AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Claudia Hernandez (13)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Défriche coupe brûle

Du Salvador comme écrivain je ne connaissais que Horacio Moyà dont je raffole . Avec ce livre cette fois-ci la rencontre est avec une écrivaine et une histoire assez étrange à l'anonymat total sur les personnages,les lieux, les pays et les événements. Assez déstabilisant au départ pour la lectrice ou le lecteur , et pas toujours facile à suivre par la suite vu que l'auteure se déplace continuellement dans le temps et entre les personnages. L'emploie du « elle » qui désigne ici chacune des protagonistes féminines rend la lecture difficile car souvent au premier abord on n'arrive pas tout de suite à réaliser de laquelle il s'agit, la mère, l'une des filles, l'amie... ?

«  le Pays » où se déroule l'histoire émouvante de trois générations de femmes est sans doute le Salvador. le récit prend des embranchements en France, où Paris est cité. Et la lutte armée dont il est question je suppose est l'interminable guerre civile qui ravagea le pays de 1979 à 1992. Mais dans l'anonymat tout ces repères revêtent un caractère universel qui pourrait correspondre à n'importe quel pays d'Amérique du Sud.



A travers le destin de ces femmes anonymes, principales victimes de la guerre et de ses conséquences, Hernandez nous transmet la lutte émouvante d'une ex-guérilla mère célibataire de cinq filles. Dans l'après-guerre, essayer de se réadapter à la vie est une tâche difficile aussi bien pour elle que pour cette nouvelle génération qui née en pleine violence et ayant subit maintes privations se retrouve dans la misère, dans un monde sans repères. Nombre d'entre eux furent aussi recueillis pendant la guerre par des religieux et vendus aux occidentaux, dans des conditions peu orthodoxes. Il est ici question de l'une d'entre eux , l'aînée des cinq filles de l'ex-guérilla, née alors qu'elle n'avait que quinze ans, en plein combat, que cette dernière va aller retrouver en Europe .......Quand aux hommes, une majorité de prédateurs, et quelques bons gars qui peinent à aider et à protéger ces femmes livrées à leurs destins de victimes.



Le tour de force de Hernandez est de réussir un roman d'une profonde humanité, malgré le style distancié et austère employé avec l'anonymat. Ma première incursion dans l'univers d'une écrivaine atypique déjà primée dans son propre pays mais dont c'est le premier livre à être traduit, et dont j'aimerais énormément découvrir le reste de l'oeuvre publiée.



Un grand merci aux Éditions Metaillé et NetGalleyFrance pour l'envoie de ce livre très intéressant.

#Defrichecoupebrule#NetGalleyFrance

Commenter  J’apprécie          926
Défriche coupe brûle

D'abord il y a "elle", ancienne combattante, ex-guerillera dans les montagnes d'un pays d'Amérique centrale. Rendue à la vie civile après des accords de paix et le passage par un camp de réinsertion, elle retrouve une vie "normale" de femme veuve dans un système patriarcal, dans un contexte post-guerre civile, dans des conditions économiques précaires, à la merci des hommes qui ne respectent pas les femmes, même celles qui se sont montrées aussi braves qu'eux à la guerre.

Il y a "elle" aussi, sa mère qui l'a regardée partir à la guerre avec son père adoré et ses frères, avec fierté, fatalisme et la peur de ne jamais les revoir. Il aura fallu longtemps, après la signature des accords de paix, pour qu'elle arrive enfin à croire que la guerre était bel et bien terminée, et que les accords n'étaient pas une ruse, un faux-semblant pour mieux écraser les perdants.

Il y a encore "elle", cinq fois, les filles de la guerillera. L'aînée, qui lui a été enlevée à la naissance, retrouvée au bout du monde 20 ans après ; la deuxième qui fait ce qu'on attend d'elle dans ce pays : se marier, faire le ménage et des enfants ; la troisième, qui se rêve médecin et s'inscrit à l'université en raclant le moindre centime dans les fonds de poche et de tiroir ; la quatrième, ingrate, qui se révolte parce que privée de tout à cause de sa soeur ; la cinquième, la plus jeune, qui n'a pas connu la guerre, qui danse et qui rit sa joie de vivre comme la petite fille qu'elle est.

Et il y a enfin toutes les autres "elle", tante, ex-camarade de combat, mère adoptive, membre d'association, tutrice à l'université, celle qui aide, qui accueille, conseille, tend la main, qui écoute, qui sauve.

Toutes ces "elles" sont anonymes, elles n'ont pas de prénom, aucun nom propre dans ces 300 pages, sauf celui de la ville de Paris. Des femmes anonymes, mais pas invisibles, pas insipides, pas passives, quoi qu'en pensent certains hommes. Elles se battent pour assurer le présent, se protègent pour construire l'avenir, se transmettent ou pas leur courage et leur ténacité. Elles ont fort à faire, tant les prédateurs sont nombreux, qui en veulent à leur argent, leur terre, leur corps, leur vie. Elles veulent être indépendantes, dignes, libres sans rien devoir à personne, sans négocier ni se soumettre, quitte à serrer les dents et la ceinture.

Cette anonymisation rend parfois la lecture un peu laborieuse, par moments on ne sait plus trop de qui on parle, mais elle fait toucher à l'universel au travers de ces destins particuliers. "Elle" ou une autre, c'est la même solidarité, la même lutte pour la famille, l'avenir.

Avec son écriture brute et puissante, sans pathos, "Défriche coupe brûle" est un bel hommage à ces femmes, combatives envers et contre tout.



En partenariat avec les Editions Métailié.
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          505
Défriche coupe brûle

Histoire de trois générations de femmes, dans un espace-temps dont les contours restent flous, exceptée l’évocation de Paris – même si l’on comprend facilement qu’il y est question du Salvador, et de la guerre civile qui y a éclaté entre 1979 et 1992 -, Défriche coupe brûle nous fait nous confronter à une narration tout aussi floue, du fait du mélange des temporalités, mais aussi du fait de l’imprécision complète existant entre les femmes évoquées, chacune étant la mère, la fille, la sœur… sans avoir une identité à part entière qui faciliterait leur reconnaissance, et donc la compréhension du récit. Est-ce une façon, non seulement d’insister sur le fait que cette histoire est celle, finalement, de toutes les femmes, donnant au roman un caractère fabuleux – au sens de fable -, bien que le récit des évènements soit tout sauf extraordinaire, mais plus encore de symboliser la place de la femme dans la société, qui n’est qu’une mère, une sœur parmi d’autres, et n’a aucune raison d’être identifiée autrement ?



Dans tous les cas, le roman nous conte les violences faites aux femmes, qu’elles soient d’ordre physique, moral, ou sociétal, avec beaucoup de force, de réalisme, d’empathie, et ce par un mélange paradoxal de descriptions de scènes de la vie quotidienne on ne peut plus communes – même lorsqu’il est question des rebelles cachés dans la montagne pendant la guerre, et dont l’une des femmes fera partie – et d’explorations fouillées des sentiments et sensations qui donnent corps et profondeur à chaque femme du récit. Violences subies, en temps de guerre comme en temps de paix, autant en lien avec leur féminité qu’avec leur maternité, violences qui peuvent, au travers des scènes quotidiennes racontées, paraître pour certaines, elles aussi, banales, comme faisant partie des meubles de la condition féminine. Violences qui font d’elles des êtres subalternes malgré la place centrale qu’elles occupent, et dans la société, et dans la famille, qu’elles ont parfois occupée aussi pendant la guerre. Et c’est ce qui, à mon sens, rend le propos si fort dans ce roman : les choses nous sont racontées dans leur plus parfaite banalité, ne les rendant qu’encore plus indignes et inacceptables.



Ces générations de femmes, que Claudia Hernandez choisit de nous conter, ce sont des combattantes, chacune à sa manière, en ce qu’elles refusent la condition qui leur est imposée, en ce qu’elles prennent, métaphoriquement ou non, les armes, pour reprendre leur juste place dans la société patriarcale qui veut les reléguer le plus bas possible. Ce sont des femmes qui se construisent sans l’homme, et qui de fait détonnent et scandalisent au sein de cette société patriarcale. Finalement, bien qu’elles n’aient pas d’identité à proprement parler au début du roman, elles la gagnent au fur et à mesure, en même temps que le lecteur parvient de plus en plus facilement à les distinguer comme des individus à part entière, grâce à ces postures de combattantes, envers et contre tout. Et c’est particulièrement réussi.



Je remercie les éditions Métailié et NetGalley pour cette nouvelle découverte.
Lien : https://lartetletreblog.com/..
Commenter  J’apprécie          190
Défriche coupe brûle

Ce que j’ai ressenti:



« Quand elles ressortirent, son cœur battait très fort. »



Et moi, j’aimerai vous parler d’elles. Elles n’ont pas de noms. Elles sont mères, femmes, sœurs, tantes, filles…Elles sont meurtries, fortes et déterminées. Elles sont guerrières, étudiantes, tristes. Elles sont au foyer, reliées, absentes. Elles se démènent dans un monde d’hommes, toutes résistent. Elles transmettent, cuisinent, subissent. Et tour à tour, on entend leurs souvenirs, leurs espoirs, leurs projets d’avenir. Certaines connaîtront la guerre, d’autres l’après-guerre, mais le sentiment d’injustice reste sur leurs destins comme un mauvais karma. Elles et chacune d’elle prise dans la masse destructrice de cette société patriarcale qui les broie comme du grain. Qu’importe les sacrifices, les luttes ou les exploits qu’elles ont fait, elles ne seront jamais considérées. Mais elles ont un cœur qui bat très fort, à nous lecteur, de les entendre, ces battements…Pour Elles…



« Le passé était un luxe que seuls pouvaient s’offrir ceux qui n’avaient pas été obligés de tirer. »



Trois générations de femmes vont se succéder dans ce roman, mais on ne connaîtra ni les noms ni les lieux de cette guerre. La guerre prend tous les possibles, les avenirs et les histoires. La guerre arrache tout sur son passage, mais quand il est temps de reconstruire c’est souvent, en défaveur du peuple qui a combattu ardemment. Les terres sont confisquées, redistribuées, morcelées, brûlées…Même en temps d’après-guerre, la violence sévit encore et la peur reste présente dans tous les esprits. Défriche Coupe Brûle, c’est comme son titre, des actions plus que des histoires romancées. Les noms et les lieux pourraient tout aussi bien être inter-changés que cela n’y changerai pas, c’est l’horreur et la douleur des gens que l’on reçoit à plein feu.



« La femme lui offre son aide sans condition. »



Toutefois, il y a un certain espoir à voir ces femmes se battre, pour leur avenir, leur famille, leurs terres. Et c’est ce qui m’aura touchée dans ce roman. Elles s’adaptent et veulent se créer un espoir, en prenant leurs vies en main, tout en restant unies jusqu’au bout. Elles sont femmes, mères, filles, tantes, sœurs, et ces mots veulent dire quelque chose dans leur cœur, malgré toute la brutalité du monde, elles ont une force en elles qui les maintient, ensemble. C’est un très beau premier roman que je vous recommande!





Ma note Plaisir de Lecture 9/10


Lien : https://fairystelphique.word..
Commenter  J’apprécie          180
Défriche coupe brûle

Une guerre civile sanglante a embrasé le Salvador entre 1979 et 1992, avec ses trop célèbres "escadrons de la mort." Les séquelles sont douloureusement présentes aujourd'hui dans un pays toujours marqué par la violence. Même s'il n'est jamais nommé dans Défriche coupe brûle, le premier roman de Claudia Hernandez, c'est bien du Salvador dont elle parle, même si son propos peut être facilement élargi à de nombreux pays d'Amérique latine. Les personnages du livre, féminins pour la plupart, n'y ont pas de nom : elles sont mère ou fille (les deux à la fois pour certaines) et représentent trois générations. Celle que l'on suit de manière préférentielle a accompagné son père dans les montagnes et a participé activement à la guerre, du côté du peuple rebelle. Elle pourrait être une héroïne de mélodrame, elle dont la première fille a été "vendue" à son corps défendant à une mère adoptive française. Sa quête pour la retrouver, à la fin du conflit, fournit parmi les plus belles pages du roman qui en compte beaucoup. Cette guerrière a eu 4 autres filles, aux aspirations différentes dont le destin nous est révélé également. Les histoires se mêlent et s'il est parfois difficile de savoir qui est qui, vu l'absence de noms et de prénoms, la puissance narrative et l'extrême densité du livre maintiennent sans faute en alerte. Oui, la guerre est finie au Salvador mais les temps restent hostiles pour toutes ces femmes magnifiées par la plume de Claudia Hernandez. A la fois étouffant et lumineux, Défriche coupe brûle révèle un talent brut de conteuse qui s'ajoute aux grands noms de la littérature latino-américaine.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
Commenter  J’apprécie          130
Défriche coupe brûle

Des femmes sans nom mais avec une grande histoire. Tel est le point de départ de ce récit touchant. Après une guerre qui a ravagé le pays, le lecteur aura l’occasion de suivre le quotidien de ces battantes, celles qui ont lutté pour leurs familles, comme celles qui ont lutté pour leur partie. Des femmes en reconstruction et qui ne cesseront jamais de se battre.



C’est un très beau récit que j’ai découvert ici. Il est vrai que le système narratif m’a énormément surprise au départ, puisqu’ici il n’y a aucun prénom pour différencier les personnages féminins, aucun nom de ville mentionné, à part celui de Paris. Je dois dire que ce procédé m’a parfois déroutée mais que j’ai également trouvé que c’était cela qui octroyait la force nécessaire à ce récit.



Ici, c’est une histoire féminine et une véritable ode à la femme que nous propose l’auteure. J’ai été très touchée en suivant l’histoire de chacune d’elles. Si le personnage principal est l’une d’elles, le récit ne se focalisera pas uniquement sur ce personnage, mais également sur sa famille, composée de filles également.



On assiste à la reconstruction du personnage principal qui devra se battre pour ses filles. D’une part, on découvre comment la jeune femme doit survivre en pleine guerre. Ensuite, c’est la manière dont elle devra aller de l’avant une fois la guerre finie qui est abordée. C’est d’une grande intensité émotionnelle.



La plume de l’auteure est particulière. Avec des phrases longues, l’auteure déroule son intrigue. Pourtant, malgré cette longueur, j’ai trouvé que la lecture était vraiment fluide. Il est vrai qu’il faut rester très concentré afin de pas perdre le fil, de par le manque de prénoms. Le style est percutant. Avec des mots simples, l’auteure sait maintenir l’attention du lecteur tout au fil des pages.



Un très belle histoire qui est une véritable ode aux femmes, servi par une narration particulière et originale. C’est une très belle découverte.
Lien : https://mavoixauchapitre.hom..
Commenter  J’apprécie          120
Défriche coupe brûle

Quel livre ! Une vraie découverte culturelle et historique sur le Salvador que je ne connaissais pas du tout. La narration est originale, j'avoue que cela m'a déroutée parfois, car les personnages ne sont jamais nommés mais appelés par leur position dans la famille par rapport à l'héroïne (ex : la mère, la fille, la mère de la mère...). L'histoire est dure et relate la condition des femmes, en temps de combats puis lorsque la paix est décrétée... mais il leur reste tant de combats à mener... l'auteure nous montre un bel exemple de résilience et de détermination, une force de caractère malgré les épreuves... tout en idéalisant pas du tout ses héroïnes mais en les montrant au contraire sans fards.



Un livre intéressant et instructif, même si la traduction parfois alourdit le texte et que la tournure des phrases est curieuse...
Commenter  J’apprécie          80
Défriche coupe brûle

Claudia Hernàndez est une jeune écrivaine salvadorienne qui publie avec "Défriche coupe brûle" ("Roza tumba quema") un premier roman âpre, combatif et exigeant.

Hernàndez s'appuie sur les évènements traversé par son pays, Le Salvador, lors de la guerre civile qui l'a déchiré (1980-1992) et analyse avec acuité les conséquences délétères de ces combats fratricides sur la société salvadorienne, et plus particulièrement sur les femmes. En effet, l'autrice le fait à travers le portrait d'une femme et de sa famille avec un parti pris radical dans la narration : elle occulte tous les noms propres. On ne sait pas le prénom de la mère, on ne sait pas comment s'appellent ses filles, son amie, son père, ses frères. On connaît son passé de combattante dans la guérilla auprès de son père, on sait qu'elle a dû abandonner sa première fille, qui a disparu et qu'elle recherche activement, on sait qu'elle a eu trois autres filles et que les pères sont absents. Mais on ne sait rien du pays, des dates, de la ville où elle vit. Comme si la mémoire des noms avaient été aspirée par le chaos engendrée par le conflit armé. Comme si l'anonymat des combattants de montagne avaient contaminés toute la population de ce pays. La mère se débat pourtant pour ancrer ses filles, dans la réalité. Elle veut leur transmettre les valeurs, le courage, le sens du sacrifice qui l'ont toujours animée. Mais elles sont des femmes, et elles doivent lutter deux fois plus fort, pour avoir le droit d'espérer une vie meilleure malgré la fin de la guerre et le rôle majeur qu'elles y ont joué. La lutte n'est pas derrière elles, elles doivent se défendre continuellement, contre les préjugés, le patriarcat, la corruption, le manque de ressources pour se construire un futur digne.

Un récit édifiant et original qui m'a interpellé. Cependant, cette narration sans noms propres m'a aussi souvent perdue, dans le labyrinthe des époques et des noms qu'on ne peut pas dire.

#netgalleyfrance #defrichecoupebrule #claudiahernandez
Commenter  J’apprécie          50
Défriche coupe brûle

C’est peut-être bien le premier roman salvadorien que je lis. Petit pays d’Amérique centrale surtout connu pour la guerre civile qui l’a déchiré dans les années 80. Et c’est de cela dont il est question, ou plutôt, des années qui suivent cette guerre.

Il me faut commencer avec le parti-pris littéraire de l’autrice qui, dans ce livre, ne donne pas de nom à ses personnages, c’est toujours la femme, la première fille qui vit avec elle, la mère, la voisine, rien de plus précis. Aucun pour les lieux non plus, puisque c’est la capitale, le village qui a un nom de cheval, de fleur ou d’insecte. Cette façon de désincarner les personnages, de les anonymiser est assez déstabilisante pour le lecteur, elle le met à distance, rend l’expérience des personnages difficile à approcher. C’est peut-être ce que l’autrice cherche, montrer à quel point l’expérience de la guérilla (mot qui n’est jamais prononcé d’ailleurs, on ne parle que des combattants) met à part, coupe du reste de la société, et que toute réinsertion n’est finalement qu’illusoire, jamais complète, jamais achevée. Cela donne un livre aride, dur mais c’est un parti-pris qui sert le propos même si dans le dernier tiers du livre, avec l’augmentation du nombre de personnages et de générations, j’ai un peu fini par m’y perdre et par me lasser.



Mais cela ne m’a pas empêché d’apprécier cette lecture. Une lecture dure, une lecture qui nous fait sentir à quel point l’empathie a ses limites. Comment croire que l’on peut comprendre ou partager ce que ressent une personne qui a fait la guerre, qui a tué et a vu tuer, depuis le confort de notre fauteuil de lecture au coin du feu ou, pire peut-être, du fond de notre lit où nous nous pelotonnons pour notre lecture du soir avant de nous endormir tranquillement sur nos deux oreilles ?

C’est un livre qui a ses faiblesses peut-être, mais un livre qui m’a fait réfléchir, qui m’a bousculée dans mes certitudes, certitudes d’être humain qui pense partager une sorte de destin commun avec les autres êtres humains qui peuplent cette terre, certitudes de lectrice aussi, de cette lectrice qui se gorge de littérature mondiale en se disant qu’elle comprendra un peu mieux les choses. N’est-ce pas un peu futile et condescendant ?

Cette femme sans nom qui se bat pour assurer son existence journalière et celle de ses filles, cette femme qui a ses démons et ses peines mais qui pourtant toujours reste droite, continue à me hanter plusieurs jours après que j’ai refermé ce livre. Ce n’est pas ce que l’on appelle habituellement de la grande littérature, mais Claudia Hernández fait un sacrément bon boulot pour décrire cette vie (et notamment, je n’en ai pas assez parlé, pour faire sentir ce que c’est que cette pauvreté toujours sur le fil du rasoir, où l’expression « chaque sou est un sou » est une maxime du quotidien, je n’ai jamais, je crois, vu la pauvreté ainsi décrite, et, couplée à la mise à distance du lecteur, cette description fut une sorte de petit choc intérieur pour moi), et donne un livre qui ébranle, qui fait vaciller, qui, et c’est surprenant, nous tend un miroir pour nous demander qui nous sommes face à ces femmes.

Je remercie mille fois les éditions Métailié pour m’avoir permis de lire ce livre via netgalley. Je n’ai pas trouvé dans ce livre ce que la quatrième de couverture me faisait espérer, mais j’y ai trouvé une lecture qui m’a emportée sur des chemins que je n’avais pas vus tracés sur une carte.
Commenter  J’apprécie          50
Défriche coupe brûle

(...)

Après six recueils de nouvelles, l’autrice salvadorienne Claudia Hernández (1975) signe avec Défriche coupe brûle (2021) un premier roman fort et éminemment féminin autour du difficile retour à la vie civile d’une ancienne combattante.



Dans un style brut et sans identification claire des différents personnages et des lieux, Claudia Hernández revient, à travers le quotidien très précaire d’une mère de cinq filles dont l’aînée lui a été arrachée à la naissance, sur de nombreuses problématiques liées -on le devine- à la longue guerre civile qui a déchiré le Salvador entre 1979 et 1992.



Dans un va-et-vient non linéaire entre passé et présent, elle évoque d’une part le rôle central joué par la mère de famille au sein des divers groupes de guérilleros retranchés dans les montagnes pendant la guerre et d’autre part les nombreuses difficultés économiques et sociales auxquelles elle reste confrontée des années après la fin du conflit. Stigmatisée et reléguée au rang d’être inférieur dans une société conservatrice encore fortement dominée par le patriarcat, elle se démène au quotidien pour survivre et tenter d’offrir une vie meilleure à ses filles. Si le conflit armé est officiellement terminé, la violence reste omniprésente, particulièrement envers les femmes.



En optant pour l’anonymat des lieux et des personnages, Claudia Hernández souligne l’universalité des destins féminins. Elle aborde les difficiles questions de la démobilisation et du retour à la vie civile des ex-combattantes malgré les programmes de réinsertion, les processus de pacification et de reconstruction nationale. En parallèle, elle se penche sur les thématiques de la maternité et de la filiation.



Si l’absence d’identification claire des personnages et la narration déstructurée alternant discours indirect libre et monologues intérieurs m’ont parfois déroutée, Défriche coupe brûle reste un roman très intéressant et, malgré l’écriture factuelle, distante et relativement froide, profondément humain.




Lien : https://livrescapades.com/20..
Commenter  J’apprécie          20
Défriche coupe brûle

Quand la fiction décrit si bien la réalité.... Les éditions Métailié nous offre ce roman du Salvador qui se déroule dans la période après le conflit du pays, ou d'un autre dans la région, dont on ne parle plus, alors que les conséquences sont encore présentes. L'auteure met en scène des femmes principalement, qui essaient de se reconstruire, après avoir subi tant d'exactions qu'il nous est impossible d'imaginer qu'elles puissent reprendre le fil d'une vie quotidienne. L'auteure, qui a interrogé plusieurs femmes pour écrire ce texte, ne nomme pas ses héroïnes. Son écriture particulière permet également une distanciation nécessaire pour réaliser que l'oppression des femmes là-bas est aussi un combat universel. Le contexte géopolitique met en relief une littérature que l'on a trop peu l'occasion de lire.

Merci à NetGalley et aux éditions Métailié.
Commenter  J’apprécie          10
Défriche coupe brûle

Un roman atypique, notamment par sa forme avec l’absence quasi totale de nom propre (le seul mentionné étant Paris), que ce soit pour les personnages ou les lieux. Je craignais que cela n’entrave ma lecture, mais finalement cela amène une sorte de poésie au roman, même si je me suis un peu perdue entre les personnages à 2-3 reprises.

C’est une lecture exigeante mais qui en vaut la peine, dépeignant une femme forte qui se bat pour sa famille. Un livre qui mérite d’être découvert!
Commenter  J’apprécie          00
Défriche coupe brûle

Autour du retour à la vie civile d’une ex- guérillera, le premier roman réussi et poignant d’une écrivaine salvadorienne.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
Commenter  J’apprécie          00


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Claudia Hernandez (19)Voir plus

Quiz Voir plus

Quand les enquêteurs parlent...

— Il s’en est fallu d’un cheveu ! Sans son regard rapide, sans ses yeux de lynx, XXX XXXX, en ce moment, ne serait peut-être plus de ce monde ! Quel désastre pour l’humanité ! Sans parler de vous, Hastings ! Qu’auriez-vous fait sans moi dans la vie, mon pauvre ami ? Je vous félicite de m’avoir encore à vos côtés ! Vous-même d’ailleurs, auriez pu être tué. Mais cela, au moins, ce ne serait pas un deuil national ! Héros de Agatha Christie

Arsène Lupin
Hercule Poirot
Rouletabille
Sherlock Holmes

13 questions
184 lecteurs ont répondu
Thèmes : romans policiers et polars , humour , enquêteursCréer un quiz sur cet auteur

{* *}