Citations de Charles Wright (172)
C'est une peine de l'avouer : jusqu'ici, ce n'est pas chez les chrétiens patentés que nous avons reçu le meilleur accueil...
Les vaches ouvrent à une autre temporalité. Elles enseignent la lenteur et l'art de tendre l'oreille, de rêver, de flâner. Avec leurs gracieux mouvements musculaires, leur nonchalance, la fluidité de leurs déplacements, l'absence de toute tension, leur regard qui se perd parmi les fleurs des champs, elles sont le meilleur tranquillisant.
Le voyage est un exhausseur d'émotions.
Du silence même naît quelque chose qui nous attire vers plus de silence.
Notre voyage est aussi cela : une longue-vue plongée dans cette France de l'intérieur que nous découvrons épuisée, à bout de forces.
L'arbre est élan, désir, aspiration. On ne peut plus vivre affalé quand on fréquente des forêts. La présence des bois appelle au rehaussement de soi.
Trente jours durant, nous allons suivre la voie de l'abaissement. Vagabonds, mendiants, voyageurs sans bagages, nous allons expérimenter une vie sans appui avec, pour seule fortune, l'heure présente, le bel aujourd'hui.
Je me sens orphelin d'un monde disparu, englouti. Tout ce à quoi je tiens le plus est submergé par l'énorme vague de la modernité en marche : la culture de l'intériorité, le silence, la gratuité, la lenteur, le sens de la nuance, de la mémoire et de la profondeur historique.
Pour moi, je tiens à cette opinion, quand bien même elle ferait de moi un hérétique: les animaux ont une âme. Je refuse d'être sauvé sans les bêtes. Que ces dernières soient laissées sur le parvis de nos églises m'indispose hautement. J'aimerais qu'elles aient le droit d'entrer, qu'elles chantent avec nous la grande louange des vivants. Et si l'au-delà existe, je ne conçois pas d'y voguer sans des ânes, des vaches, des moutons, des chiens et des volées d'oiseaux.
On ne peut vivre dans un paroxysme constant. De fait, n’est-ce-pas plutôt dans le consentement à l’humble répétition des jours, dans les épousailles avec l’ordinaire, qu’il faut rechercher les clefs du bonheur, à l’image de cette grand-mère affairée dans son potager à prélever les mauvaises herbes ?
Je tiens de vieux moines avec lesquels j’ai vécu que plus on a de religion, moins on en parle, et que les choses de l’Esprit se manifestent toujours de façon discrète, à bas bruit.
Tout ce que Louf écrit, il l’a d’abord vécu. Nous ne sommes pas en présence d’un théologien de salon. Il n’a d’ailleurs jamais composé de traités charpentés, systématiques. Tout chez lui est éclairé de l’intérieur. Comme son maître, saint Bernard, il parle d’expérience. Pour employer un vocabulaire technique, Louf est un phénoménologue de la vie spirituelle : il décrit comme peu l’ont fait avant lui ce qui se passe quand on prie, l’expérience de celui qui se livre à la prière.
Ne laisse jamais aucun pouvoir empiéter sur ta conscience
On oublie parfois que l’âme, comme le corps, a des besoins. Il est temps que je donne à la mienne un peu de beauté, de liberté, de silence, seuls breuvages capables de la désaltérer.
La petite église romane fortifiée de Saint-Laurent est close. Dommage : une église fermée, c’est un soleil éteint, un cœur qui se refuse. On ne devrait jamais fermer la porte d’une église…Et même si les hommes légers n’y viennent jamais, encore faudrait-il la laisser ouverte afin qu’y entrent le soleil, l’oiseau blessé, le chien perdu, le fugitif et l’âme errante.
Moi je ne savais plus très bien ce que je croyais. Des années de recherche m’avaient conduit vers ces régions du silence où tous les mots de la foi défaillent. Les pieuseries, les bondieuseries, le bla-bla spirituel mettaient mes nerfs à vif. Il n’y avait que l’amitié des pauvres et la radieuse beauté du Christ sur les vieilles icônes russes pour m’introduire au seuil de la prière silencieuse.
« Dans un pâturage à l’entrée de Saint-Paul-le-Froid, nous surprenons un vieux paysan en flagrant délit de contemplation de son troupeau, au milieu du champ, les vaches affectueuses font cercle autour de lui. Elles sont toutes venues à sa voix et saluent sa présence par des beuglements joyeux, tout en mangeant dans sa main des poignées d’herbe. En interrompant ce moment de tendresse, je pense à une lettre adressée par Rimbaud, en goguette en Suisse, à sa sœur « j’ai dormi au coeur du Tessin dans une grange solitaire où ruminait une vache osseuse qui accepta de me céder un peu de sa paille ». ...Nous avons perdu cette proximité avec les animaux qui ont disparu de nos paysages et de nos existences d’urbains. C’est une perte sans prix. Les bêtes nous humanisent. Elles éveillent en nous des trésors de tendresse. Il y a une joie divine à les côtoyer. »
« A mon retour des Hautes-terres, la décision s’est imposée comme une évidence….
Un ordre sacerdotal de l’église ? La traversée des hautes terres m’a définitivement converti à la religion buissonnière. Pendant ce mois d’observance, ma religion , ma lithurgie, ce furent les vaches, les moutons, les arbres, les pierres et la rencontre des autres dont les visages ouvrent sur une autre scène, sur un autre monde. Les clercs n’ont pas le monopole du sacré.Ce dernier se débusque partout, notamment sur les chemins de traverse. » …
« De retour à Lyon, il nous a paru étrange de de dormir dans de lits , de prendre une douche…
De mêm jamais les mœurs qui sévissent en ville nous ont paru aussi étonnantes. Avec tous ces adultes en trottinettes, les centres ressemblaient à d’immenses nurseries qui imposaient leur dictature rigolote du fun et du sympa. Dans les journaux, on parlait sans cesse de harcèlement, mais on omettait de mentionner celui de la publicité, de la laideur, du bruit, des notifications des écrans, de la musique des ascenseurs et des mille autres dispositifs qui sollicitent continuellement l’attention. Les conversations dans les cafés ne roulaient que sur les déclarations d’Adèle Haenel et de Marion Cotillard, dont les gens guettaient les avis comme des oracles. Pour moi, la mort d’un arbre était plus triste que la déchéance d’une star…
Dans les livres, il n’y avait pas un livre où un sociologue ne se proposât de démonter la fabrique de ceci ou cela. Il y avait la fabrique de la France, des identités, de la famille, des femmes, des hommes, des chiens...Cette promotion de l’artifice m’étonnait. Il faut dire que je sortais d’un mois en compagnie des choses qui ne se fabriquent pas : la beauté, le silence, les arbres, le vent »...
Quand je repense a ma vie, ce qui m’a rendue heureuse, c’est les gens à qui j’ai rendu service.
La pauvreté est une voie vers la joie parce qu'elle ouvre un espace illimité d'accueil. Quand on a rien, on est obligé d'ouvrir les mains, et on se dispose ainsi à tout recevoir.