En 1735, le père de Solis débarque avec ses frères, leurs femmes et une ribambelle de neveux à Santo Domingo de Palenque. A la recherche de terres à cultiver, la famille s’égaille dans la forêt… et tombe sur des « maisons de pierre », manifestement abandonnées depuis longtemps. Incrédules, ils viennent de pénétrer, les premiers, sur l’un des plus fabuleux sites mayas.
Del Rìo suit à la lettre les instructions royales, décrivant et mesurant les monuments, prélevant le plus possible d'échantillons. Il arrache ici une tête en stuc, là un panneau en calcaire sculpté de glyphes. Plus loin, il rend bancal un trône de pierre en prélevant un de ses pieds sculptés. Il mutile une inscription modelée en stuc en faisant sauter les glyphes les mieux conservés. il fait des trous ici et là dans les pièces des édifices du palais, dans les temples et, à plusieurs reprises, découvre des offrandes de poteries et d'armes de pierre. Les produits de ce saccage sont envoyés au Cabinet royal d'histoire naturelle à Madrid.
Chapitre II : Artistes et aventuriers
Mais l'architecture et la sculpture ne s'adressent pas seulement aux hommes. On retrouve partout exprimé le souci de recréer sur terre une image, même déformée et miniaturisée, de l'univers. Cela permet de se sentir en harmonie avec le cosmos et d'agir sur lui... L'édifice en dur et la sculpture sur pierre sont des créations qui existent pour elles-mêmes et qui ont leur vie propre. Les dépôts de fondation donnent vie au bâtiment comme à la stèle. Ne nous étonnons pas que certains d'entre eux impliquent dans leur cérémoniel la création de l'univers. L'édifice est créé comme l'univers le fut. La sculpture du sarcophage du roi Pacal de Palenque et de la dalle qui lui sert de couvercle était comprise comme un acte de foi, expression de croyances profondes dans l'harmonie du cosmos et du cycle mort et renaissance ; le seul fait de sculpter ces scènes actualisait, donnait vie et pouvoir à ces croyances. Par comparaison, la contemplation de la sculpture par une dizaine de personnes au moment de l'inhumation apparaît d'importance mineure.
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Cependant, on peut estimer que l'écriture maya a été bridée par son emploi hiératique et officiel. Les récits historiques sont solennels et impersonnels, presque toujours écrits à la troisième personne du singulier. Rares ou inconnus sont les formes plurielles, les déclarations autobiographiques, les exhortations, les impératifs, sans parler des lettres d'amour ou des recettes de cuisine. Beaucoup de mots du langage courant n'ont sans doute été jamais écrits. Les adjectifs sont rares, et le texte est loin d'exprimer la richesse de la langue parlée. A l'instar des autres écritures mésoaméricaines, il est probable que le texte écrit fournissait des faits bruts que le discours oral devait amplifier et enjoliver.
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Sur les monuments comme sur les codex, l'écriture n'a pas éliminé l'image. Parfois les deux domaines (écriture et image) parlent de la même chose ; ainsi le linteau 8 de Yaxchilan raconte par le texte et par l'image la capture de deux ennemis par le roi et son capitaine. Le texte court se limite strictement aux faits : date, action, noms et titres. L'image nous montre les protagonistes que leur posture, leur importance dans le décor, leur costume et leurs bijoux caractérisent, et donne ainsi une masse d'informations complémentaires. Même quand les messages paraissent se répéter, ils se complètent plus qu'ils ne se doublent. S'ils se recoupent, ils ont cependant des domaines de prédilection : l'écriture est parfaitement adaptée à l'événementiel, aux calculs de temps, à la mise en corrélation des divers cycles astraux et du cycle dynastique. De son côté, l'image permet d'exprimer la simultanéité, l'ambigüité, la contradiction ; par exemple, la richesse du message transmis par la seule coiffure du roi est considérable.
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Les Lacandons vénèrent les ruines de leurs ancêtres, qu'ils considèrent comme la résidence des dieux, et s'y rendent régulièrement pour déposer des offrandes, brûler de l'encens et prier. Mais ils refusent généralement d'emmener les Blancs dans ces lieux sacrés que sont les "tuns" (les "pierres", ainsi qu'ils désignent simplement leurs ruines). Ils font cependant une exception pour Giles Healey qu'ils connaissent bien, et qui leur apporte les "bienfaits" de la civilisation : fusils de chasse et munitions, vêtements, nourriture et remèdes.