elle ne pouvoit faillir, puisque Page et l’expérience l’avoient rendue experte en toutes choses. M. de la Fontaine (ainsi s’appeloit ce galant homme à qui je plaisois) ne manqua pas de venir dès le jour même chez Perrette, d’où il ne bougeoit, tant il avoit hâte qu’elle eût accompli la charge qu’il lui avoit donnée de me débaucher. Quand il me vit, il témoigna une allégresse extrême; et, me trouvant toute résolue à faire ce qu’il voudroit, après avoir bien récompensé sa courratière, il me fit monter en une charrette, qui me porta jusqu’à un gentil logis qu’il avoit aux champs. Tout le temps que je fus là, s’il me traita pendant le jour comme sa servante, il me traita la nuit en récompense comme si j’eusse été sa femme. Alors je sçus ce que c'est que de coucher avec les hommes, et ne me fâchois que de ce que je n’avois pas plus tôt commencé à en goûter ; je m’y étois tellement accoutumée, que je ne m’en pouvois non plus passer que de manger et de boire. Le malheur pour moi fut que M. de la Fontaine devint malade. Il me fut force de souffrir la rigueur du jeûne, encore que je couchasse toujours auprès de lui, parce qu’il disoit qu'il m'aimoit tant, qu’il lui sembloit qu'en me touchant seulement un peu il trouvoit de l'allégement en son mal ; mais tout cela ne me rassasioit pas. Je fus contrainte de me laisser gagner par la poursuite du valet, qui étoit si ambitieux, qu’il désiroit être monté en pareil degré que son maître. Nous ne demeurâmes guère à forger ensemble les liens d’une amitié lubrique, et je reconnus par effet qu’il ne faut point faire état de la braverie et de la qualité, lorsque l’on veut jouir des plaisirs de l‘amour avec quelqu'un ; car celui-ci, avec ses habits de bure, me rendoit aussi satisfaite que son maître avec ses habits de satin. Enfin, M. de la Fontaine revint en convalescence, et paya tout au long les arrérages d’amour. Son serviteur occupoit aussi la place, lorsqu’il lui étoit possible, de façon que mon champ ne demeuroit point en friche, et que, s’il ne produisoit rien, ce n’étoit pas à faute de n’être bien cultivé. Je ne sçais quelle mine vous faîtes, Francion, mais il me semble que vous vous moquez de moi. Êtes-vous étonné de m’entendre parler si librement ? La sotte pudeur est-elle estimée d’un si brave chevalier comme vous ?
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C'est ainsi que les Philosophes rendent grace a la fortune des miseres qu'elle leur envoye, parce qu'elle leur donne occasion de faire esclatter leur merite et que la pauvreté est un instrument de la vertu.
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Je ne pourrois pas me resoudre a cela, repartit Francion : car il me semble que de se donner le nom d'autruy, c'est confesser que l'on a n'a rien en soy de si recommandable que celuy là.
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Par la mort, ce de disoit Clerante, je retrancheris quelque chose de l'estime que vostre merite m'a jusques icy obligé de faire de vous, si vous ne mettez peine a vous resjoüir ; vous vous faschez du desordre du monde ; ne vous en souciez point puis que l'on n'y peut remedier.
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Je lui demandai, à cette heure-là, pourquoi les sentimens des hommes sont-ils tous divers, vu que les âmes sont toutes composées de même étoffe ? Sçachez, me répondit-il, que cette matière-ci est faite des excrémens des dieux, qui ne s’accordent pas bien ensemble ; si bien que ce qui sort de leurs corps garde encore des inclinations à la guerre éternelle ; aussi voyez-vous que la liqueur de ce bassin est continuellement agitée, et ne fait que se mousser et s’élever en bouillons, comme si l’on souffloit dedans.
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Cher Francion,
À qui pourrais-je dédier votre histoire qu'à vous-même ? Ce serait vous faire tort que de l'aller présenter à un autre ; car s'il est besoin d'en donner le jugement, qui est-ce qui se trouve plus capable de le faire que vous, qui savez toutes les règles qu'il faut observer pour bien écrire ?
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Voici le plus fort de cette besogne achevé, dit-il ; plaise à Dieu que je puisse aussi facilement m’acquitter de celle de mon mariage ; je n’ai plus qu’à faire deux ou trois conjurations à toutes les puissances du monde, et puis tout ce qu’on m’a ordonné sera accompli. Après cela, je verrai si je serai capable de goûter les douceurs dont la plupart des autres hommes jouissent. Ah ! Laurette, dit—il en se retournant vers le château, vraiment tu ne me reprocheras plus, les nuits, que je ne suis propre qu’à dormir et à ronfler. Mon corps ne sera plus dedans le lit auprès de toi comme une souche; désormais il sera si vigoureux, qu'il lassera le tien, et que tu seras contrainte de me dire, en me repoussant doucement, avec tes mains: Ah ! mon cœur, ah ! ma vie, c’est assez pour ce coup. Que je serai aise de t’entendre proférer de si douces paroles, au lieu des rudes que tu me tiens ordinairement ! En faisant ce discours, il entra dans un grand clos plein de toute sorte d’arbres, où il déploya le paquet qu’il avait apporté de son logis. Il y avait une longue soutane noire, qu’il vêtit par-dessus sa robe de chambre ; il y avait aussi un capuchon de campagne, qu’il mit sur sa tête, et il se couvrit tout le visage d’un masque de même étoffe, qui y était attaché. En cet équipage, aussi grotesque que s’il eût eu envie de jouer une farce, il recommença de se servir de son art magique, croyant que, par son moyen, il viendrait à bout de ses desseins.
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[...] Un désir me venant alors de m’en aller à la terre, je demandai le chemin à l’ermite, et lui aussitôt me fit prendre à deux mains la corde que tenoient les dieux, et je me laissai couler jusques au bas, où je me gardai bien d’entrer dans une grande ouverture où elle passoit ; car, pour éviter ce précipice, je ne sais de quelle façon l’air me soutint, dès que j’eus remué mes bras, comme si c’eussent été des ailes. Je prenois plaisir à voler en cette nouvelle façon, et ne m'arrêtai point jusques à tant que je fus las.



Je me trouvai près de deux petites fosses pleines d’eaux, ou deux jeunes hommes tout nus se plongeoient, en disant. par plusieurs fois qu’ils étoient dans les délices jusques à la gorge. Désirant de jouir d’un bonheur pareil au leur, je me déshabillai promptement, et, voyant une fosse dont l’eau me sembloit encore plus claire que celle des autres, je me voulus baigner aussi ; mais je n’y eus pas sitôt mis le pied, que je chus dans un précipice, car c’étoit une large pièce de verre qui se cassa, et m’écorcha encore toutes les jambes.



Je tombai pourtant en un lieu où je ne me froissai point du tout. La place étoit couverte de jeunes tetons collés ensemble deux à deux, qui étoient comme des ballons sur lesquels je me plus longtemps à me rouler. Enfin, m’étant couché lâchement sur le dos, une belle dame se vint agenouiller auprès de moi, et, me mettant un entonnoir en la bouche, et tenant un vase, me dit qu’elle me vouloit faire boire d’une liqueur délicieuse. J’ouvrois déjà le gosier plus large que celui de ce chantre qui avala une souris en buvant, lorsque, s’étant un peu relevée, elle pissa plus d’une pinte d’urine, mesure de Saint-Denis, qu’elle me fit engorger. Je me relevai promptement pour la punir, et ne lui eus pas sitôt baillé un soufflet que son corps tomba tout par pièces. D’un côté étoit la tête, d’un autre côté les bras, un peu plus loin étoient les cuisses : bref, tout étoit divisé; et ce qui me sembla plus merveilleux, c`est que la plupart de tous ces membres ne laissèrent pas peu après de faire leurs offices. Les jambes se promenaient par la caverne, les bras me venoient frapper, la bouche me faisoit des grimaces, et la langue me chantoit des injures. La peur que j’eus d’être accusé d’avoir fait mourir cette femme me contraignît de chercher une invention pour la faire ressusciter. Je pensai que, si toutes les parties de son corps étoient rejointes ensemble, elle reviendrait en son premier état, puisqu’elle n’avoit pas un membre qui ne fut prêt à faire toutes ses fonctions. Mes mains assemblèrent donc tout, excepté ses bras et sa tête, et, voyant son ventre en un embonpoint aimable, je commençai de prendre la hardiesse de m’y jouer, pour faire la paix avec elle ; mais sa langue s’écria que je n'avois pas pris ses tetons mêmes, et que ceux que j’avois mis à son corps étoient d’autres que j’avois ramassés emmi la caverne. Aussitôt je cherchai les siens, et, les ayant attachés au lieu où ils devoient être, la tête et les bras vinrent incontinent se mettre en leur place, voulant avoir part au plaisir, comme les autres membres. La bouche me baisa et les bras me serrèrent étroitement, jusqu’à ce qu'une douce langueur m’eût fait quitter cet exercice.
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Agathe, ancien prostituée devenue maquerelle, à propos d'un moine : "Ne sais-je pas bien qu'il faut que chacun fasse son métier ? Il exerce le sien en amusant le simple peuple par ses paroles et en le détournant d'aller aux débauches où se perd l'argent inutilement, et où se font les querelles et les batteries ; et moi j'exerce aussi le mien en éteignant la concupiscence des hommes par charité."(Livre II)
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Je n'ay point trouvé de remede plus aysé ny plus salutaire à l'ennuy qui m'affligeoit il y a quelques temps que de m'amuser à décrire une histoire qui tinst davantage du folastre que du serieux, de maniere qu'une melancolique cause a produit un facetieux effect.
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Je suis venuë toute nuë en ce monde : et nuë je m'en retourneray : Les biens que j'ay pris d'autruy je ne les emporteray point, que l'on les aille chercher où ils sont, et que l'on les prenne, je n'en ay plus que faire ? Hé quoy, si j'estois punie après ma mort pour avoir commis ce que l'on appelle larrecin, n'aurois je pas raison de dire à quiconque m'en parleroit que ce auroit esté une injustice de m'avoir mise au monde pour y vivre, sans me permettre de prendre les choses dont l'on y vit ?
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Livre III, p. 377 :
Les Dieux ne quitent jamais leurs armes, non pas mesmes quand ils sont à table, pource que s'ils ne les avoient plus, on ne les pourroit reconnoistre ; Et de fait voyez le portrait ou la statuë de Mercure, à quoy connoistrez vous que c'est luy, s'il n'a son Caducée ? Au moins devoient ils avoir chacun aupres d'eux les marques de leur divinité, comme Jupiter qui avoit son foudre, que son aigle tenoit dans son bec à costé de luy. Toutefois il ne treuva pas que ce fust une chose bienseante de permettre que les Dieux coupassent le pain avecque leurs armes : car Saturne en maniant sa grande faux qui estoit fort incommode, avoit desja donné du manche dans les machoires de son compere Janus, et lui avoit fait saigner les dents.
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Livre I, p. 119 :
Toutefois Anselme emporté par les fougues de la jeunesse, qui n'ayme qu'à passer son temps joyeusement, n'avoit pas envie de s'employer si tost à luy oster ses fantaisies, et accusoit en soy mesme Adran d'une grande injustice, de vouloir priver le monde du plus excellent fou qui fut jamais, croyant que s'il l'eust remis en son bon sens, l'on eust esté bien fondé à le faire adjourner pour luy rendre sa folie.
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Ils écrivaient sur l'imagination qu'ils avaient d'être bons écrivains, et se trompaient ainsi tout doucement. [ Livre V ]
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