[Sur Michel Mohrt]
Michel Mohrt (1914-2011) aura connu le terrible XX°s dans sa totalité ; il aura vu son existence brisée à jamais par la défaite de 1940. Dans "La Campagne d'Italie", merveilleux roman stendhalien sur les illusions perdues d'un jeune guerrier frustré de sa victoire, il fait dire à son double romanesque, Talbot : " On ne s'en remettra jamais."Le traumatisme de la défaite de 1940 laisse des cicatrices profondes, qui mettront près d'une vie entière pour se refermer : "Je n'avais plus confiance en moi, parce que j'avais perdu confiance en mon pays. Comme lui, je me sentais vaincu. Je passais mon temps à ruminer la défaite, cherchant à en préciser les causes, si évidentes pour moi."
p. 327
(...) Une des différences essentielles entre deux visions du monde antagonistes, la païenne et la chrétienne. Cette dernière exige de renoncer à notre part animale par l'effort de la volonté. Effort surhumain, en fait inhumain, quasi impossible, d'où tabous et refoulements. D'où l'ignorance aussi de sa propre nature: l'attitude chrétienne à l'égard du sexe - il n'y a pas d’érotisme chrétien - en est un parfait exemple mariant hypocrisie et intolérance. Cette négation d'une part de la réalité, cette soumission aveugle à des dogmes caractérisent les modes de pensée dualistes et monothéistes. Il s'agit toujours d'éradiquer "l'erreur", de corriger la nature par des disciplines absurdes, de domestiquer et de neutraliser la vie sous des prétextes "sublimes". D'où leur caractère morbide, leur insupportable pathos. Pourquoi ce refus fanatique de la chatoyante complexité de l'homme et du monde? Pourquoi cette simplification, cette manie de l'exclusion (de l'animal qui est en nous, du Païen, de l'hérétique, de la matière: la liste est sans fin)? Pourquoi cette "haine instinctive de la réalité" que fustige justement Nietzsche?
Dandy, mélomane, Laszlo vit et tue à Bruxelles dans le souvenir du Paris de Louis-Philippe, du Moscou d’avant la Révolution. Sa rencontre avec une mortelle lui fera découvrir les affres de l’amour et scellera son destin. Conte intimiste et philosophique, Vogelsang rénove en le subvertissant le mythe littéraire du vampire.
On ne se convertit pas au Paganisme: on y adhère, redevenant tout simplement celui que l'on avait toujours été.
Le monde n'est pas plus désenchanté qu'il y a dix mille ans. Un coucher de soleil, la contemplation de la lune dans une clairière enneigée, un grand feu demeurent des expériences du sacré, de même que la lecture de Plotin ou des Védas, l'écoute d'une sonate ou d'un râga. C'est plutôt le regard de certains contemporains qui est épuisé, ce sont les instincts qui leur font défaut.
D'Aygremont, qui s'adonnait à l'étude d'épopée ensevelies, aimait par-dessus tout cet alliage hautement poétique: le vin et les livres, la taverne et le cloître, l'amitié et le silence.
… à Bruxelles, le voyage d’un monde à l’autre se fait instantanément, de la Provence comme l’autre soir, à la Chine comme en cet instant. Voilà bien une qualité de cette ville à première vue provinciale et qui en garde le charme, où les cultures se superposent bien plus qu’à Madrid, Rome ou Dublin. À Bruxelles, ville improbable et pourtant attachante, je puis me sentir française, italienne ou espagnole.
Ils en vinrent à l'un des points essentiels de la doctrine, tel qu'il était transmis depuis Empédocle d'Agrigente. Le discussion porta sur le problème du mal, celui-la même qui venait d'être rappelé au novice. Comment expliquer les méfaits des hommes, si ce n'est en les regardant comme des fétus de paille livrés à la fantaisie des Puissances ? Ce que certains nommaient naïvement le bien et le mal se résumait au combat éternel, à l'intérieur de chacun et à tout moment, opposant les forces positives, celles de l'Amour qui tout enlace, aux forces négatives, celles de la Haine détestable. Balancement perpétuel entre deux puissances motrices, les forces de restauration, centripètes et les forces de dissolution, centrifuges. Mélange et séparation, rassemblement et dispersion, fusion et fragmentation. L'Harmonie aux yeux tranquilles et la Hideur aux noires prunelles. Philotès et Neikos, précisait le Père des Pères.
(p.89)
«Etrange Bruxelles que celui de Christopher Gérard, déglingué, improbable, sans conteste attachant. Chaque page respire l'allégresse d'une histoire menée allegro vivace,
sinon allegro con brio»
Alfred Eibel, Valeurs actuelles
Pour un païen, le religieux est orienté vers la vie terrestre, immanente. Il vise à assurer au citoyen une vie humaine ici-bas, non dans quelque hypothétique arrière-monde. Le citoyen, homme libre par excellence tâche de se réaliser ici et maintenant. Il refuse de succomber à la tentation morbide du nihilisme, d'accorder le moindre crédit à toutes les chaleureuses impostures. Il ne s'agit pas de croire en un Dieu impersonnel et jaloux qui épierait nos faits et gestes et à qui nous rendrions des comptes d'apothicaires. Cette vision ô combien infantilisante du sacré ne mène qu'à l'hypocrisie, à l'athéisme.