Citations de Charmaine Pauls (33)
Je saisis une robe rouge et la brandis sous la lumière.
— Que penses-tu de celle-ci ? l’interrogé-je, le dos tourné.
— C’est beaucoup trop jeune pour toi.
Mon corps se raidit. Qu’est-ce qui me pousse à la réaction rebelle que je m’apprête à avoir ?
Le fait que j’aime vraiment la robe ou qu’elle sous-entende que je suis vieille ? Ou est-ce quelque chose de totalement différent, quelque chose lié au fait que je baise un gars qui a une vingtaine d’années de moins que moi ? Je ne sais pas.
— Je vais la prendre, déclaré-je en me retournant enfin. Depuis quand est-on trop vieux pour porter ce qu’on aime ? Où est passée l’étudiante qui se moquait du regard des autres ?
— Ce n’est pas pareil, Janie. À ce moment-là, c’était l’idéaliste qui s’exprimait. La réalité est très différente.
Ses propos me donnent soudain envie de remonter le temps, à l’époque où nous étions insouciantes, lorsque le regard des autres nous importait peu.
— Je ne suis pas d’accord. Nous n’avons pas à nous conformer à la norme parce que la société en a décidé ainsi.
Survie, amour, humilité.
Amour, survie, humilité, dans cet ordre précis. L’amour arrive en premier.
Je me dérobe à cette pensée, refusant d’évoquer de bons souvenirs de lui. De nous… Je dois le haïr. Heureusement, mes émotions commencent à passer au second plan alors que mon corps faiblit et que la survie devient également une priorité.
Avec un sourire, elle gonfle ses petits seins. Bien sûr, elle ne porte pas de soutien-gorge. Ses tétons pointent sous le tissu fin. Elle passe la lanière de son sac par-dessus son épaule et prend sa bière, l’emportant dans le couloir des toilettes, sans doute pour éviter que je mette quelque chose dans son verre.
Petite maligne.
Cet homme m'a rendue dépendante de lui dans tous les sens du terme, matériellement, physiquement et émotionnellement. Je n'ai personne d'autre vers qui me tourner. Il n'y a plus que cette maison, cet endroit sublime que j'aime et que je déteste en même temps...
Amour et haine, la description parfaite de ce que nous partageons..
J’ai renoncé à l’amour. Je ne peux pas le ressusciter, tout comme je ne peux pas récupérer les 40 % de ma fonction cardiaque définitivement perdue. La haine s’est imposée et a pris le dessus. Maintenant que la raison de ma haine a disparu, mon cœur est vide. J’ai fait l’expérience de la peur, de la douleur, de l’angoisse, de la colère et même de l’enthousiasme… Toutes ces émotions ou impulsions liées à l’instinct ou à la survie. Mais je ne ressens pas d’amour… Je ressens le soulagement d’être en vie, mais pas de joie. C’est ingrat. Pitoyable. Pathétique, vraiment. Mais je ne peux pas m’en empêcher.
Ce qui est arrivé nous a peut-être détruits, mais mon cœur lui appartiendra toujours. Si je le tue, cela reviendrait à arracher mon propre cœur et à le réduire en bouillie. À quoi je pensais ? Comment ai-je pu croire que de lui tirer dessus réparerait tout ? L’amour rend aveugle, mais la vengeance aussi.
Avoir un plan et l’exécuter réellement, ce sont deux choses différentes. Ian a eu des paroles similaires au bar, sur le fait de vouloir et de prendre. J’ai imaginé cette scène un nombre incalculable de fois… C’était facile : le retrouver, le faire payer. Fin de l’histoire.
Pour certains, la ville est un lieu d’opportunités et de plaisir. Pour moi, elle ressemble à une prison. Les hauts bâtiments et l’étroit réseau de routes ressemblent à des barreaux. Fut un temps où je souhaitais déménager ici, à la recherche d’un emploi. C’était avant que Ian ne me régale par ses vastes étendues de terre, son fleuve immense et ses animaux sauvages.
Elle m’appartient encore.
Son désir et son amour sont à moi. Au début, c’est moi qui les lui ai soutirés, mais par la suite, elle m’a tout donné de son plein gré. Puis c’est sa vie entière que je lui ai volée. Même si Ruben a appuyé sur la gâchette, la faute me revient. C’est ma faute si je ne me suis pas débarrassé de lui comme je l’aurais dû. C’est ma faute si je n’ai pas vu ce qui se tramait sous mon nez.
Je n’avais pas confiance en Ruben. J’avais besoin d’une épée à suspendre au-dessus de sa tête. Ça me donnait une arme contre Oliver aussi. Je ne pouvais pas uniquement compter sur toi pour me protéger.
J’ai vécu emplie de haine pendant si longtemps, la laissant nourrir mon âme, que maintenant j’ignore comment vivre sans. Je ne peux pas m’en débarrasser tout de suite. Une fois de plus, la réalité me frappe.
Au fond, je cherche à dissimuler la blessure qui, tout comme le chagrin dans ses yeux, a élu domicile dans ma poitrine. C’est dangereux, car ça lui donne la permission d’ouvrir ce qui est, de toute évidence, une boîte de Pandore.
Dans notre cas, le sang sera toujours corrompu. Les animaux naissent bons… Les frères Hart, certainement pas. Nos mauvaises actions peuvent être mises sur le compte de notre enfance tout sauf idéale… mais notre côté sombre découle de nos gènes.
Il y a quelque chose dans ses yeux, quelque chose de bien plus tordu que les péchés que supporte mon âme. C’est une sorte de cruauté déviante, le genre dont le diable devrait avoir l’exclusivité.
Elle a l’air totalement vulnérable. Sans défense. La peur et le désespoir m’enserrent le cœur, mais je me débarrasse de ces sentiments avant qu’ils ne prennent racine. Il n’y a pas de place pour la faiblesse. Ma priorité, c’est de m’assurer qu’elle survive et qu’elle soit en sécurité.
Ce n’est plus le garçon de dix ans que j’ai laissé derrière moi, avec ses manches miteuses et ses genoux marqués à force de tomber de son vélo. Il est grand et mince, vêtu d’un costume qui exsude le pouvoir, avec une chemise blanche et une cravate noire. Vingt ans ont passé, mais je reconnaîtrais ses traits de faucon, ses yeux d’un brun glacial et ses cheveux noirs entre mille. Nous tenons nos visages des gènes de notre père.
C’est ma Cas. Je le sais. J’en ai un instinct inné. Mais pourquoi ? Pourquoi se serait-elle cachée pendant un an, me laissant croire au pire ? Pourquoi m’aurait-elle laissé vivre cet enfer ? Et pourquoi revenir en incarnant une autre personne ? Pourquoi ces faux-semblants ?
Avec les couches de maquillage sur son visage, ses traits peuvent mentir, mais son corps nu en sera incapable. Son parfum et son accent aussi peuvent me duper, mais pas la réaction de mon propre corps.
Je me raidis, mais ce n’est qu’une femme, une prostituée, à en juger par son allure. Haut moulant, jupe courte et talons interminables. Petits seins et fesses rondes. En temps normal, je lui aurais accordé un second regard, mais c’est la réaction de ma queue qui m’incite à me tenir tranquille. Mes préférences vont aux petits sains et aux fesses rondes, mais les cheveux noirs et la coupe courte ont tout faux.
L’arme à ma ceinture procure un poids rassurant. Je me suis assuré que personne ne m’avait suivi depuis l’hôtel et qu’aucun flic ne soit dans le coin avant d’entrer. Avec les ressources limitées des forces de police, je doute qu’ils gardent un œil sur l’hôtel vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Après une année sans aucun signe de moi, ils ont dû abandonner, mais on ne sait jamais.