Citations de Claudia Hernandez (17)
Le passé était un luxe que seuls pouvaient s’offrir ceux qui n’avaient pas été obligés de tirer.
Quand elles ressortirent, son cœur battait très fort.
Avec le temps, son cœur s’adoucira.
Elle le lui avait demandé d'abord parce que toutes les mères demandent la même chose pour leurs enfants, mais, surtout, parce que c'était ce que demandait l'organisme qui leur versait une bourse tous les mois. Ils exigeaient la preuve que ses quatre filles poursuivaient leurs études, mais aussi qu'elles assistaient aux services religieux que l'église dont dépendait cette institution organisait toutes les semaines dans la communauté.
Elle avait acheté la fillette parce qu'elle avait toujours voulu avoir une fille. Les bonnes sœurs qui la lui avaient vendue et l'avaient amenée jusque dans sa ville le savaient. Ça, et que la femme payait bien : elle avait déjà acheté, en payant cash également, deux autres enfants - de trois à sept ans - pour former la famille qu'elle ne pouvait pas avoir.
La seule chose qui comptait était de ne pas redoubler, pour que les chiffres permettent au pays d'être éligible à l'obtention de nouveaux prêts et de nouvelles aides des agence de coopération.
Les filles cuiraient le pain, feraient le mélange quotidien et prépareraient des mélanges pour les grandes occasions. Elles auraient des enfants et passeraient leur vie entière au village à s'occuper d'eux, à moins qu'elles se marient ou se mettent en ménage avec un des soldats de la caserne ou avec un policier. Il leur faudrait alors déménager s'ils étaient mutés et s'occuper des enfants dans les différents lieux de garnison, avant de retourner au village, si c'était possible.
S'ils restaient, ils devaient comprendre que les enfants du coin devaient être dérangés le moins possible parce que, indépendamment de ce qu'ils désiraient ou ce dont ils étaient capables, ils finiraient toujours par semer les champs cultivés par leurs parents et par surveiller le bétail à venir, si tant est qu'ils n'émigraient pas pour se retrouver à faire la cuisine, à peindre des bâtiments ou à s'occuper du jardin de gens qui ne leur poseraient jamais de questions sur les sciences sociales ou les groupes sanguins, si bien qu'il valait mieux ne pas non plus les embêter avec ça, ni les pousser à améliorer leur calligraphie.
Elle et toutes celles qui avaient combattu auraient préféré que leurs filles n’aient à se battre pour rien, que leur combat ait suffi à changer le monde et à les libérer de cette nécessité, mais ce n’était pas quelques chose qu’on pouvait contrôler. Cela n’avait sans doute jamais été le cas.
(p. 163-164, Chapitre 25).
Il n’y avait pas moyen de lui faire entendre que ce que sa sœur avait, elle l’avait obtenu avec ses propres ressources. Elle avait trouvé les jours, les gens, la manière. Et inventé un moyen d’obtenir les choses sans mendier – le cauchemar de sa mère – et sans rien faire d’indigne non plus – ce qui aurait été le cauchemar du grand-père.
(p. 107, Chapitre 16).
Ni la mère ni la fille ne savaient que cette initiative avait joué en sa faveur : il y avait à l'université centrale un quota réservé aux étudiants des régions les moins favorisées. Si elle s'était présentée à l'antenne régionale, ses notes auraient été insuffisantes. Elle n'aurait même pas obtenu son deuxième choix. Ses autres camarades de lycée qui s'étaient présentés n'avaient pas été pris, et on les avait invités à se présenter l'année suivante, alors que la concurrence serait plus forte et les possibilités moindres.
Ils avaient dit à sa mère qu'il fallait faire quelque chose pour cette gamine : elle croyait qu'elle pouvait manquer de respect aux hommes et répondre aux autres ce qu'elle voulait. Elle n'irait pas loin avec un comportement pareil. Et ce serait très difficile de la marier. Pourquoi est-ce qu'elle ne ressemblait pas plus à sa sœur ? Pourquoi est-ce qu'elle ne quittait pas l'université pour fonder un foyer ? Il y avait des hommes très bien dans les environs, des enfants de camarades de combat avec qui elle pourrait se faire une bonne petite vie ou même d'ex-combattants veufs avec qui fonder un foyer. Ce ne serait pas la richesse, mais elle serait une femme épanouie.
Il lui avait dit de laisser tomber, de ne pas insister et de ne pas embêter la gamine. Où qu'elle se trouve, elle avait refait sa vie. C'était idiot de la lui gâcher avec des histoires à propos d'une guerre qu'elle ne pouvait ni imaginer ni comprendre et qu'eux-mêmes devaient oublier. Tout ça, c'était du passé. Il valait mieux ne pas revenir en arrière.
Sa femme se demande si le cœur de la gamine qu'elle a élevée penchera du côté de son autre mère quand elle sera en face d'elle, et s'il existe vraiment une chose comme les liens du sang, ainsi que la mère biologique veut le croire, c'est même son seul espoir alors qu'elle survole l'Atlantique, incapable de dormir ou de manger, et sans cesser de penser que la dépression devait être une maladie des grandes villes froides et qu'elle en guérira si elle repartait au soleil, c'était sûrement son corps qui lui rappelait que cet endroit n'était pas le sien, et qu'il fallait qu'elle rentre avec elle.
Le travail de tous les hommes, les heures passées par toutes les femmes, les cahiers d'école de tous les enfants, les portes neuves, les murs dont elles avaient hérité, tout ce qui avait été semé et tout ce qui n'avait pas été récolté après l'arrivée des soldats avait été transformé en cendres, ces mêmes cendres qu'elle trouva lorsqu'elle revint les chercher.
Si [les prfos] restaient [en poste], ils devaient comprendre que les enfants du coin devaient être dérangés le moins possible parce que, indépendamment de ce qu’ils désiraient ou de ce dont ils étaient capables, ils finiraient toujours par semer les champs cultivés par leurs parents et par surveiller le bétail à venir, si tant est qu’ils n’émigraient pas pour se retrouver à faire la cuisine, à peindre des bâtiments ou à s’occuper du jardin de gens qui ne leur poseraient jamais de questions sur les sciences sociales ou les groupes sanguins, si bien qu’il valait mieux ne pas non plus les embêter avec ça, ni les pousser à améliorer leur calligraphie.
(p. 8, Chapitre 1).
La femme lui offre son aide sans condition.