Citations de Colette Poggi (31)
Les termes Dieu, divin, diurne, dies en latin dérivent de la racine sanskrite DIV qui signifie resplendir, rayonner.
Ainsi, nommer Dieu, le divin (deva en sanskrit) équivaut à évoquer la luminosité de l’Energie divine, un point source inconnaissable (Brahman), tel le soleil d’où émane une infinité de manifestations divines, les rayons solaires.
Chanter un chant nouveau
Danser le pinceau à la main
Semer des graines de lumière
Pour la paix du monde.
La connaissance est vivifiée par l’énergie de la conscience (vimarśa) et celle-ci n’est autre que l’énergie d’action.
Par le pratique du souffle, on brasse cette mer intérieure, on la rend plus homogène, plus harmonieuse.
Par le hatha-yoga, tout homme peut modifier la couleur de sa mer intérieure,...
En écho, la philosophie de la grammaire nous permet de percevoir, au travers des phrases ou versets, plusieurs niveaux de parole paśyantī-madhyamā-vaikharī, correspondant à la triade citée ci-dessus, intégrant les degrés intérieur, médian et extérieur. Selon le shivaïsme du Cachemire non dualiste, tous trois sont sous-tendus par un niveau plus subtil encore appelé Parole suprême, de l’ordre de l’ineffable. De plus, la théorie indienne du sens suggéré (vyañjana) vient ici nous rappeler que le sens déborde toujours le cadre verbal qui le véhicule, de là découlent l’infinie potentialité d’interprétations, la capacité de renouveler la compréhension d’une proposition qui semblait définitive. La route est libre pour celui qui aspire à la découverte.
Ayant pour essence l’Énergie, Śakti,
qui se diffuse avec intensité et douceur
depuis le triangle de son propre Cœur,
Śiva s’oriente vers l’élan du désir,
la connaissance et la création universelle.
Considéré du point de vue de l’auditeur ou du lecteur, le texte-trame est perçu par les sens indriya, analysé rationnellement par l’organe mental manas, inspiré par l’intellect intuitif buddhi, et articulé dans une forme verbale. Du point de vue de l’auteur, le processus de composition procède de la structure inverse buddhi-manas-indriya.
Il s'agit de quitter la surface des perceptions, la circonférence du monde, pour réintégrer le point focal, « inconnaissable », de la Conscience suprême. Telle est donc la réelle visée de notre texte: dissiper la nescience suscitée par l'oubli de sa réalité originelle en prenant définitivement conscience de son identité à Siva.
Immanente et transcendante à la fois, cette résonance infiniment subtile du OM n'est autre que la vibration du Soi ou du Brahman, l'Absolu, ce réservoir d'énergie inépuisable.
Colette Poggi :
« Ce livre se compose se trois parties où sont recueillis les propos d’Eva Ruchpaul, que j’ai regroupés en trois rubriques : le corps, le souffle, la conscience. De cette conversation au long cours qui s’est déroulée sur deux années, j’ai gardé les passages les plus significatifs au regard de sa conception du yoga et de sa transmission. Toujours improvisés, nos échanges sur les approches indiennes du yoga ou sur sa vie, ont su garder au fil des mois une saveur buissonnière. En terme musical, (son domaine de prédilection), c’est l’impromptu qui suggérerait au mieux le ton de cette conversation libre
- sattā
Sattā, la réalité n’est ni tangible, ni objet de pensée, cependant sans elle rien ne serait.
De même que les reflets cachent la paroi du miroir, les phénomènes du monde se mouvant sans cesse, comme des ombres sur un mur, occultent le fond qui permet leur apparition. Sat est le participe présent du verbe être en sanskrit, AS : « étant », de là : présent, réel, vrai, vertueux. Sat-tā exprime le fait d’être, au présent. On ne peut que s’y accorder, non pas la saisir, car elle ne peut être « objet ». C’est à partir de la conscience du Soi, ou de Soi, que se réalise cette expérience: « Tant que l’on n’a pas une parfaite conscience de Soi, le Soi non reconnu n’a pas une connaissance irrécusable des choses » rappelle Abhinavagupta dans le Kramastotra.
Se mettre en marche signifie abandonner, faire confiance, quitter à chaque pas un équilibre éphémère. Entrer dans une incessante métamorphose du regard. Nous sommes des funambules dansant sur le fil du hasard, sans aucune certitude ni contrôle sur le monde, il ne nous reste guère qu’à nous confier à l’intelligence de la Vie. Partir à la découverte, avec pour seule provision l’énergie de l’attention et une confiance dans le sens du chemin.
Le yoga peut ainsi être considéré comme une manière de se réunifier, de reconquérir son unité, d’« isoler » au sens chimique – et non pas de s’isoler –, de distinguer un élément parmi de multiples autres au sein d’un composé.
Eva : Pour les yogin, même si cela ne se passe pas au même niveau, la simple action de déposer ce poids, déclenche , chez le "porteur de fardeau", une euphorie insoupçonnée, l'accès à un moment d'éternité. Elle nous permet, enfin, de contempler la vie, comme un jardinier entend la végétale croissance, l'eau pénétrant le sillon et s'infusant dans les racines. C'est exactement le même processus qui se déroule dans le yoga : nous sommes à la fois le jardin, l'eau et le jardinier ! Le jardin de notre corps se désaltère de la fluidité du souffle, et tout cela se passe grâce au jardinier-conscience.
Ici nul besoin de progrès spirituel, ni de contemplation,
Ni d’habilité de discours, ni d’enquêtes.
Nul besoin de méditer, ni de se concentrer,
Ni de s’exercer aux prières marmonnées.
Quel est, dis-moi, la Réalité absolument certaine ?
Écoute ceci : ne prends, ni ne laisse,
Tel que tu es, jouis heureusement de tout
Mais, avant tout, pour aspirer à cette transformation, n’y a-t-il pas à laisser affleurer, passant outre frontière et résistances mentales, une prise de conscience telle que le disciple aspire plus que tout à se transformer, à se muer en héros (vīra) aventurier de l’âme ?
L’aspect vimarśa correspond à l’énergie de la prise de conscience, soit l’aspect dynamique et créatif de l’acte cognitif.
Pour Vasugupta et tous les shivaïtes de sa lignée qui lui succèderont, la vibration spanda constitue la nature véritable de la lumière-énergie consciente. Imperceptible, cette pulsation sans origine tisse et sous-tend inlassablement la trame cosmique. En sa plus haute fréquence, elle est conscience pure, plus relâchée elle devient pensée puis matière mais jamais ne déserte aucun aspect de la manifestation, même s’il semble inerte. La vibration universelle suscite l’univers entier en elle-même, à la manière d’un puissant magicien qui serait à la fois compositeur, musicien, instrument et auditeur, mais aussi silence et son, timbre, rythme, harmonie ou dysharmonie et enfin espace en lequel la musique émerge et se dissout.
Avec prakāśa sont évoqués à la fois l’espace ākāśa lumineux (du fait de la racine KĀŚ briller resplendir ā- en tous sens), inaltérable, naturel, et la lumière, originelle, irradiante (pra- vers). L’espace se dévoile sitôt la lumière apparue, de même le monde nous apparaît sitôt que brille la conscience. Dans cet imaginaire, la lumière ne fait qu’un l’espace infini, irradiant, en lequel tout phénomène est accueilli.
La conscience présente deux aspects indissociables : lumière et énergie prakāśa-vimarśa.