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Critiques de Comte de Lautréamont (77)
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Les Chants de Maldoror

"...quelques uns seuls savoureront ce fruit amer..." Nous voilà prévenus dès le début du livre. J'ajouterais "et ceux qui le savoureront devraient consulter". Je vais m'attirer beaucoup d'ennemis mais j'affirme qu'aimer une écriture aussi malsaine ne peut être que suspect. La fascination voire l'admiration de certains pour le mal est pour moi une chose incompréhensible et surtout inquiétante. J'étais au Bataclan juste 8 jours avant les attentats de novembre 2015, ceci explique sans doute cela.
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Les Chants de Maldoror

« Je me propose, sans être ému, de déclamer à grande voix la strophe sérieuse et froide que vous allez entendre. Vous, faites attention à ce qu'elle contient, et gardez-vous de l'impression pénible qu'elle ne manquera pas de laisser, comme une flétrissure dans vos imaginations troublées. »

Étonnement ou choc, tels sont les mots qui viennent à l'esprit à la lecture des chants de Maldoror.

L'étonnement d'abord qu'un si jeune homme dont on ne sait presque rien sinon qu'il est mort à 24 ans, puisse avoir un tel souffle épique, souffle qu'il met au service de sa révolte par le biais de son héros, Maldoror –Nom paraît-il composé par le « mal » et « horreur » - contre ce qu'il appelle le Créateur et ses créatures.

« Ma poésie ne consistera qu'à attaquer, par tous les moyens, l'homme, cette bête fauve, et le Créateur, qui n'aurait pas dû engendrer une pareille vermine. »



Choc d'une poésie en prose et en plusieurs chants, c'est-à-dire que c'est sous une forme antique que Maldoror s'attaque au Créateur et à ses créatures passant par des mots où l'esthétisme se dispute à l'horreur : les meurtres sont nombreux et rappellent les détails sanglants de la guerre de Troie dans « l'Iliade», où l'horreur même devient esthétique, la morale n'a pas cours et la seule morale qui prime est celle qu'impose Maldoror, excroissance maladive et imaginative de son auteur –créateur en second- dans ses choix de tuer, d'admirer, de dénoncer,. Comme Chateaubriand, on sent partout qu'on «lui a infligé la vie» et qu'il va le faire payer à Celui par qui tout est arrivé. Il apparaît d'ailleurs à un moment puisque Maldoror le provoque quasiment en combat singulier :

« Mais je ne me plaindrai pas. J'ai reçu la vie comme une blessure et j'ai défendu au suicide de guérir la cicatrice. Je veux que le Créateur en contemple, à chaque heure de son éternité, la crevasse béante. C'est le châtiment que je lui inflige. »

Maldoror participe du surhomme nietzschéen, le lion de Zarathoustra, celui qui s'impose, se révolte, et c'est par un cri en six chants qu'il le fait. La poésie en est extrêmement fouillée, imaginative, Lautréamont a absorbé les leçons de Baudelaire et du Rimbaud d'une Saison en Enfer et l'adapte en poésie lyrique, un peu hugolienne, où l'on sent que le souffle est infini tant la phrase est longue, il crée un monde nouveau à mi-chemin entre enfer et Eden fait de créatures qui ont une psychologie toute instinctive et poétique et constamment, il s'adresse au lecteur de 1874 (date de parution de l'ouvrage) soit pour s'excuser de son style parfois, soit pour le prévenir de ce qui va se passer. En ce sens, le début des Chants, renvoie un peu au début de la Divine Comédie où l'on dit en gros : « attention où vous mettez les pieds ! » car un guide va vous mener vers un gouffre, des régions encore inexplorées, dans un monde à part, un monde enfin à l'image de l'homme car la première création fut vraisemblablement une erreur.

Ne cherchons pas, dans les chants de Maldoror, une ligne narratrice ou même continue, chaque chant suffit sa peine et son lot de visions et de vitupérations, lisons le pour la beauté des mots choisis, le souffle absolu qui le parcourt pour nourrir notre propre révolte de notre condamnation à vivre.

«On ne me verra pas, à mon heure dernière (j'écris ceci sur mon lit de mort), entouré de prêtres. Je veux mourir, bercé par la vague de la mer tempétueuse ou debout sur la montagne… »



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Les Chants de Maldoror

A l'automne 1958 (j'avais 15 ans et demi), je devins interne dans une petite ville perdue en pleine province (les "territoires" ça n'existait pas). A l'époque, la pudibonderie était telle que la municipalité avait interdit la projection du film "Le blé en herbe" (d'après Colette) pour immoralité.

On me confia la bibliothèque du bahut. A ma disposition, un grand nombre de "Poètes d'aujourd'hui, " chez Séghers.

Lautréamont fut un des premiers que je parcourus.

Quand j'arrivais au passage où le chien de Maldoror viole la petite fille, il me sembla que la pièce dans laquelle j'étais se mettait à tourner-et pourtant je n'avais fumé aucun joint (je ne l'ai jamais fait -sans mérite particulier- :la pratique intensive du sport m'a toujours éloigné de ces Paradis pleins d'artifices..) Je posais le livre...

J'eus en ma possession l'édition de J.J. Pauvert, celle du livre de poche. Aujourd'hui je dispose du" Bouquins ", qui réunit Rimbaud, Cros, Corbière, Lautréamont. Je suis toujours surpris quand je compare préfaces et présentations, tant les angles d'attaques sont divers, voire opposés. Peut-être est-ce là ce qui fait la richesse de ces chants.

J'ai découvert, hier, un texte de René Crevel paru dans "Le disque vert" de 1925. C'est, pour moi, le plus bel hommage à ce jour, un véritable poème en prose offert au poète:



Lautréamont, ta bague d'aurore nous protège



"Je voudrais pouvoir adresser à Lautréamont un hymne de reconnaissance digne de lui. Au contraire, il me serait odieux, il me paraîtrait sacrilège d'essayer une mosaïque de cailloux critiques autour de Maldoror.

Le rythme qui me saoula, m'a-t-il mené jusqu'à la crête des vagues? Règne des tempêtes, l'écume s'achevait par les bouquets des plus beaux visages qui naissaient, s'épanouissaient et jusqu'au ciel se prolongeaient par la forêt de leurs désespoirs.

Une porte s'ouvrait sur la mer. Maldoror. Aurore du mal. Vésuve du matin, et cette fraîcheur criminelle des algues dans la chaleur même du volcan. Alors, nous avons connu le règne des choses disproportionnées. Une porte spontanément s'ouvrait sur la mer.

Lautréamont fut au seuil de la bouleversante amitié que je n'ai pu m'empêcher de vouer à des hommes, des esprits tels que Breton, Aragon, Eluard. De ce mystère je ne saurais rendre compte, ni, surtout, ne le veut. Mais comment oublier ce trouble et mes yeux qui pleuraient?

Beaux couteaux, les phrases glissaient entre les os de mon crâne. De mes tempes le sang coulait dans un flot de cloche.

Puisque je suis lâche à faire encore du bonheur un critérium, j'avouerai donc,

Lautréamont, de toi j'ai été heureux.

Lautréamont, ta bague d'aurore nous protège."



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Les Chants de Maldoror

Si ce livre a longtemps sombré dans l'oubli, il est aujourd'hui considéré comme un essai de psychologie avant l'heure et par d'autres comme l'idole des surréalistes.



Le livre peut sembler de prime abord quelque peu psychédélique, décousu. Néanmoins, après une étude plus approfondie du texte, une sorte de logique peut être trouvée. Cette logique peut être tordue par moments (par exemple les extraits sur les oiseaux reprennent presque au mot près des éléments de livres d'ornithologie car Lautréamont voulait faire un jeu de mots avec le double-sens de "vol"). Ce livre est finalement trop complexe pour être vraiment décrit en quelques mots, à moins de faire une dissertation. Je peux juste dire que les amateurs de psychologie ou les lecteurs d'ouvrages surréalistes devraient adorer cette lecture.
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Les Chants de Maldoror

« C'est le meilleur professeur d'hypnotisme que je connaisse ». Cette phrase, le lecteur doit la prononcer de lui-même à la lecture du texte qu'il a entre les mains, du moins selon le souhait du Narrateur.

Et je dois avouer que j'ai été hypnotisée par ce texte, mal-à-l'aise souvent, à tel point qu'il m'est difficile d'exprimer mon ressenti, puisque j'ai été à la fois choquée ou écoeurée parfois, saisie en tout cas par cette oeuvre qui ne peut laisser indifférent.

Maldoror, qui parfois est le Narrateur, parfois le personnage – et qui parle parfois de lui à la troisième personne, explique le but de l'ouvrage : « attaquer l'homme et Celui qui le créa », en montrant toutes les horreurs, toutes les perversions, et tous les crimes dont sont capables l'homme et son créateur, Dieu lui-même : mutilations d'enfants, pédérastrie, « le Créateur » allant lui-même au bordel violer et torturer un adolescent, ou, devenu ivre, dévorant ses propres créatures plongées dans des excréments, une fillette violée au couteau et par un chien, des poules déchiquetant les traces de sperme sur les cuisses de prostituées... Oui, c'est parfois insoutenable.

J'ai eu l'impression que l'auteur voulait choquer délibérément la société bourgeoise conformiste, mêlant blasphème, violence insoutenable des actes présentés, crudité de certaines expressions – je me demande si ce n'est pas la première fois que les mots « vagin » et « clitoris » sont employés en poésie ; je ne dis pas qu'ils sont vulgaires, mais qu'ils sont considérés ainsi dans la société de la fin pudibonde de la fin du XIX ème siècle. Il y a une insistance sur la sexualité, mais une sexualité sadique, sans amour ni même désir. Et une insistance sur la violence, avec l'image qui revient plusieurs fois d'enfants fracassés – littéralement - sur un mur.

D'autres images qui peuvent choquer, ce sont celles liées à la nature. le texte est peuplé d'animaux sauvages, mais les animaux méprisés, ceux qui sont jugés effrayants : crapauds, tarentule, crabe, poux – l'image des montagnes de poux lâchées dans les villes est répugnante. J'ai trouvé une image plus apaisante, plus poétique pourrais-je dire, celle de la mer, de l'océan. La mer revient plusieurs fois, comme une forme d'apaisement. Je retiens aussi l'image de l'accouplement avec une femelle requin, les deux créatures violentes, cruelles et perverses, se reconnaissent.

Une lecture éprouvante comme rarement pour moi, surtout en lisant de la poésie. Je n'ai peut-être pas toutes les clefs d'interprétation, j'ai lu que Lautréamont avait été redécouvert par les sur-réalistes qui avaient été fascinés par son oeuvre. Je ne suis pas prête à me plonger dans un un bain où aura été dissous un kyste pileux de l'ovaire, trois limaces rouges et un prépuce enflammé », condition posée par le Narrateur pour recevoir sa poésie. Peut-être, pour le dire autrement, y-a-t-il « entre les deux termes extrêmes de [ma] littérature, telle que [je] l'entends », moi lectrice, et « la sienne », à Lautréamont « une infinité d'intermédiaire », et nous n'avons pas la même conception de la littérature. Comme il me l'a demandé, je « ne me fâche pas contre lui si [sa] prose n'a pas le bonheur de [me] plaire » ; je suis sans doute trop « respectable » pour cela. Enfin, je dois dire que d'un point de vue du style, je n'ai pas été éblouie par l'écriture : oui, il y a une accumulation d'images saisissantes, mais je n'ai pas eu envie de lire à voix haute pour écouter le rythme, les sonorités, ce qui est pourtant le cas lorsque je lis de la poésie en prose.
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Les Chants de Maldoror

Abandonné à 30 %, après avoir résisté longtemps à la tentation, en me disant que ça allait peut-être finir par me parler, mais peine perdue. La lecture ne doit pas être une souffrance.

Il paraît que c'est horrible, malfaisant, malaisant, malsain parfois, je suis peut-être plus résistant que la moyenne, mais je n'ai rien vu de tout ça.

Ce que j'ai vu, c'est surtout du délayage obsessionnel et du verbiage fumeux et stérile.

Alors oui, il y a quelques belles tournures de phrase (c'est de la poésie en prose il paraît, donc c'est bien naturel), mais elles cachent bien souvent un vide sidéral.

Je suis incapable de restituer la moindre idée directrice de l'heure et demie que j'ai dû approximativement passer dessus.

Parfois, les raisons pour lesquelles une œuvre passe à la postérité me dépassent totalement.

Ce fut le cas avec ces Chants de Maldoror.
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Les Chants de Maldoror

Si la lecture de ces contes s'avère parfois laborieuse, c'est qu'il ne faut pas, comme l'auteur l'indique, découvrir ces « pages sombres » sans maintenir une diligente « tension d'esprit ». Une fois cette consigne suivie, se plonger dans ces interminables phrases, formées de méandres piégeuses et de circonvolutions promptes à égarer, devient un véritable délice. Le style est à l'image du recueil, les phrases à l'image des contes, affranchies des codes, dans la prose comme le contenu.

Le texte est cru et cruel, et certaines âmes trop réceptives pourraient s'imbiber du mal et du mal-être que dégagent ces pages. D'aucuns voient chez Ducasse un défaut de maturité ; mais il semble plutôt qu'il a cessé, lors de la création de ce recueil, de repousser ses pulsions les plus noires, qu'il y a adhéré, et les a magnifiées par une plume faisant violence à la langue française commune.

Accrochez-vous lors de votre lecture, vous serez transporté !
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Les Chants de Maldoror

Lu il y a quelques années, j'en garde un excellent souvenir.
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Les Chants de Maldoror

Certaines nuits, des cauchemars vous réveillent frissonnant, transpirant, haletant. L'effroi irradie dans vos méninges et l'écho de l'horreur ne se dissipe que lentement.



Qu'est-ce qui est imaginaire? Où est le réel?



Je n'ai jamais eu de rêves aussi sombres que les chants de Maldoror, que les divinités, si elles existent, m'en préservent. L'âme de Maldoror se déverse dans un égout, réceptacle des actes les plus sombres, des pensées les plus sales, des comportements les plus vils.

Ô Maldoror, que ces chants sont horribles et majestueux, répulsifs et ténébreux. du caniveau des salissures humaines, germine une poésie surréaliste malaisante, la plante couverte d'épines à la fleur aux flagrances nauséabondes.



De la plume sort une pisse chaude et visqueuse faisant suinter une littérature magnifique. A la lecture, on chavire au bord des falaises si nombreuses, on compagnonne avec de multiples êtres marins dont les pinces acérées viennent parfois nous chatouiller, souvent nous pincer et fréquemment nous grapiller des états de l'âme.



Maldoror est-il la part odieuse de l'être humain ou la face cachée de nos divinités. le Ying et le Yang, le généreux et le cupide, l'ange et le démon sont-ils si dissemblables ou ne forment-ils pas les deux faces d'une même pièce? Rien de nouveau ici. Cependant les chants de Maldoror parviennent à agréer les abysses de l'horreur et le ravissement d'une écriture céleste.





J'ai aimé détester lire Maldoror tout autant que j'ai détesté aimer lire Maldoror.



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Les Chants de Maldoror

Plût au ciel que le lecteur, enhardi et devenu

momentanément féroce comme ce qu'il lit, trouve, sans se

désorienter, son chemin abrupt et sauvage, à travers les

marécages désolés de ces pages sombres et pleines de poison;

car, à moins qu'il n'apporte dans sa lecture une logique

rigoureuse et une tension d'esprit égale au moins à sa

défiance, les émanations mortelles de ce livre imbiberont

son âme comme l'eau le sucre. Il n'est pas bon que tout le

monde lise les pages qui vont suivre ; quelques-uns seuls

savoureront ce fruit amer sans danger. (Livre I, Les Chants de Maldoror)



Voici le liminaire de l'œuvre et, à dix-sept ans, j'ai pris acte de l'avertissement, dès la première scène de carnage qui y a eu lieu. En effet, j'étais "une âme" bien trop "timide", pour ce genre de lectures, et ce, malgré l'admiration de mon professeur de Première pour l'œuvre.

Bien des années plus tard, je m'y relance et je suis en effet admirative, moi aussi. Et pourtant, je ne suis pas sûre d'y avoir compris grand'chose.

Maldoror est un être démoniaque anarchiste ; je veux dire, par cette bizarre expression, qu'il trahit, massacre, viole, désole, en free lance, et qu'il n'obéit à aucune hiérarchie diabolique. Peut-être est-il le diable lui-même ? Une chose est certaine, il raille Dieu, il l'insulte, le défie, et ce dernier ne sait pas agir autrement envers lui qu'en l'avertissant et en lui envoyant des émissaires ridicules que Maldoror massacre.

Les victimes préférées de Maldoror : les êtres jeunes, naïfs, confiants, aimant, et faits pour le bonheur. Leur châtiment tient de la torture, et je ne saurais que trop déconseiller ces magnifiques pages (car c'est du beau style, original et complexe) aux personnes sensibles.

lautreamontLe style est déconcertant, extrêmement nouveau, pour ne pas dire génial et, si je ne m'abuse, il me semble avoir lu (à 18 ans, c'était il y a longtemps, désolée) dans le Manifeste du Surréalisme, que cette œuvre était un modèle. Je comprends tout à fait la parenté revendiquée, bien après coup !

Par ailleurs, cela a beau être du poème en prose, il y a une complexité narrative incroyable, impressionnante de maturité chez un auteur mort à 24 ans ! La question qui revient sans cesse est "qui parle ? ". Comme dans une poupée-gigogne qui s'ouvrirait parfois latéralement sur une dimension inconnue, Lautréamont joue avec son lecteur. Mais pas en jouant l'hermétisme ou l'absurdité, pas de ces facilités-là ! il fait des analepses ou prolepses plus ou moins proches. Par exemple, dans le chant VI, après une tentative d'enlèvement d'adolescent anglais manquée, on a la vision surréaliste d'un cygne noir passant sur un lac et portant sur son dos le cadavre d'un tourteau en décomposition et une enclume... On suppose qu'il s'agit encore d'un avatar de Maldoror, mais sans comprendre. La clé vient quelques pages après.

Mon passage préféré est dans un des premiers chants, dans les strophes en pantoum "Je te salue, ... !" (Vieil Océan, poulpe, mathématiques !...)

Un des passages les plus irritants, mais les plus virtuoses, est dans le chant III (ou IV), je crois, quand Lautréamont ne cesse de parler par appositions, subordonnées, parenthèses et qu'il nous perd dedans. Il faut toute la volonté humaine pour ne pas perdre le fil... Et on voudrait pouvoir le perdre... ;o)
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Les Chants de Maldoror

Il m'est dans l'impossibilité technique de vous dire si j'ai apprécié ce livre ou non, tellement il est hors du commun, inclassable, insaisissable. Dès le début du bouquin, Ducasse nous met en garde ; on va en prendre plein la tronche. Et c'est réussi, cependant sur certains passages, la lecture peut s'avérer compliquée, quand des phrases prennent parfois une demi page, ce qui nous oblige à les relire depuis le début pour en comprendre le sens. Je vous avoue que j'ai commencé à saturer vers le 5ème chant ou la conceptualisation alambiquée de certains passages a eu raison de moi. Excepté cela, c'est un texte d'une intensité peu commune et d'une beauté froide qui rappelle un peu le style de Baudelaire, à savoir "accéder au beau par l'expérience de la laideur", faire du beau avec du laid. J'ai eu cette même impression, tout au long des chants. Le personnage récurent des six chants, "Maldoror" est un être maléfique qui apparaît quasi tout du long, afin de semer mort et destruction, souvent en confrontation avec Dieu lui même, ce qui n'est pas sans rappeler un certain Lucifer du paradis perdu.
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Les Chants de Maldoror

« Il n’est pas bon que tout le monde lise les pages qui vont suivre ; quelques uns seuls savoureront ce fruit amer sans danger. » (p. 7) Ces paroles de l’auteur, le comte de Lautréamont, avertissent le lecteur dès le début du premier chapitre des Chants de Maldoror. Je n’en ai pas tenu compte et bien mal m’en prit. Oh, je me suis rendu jusqu’à la fin et je n’en ai pas été traumatisé, mais je n’en ai pas tiré profit non plus. À l’occasion, un extrait, une phrase ont attiré mon attention, parfois ma curiosité, mais c’est tout. Ainsi, je peux reconnaître le génie mais il n’est pas dans mes goûts, malgré toute l’originalité et l’ingéniosité avec laquelle le comte de Lautréamont manie la langue. Dire que j’ai attendu si longtemps pour lire cette œuvre !



Peut-être aurais-je dû lire les Chants de Maldoror, un peu comme je le ferai pour n’importe quel œuvre d’Emil Cioran. Mais la violence et la monstruosité du propos sont poussés à des niveaux extrêmes que j’en ai été détourné. Pourtant, je ne suis ni prude ni choqué facilement, j’aime bien un polar sanglant à l’occasion. Dans les Chants de Maldoror, la dépravation morale et la suite d’actes immoraux commis par le protagoniste sont tellement gratuit que même le le marquis de Sade en rougirait ! À cela s’ajoute que je ne suis pas fan de ces romans trop obscurément surréalistes, malgré tout le génie dont leurs auteurs font preuve. Par exemple, je n’ai jamais accroché aux Gargantua et Pantagruel. Un rendez-vous littéraire manqué.
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Les Chants de Maldoror

Je n'ai pas pu le lire ! Trop de cruauté gratuite, une apologie du sadisme que tout le talent de l' auteur n'arrive pas à faire passer !
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Les Chants de Maldoror

Je ne lis pour ainsi dire presque jamais de poésie, et c'est sans doute un grand tort que j'ai de négliger cet art majeur. Encore faut-il en trouver qui vaille la peine. J'ignore d'ailleurs s'il existe encore de la bonne poésie publiée. Probablement, mais bien à la marge. Car qui en lirait encore de nos jours ? Le contemporain habitué aux délassements de lecture, au dépaysement et aux divertissements faciles, la bouderait et la mépriserait. La poésie n'est-elle pas une insulte ? Une provocation ? Une pédanterie qui lui crache à la figure qu'il est incapable de la lire et de la comprendre ?



N'importe, je ne vaux guère mieux, parce que j'en lis peu ( je lis tout de même un poème ou deux, et de très bonne facture pour ne pas dire excellents, chaque semaine). Je me promets d'en trouver et d'en élire.



«Il n'est pas bon que tout le monde lise les pages qui vont suivre, quelques-uns seuls savoureront ce fruit amer sans danger.»



Les Chants de Maldoror est un recueil de poèmes en prose. S'il existe six parties (chants), j'ai choisi un ouvrage qui ne comporte que les deux premières, ce qui est un grand tort, puisque c'est à peine assez pour se faire une idée. Je n'entends d'ailleurs pas qu'on ait ainsi divisé les chants.



Maldoror, seul protagoniste d'épisodes féroces indépendants les uns des autres, est un personnage bien étrange. Il était pourtant un adolescent comme les autres, il fut bon et vécut heureux. Cependant au fond méchant, il s'efforça de dissimuler ce trait de caractère tant qu'il put. Enfin, quand cette duplicité lui devint insupportable, il épousa la « carrière du mal ». Qui, comme Maldoror l'adolescent, ne dissimule pas une sorte de férocité, d'agressivité intérieure ? Il y a une dizaine d'années, je me faisais parfois cette réflexion : « je suis méchante ». Par contraste avec ce que j'entendais et voyais autour de moi ou plus loin. Plus jeune, j'imaginais que j'étais une étrangeté. Le monde me paraissait bon et altruiste, empathique et tolérant. Gentil, en quelque sorte. Tandis que moi, je me fichais assez de la misère du monde tant qu'elle ne m'atteignait pas. Il me fallut des années pour comprendre que l'autre se donnait des apparences de bonté, pour sa conscience ou pour paraître, et surtout pour rester bien assorti au monde. Maldoror s'efforçait d'être bon et de dissimuler sa nature jusqu'à l'adolescence. Et puis il a mûri. On devient adulte quand on cesse de feindre et d'agir par conformisme. Et je songe soudain - puisque l'on est dans la poésie - à Chateaubriand : "Si tu pouvais, par un seul désir, tuer un homme à la Chine et hériter de sa fortune en Europe, avec la conviction surnaturelle qu'on n'en saurait jamais rien, consentirais-tu à former ce désir ?" ». Qui ne consentirait pas ?



Maldoror est le mal. Cruel, pervers, et gratuit. Il est le mal qui invite à le suivre, à le lire, à l'apprécier. Il entraîne le lecteur en des chemins inexplorés de la poésie : ceux du sadisme et de la dépravation. Est-ce grave ? Non. Si l'homme n'est pas ostensiblement méchant, il est malfaisant, ce qui est bien pire que la cruauté pure, parce qu'il avance ainsi à couvert. L'homme se trompe, il se ment. Il veut se croire bon. Maldoror veut le redresser à coups de vérités sur ce qu'il est/serait sans imprégnation.



L'amour universel est un mythe, une légende que se racontent les médiocres. Maldoror ne se raconte rien. Il se contente de suivre son instinct, de vivre selon sa nature, d'obéir à ce que lui dictent ses pulsions, fussent-elles impitoyables.



La forme est assez ique paradoxalement. Voire très conventionnelle. Je pense notamment à « Je te salue, vieil Océan », assez similaire au « Ô, Océan » de Withman notamment. Ce qui est d'autant plus déroutant quant au contenu des poèmes. Il n'est pourtant pas question de pastiche ou de parodie. Lautréamont est un poète. Que son œuvre soit une célébration de la cruauté, une provocation, n'empêche rien.



Ces chants sont une démesure assumée, un recueil de violence et de délires. On se croirait dans la tête d'un fou, mais pas de n'importe quel fou: c'est excellent d'écriture. Le fou est poète. Et vérité. J'avais profondément aimé le personnage du fou dans le roman La fenêtre panoramique, de Richard Yates. Le fou dit ce qu'il pense et énonce des vérités. N'ayant pas intégré les codes sociaux, rien ne l'en empêche. À la différence près que le fou n'a aucune volonté de scandaliser. Lautréamont, lui, choque et horrifie à dessein. Il revendique ses actions malveillantes et se place en ennemi assumé d'une société judéo-chrétienne. L'idée du fou s'impose à nouveau par une confusion narrateur/personnage. Maldoror est tantôt « il », tantôt « je », comme s'il était à la fois en dehors du narrateur et en lui, ce qui évoque évidemment une double personnalité, une sorte de schizophrénie. Cette manière de causer le trouble est très habile. On ne sait plus bien si, par extension, Maldoror n'est pas l'auteur lui-même. Impression de folie, de double personnalité, renforcée par le fait qu'après avoir fait souffrir volontairement des dizaines de victimes, Maladoror sauve une vie, et trouve cela « beau ». Le bien et le mal, l'auteur et le malfaisant, la cruauté et la pitié, se superposent, se mélangent, ne font qu'un. Maldoror compatit au sort de la prostituée, puis veut enfoncer ses doigts dans les lobes de son cerveau. Il est multiple. Mais tout homme n'est-il pas multiple ? Cette folie apparente n'est-elle pas plus proche de l'esprit humain que n'importe quel univers manichéen ? Un homme n'est-il que vertueux ou que malfaisant ? Ce qui apparaît comme une incohérence psychologique reflète très bien les contradictions et conflits intérieurs de chaque être humain. Toutefois, la folie prend d'autres formes encore, notamment celle de la bouffée délirante. Maldoror enfante des poux à l'aide d'un cheveu dressé qu'il brandit comme un sexe. Une armée de poux né de son phallus-cheveu, conquérante et grandiose.



Par contraste, son chant sur les mathématiques est d'une rationalisation implacable. Maldoror fait l'éloge des mathématiques. Après le délire, voici la froideur de la pensée pure qui est louée. Les mathématiques n'ont nul besoin de sentimentalisme. De même que la morale ou la bienséance n'influent jamais sur leur vérité. C'est la science suprême, celle qui ne laisse aucune place à des affects, à des considérations émotives. Et l'on y retrouve encore la double personnalité qui fascine : après le délire à son paroxysme et les visions troublantes et ahuries, l'apologie de la logique pure.



Lautréamont a un qui fait savourer les passages sordides. Le méchanceté, la cruauté, la transgression sont pour ainsi dire sublimées. Le mal, admirablement conté, devient si pur qu'il éblouit.

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Les Chants de Maldoror

Le plus grand livre de poésie en prose de tous les temps ?



Allez, oui !



Une re-lecture tous les 5 ans s'impose. A faire lire à ses enfants.
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Les Chants de Maldoror

J'ai honte de critiquer ce livre, qui doit avant tout être lu. Ce sont les divagations d'un être infâme, Maldoror, repoussé par les humains, qui servent de prétexte à une réflexion très profonde sur le mal et sur l'horreur. L'auteur, mort jeune a été redécouvert par Léon Bloy, qui en a fait un article peu connu, intitulé le Cabanon de Prométhée.
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Les Chants de Maldoror

Ce recueil de textes, profondément noirs, est une découverte pour moi.

Poésie en prose, surréaliste, cruelle, évoquant le mal, la douleur.

Je l'ai lu par épisode, en prenant le temps de lire chaque texte, seul moyen pour moi de pénétrer cette prose très obscure, parfois à la limite du non-sens voir du n'importe quoi (ex 1er texte du cinquième chant).

Chaque chant commence souvent par des images cauchemardesques, puis un entrelacement de mots dont émerge une introspection qu'on pourrait prendre pour une réflexion philosophique, mais dont le nihilisme fait un peu peur : clairement l'auteur apparaît comme fou, schizophrène.

Les mots sont beaux, et quand on accroche à la première image, (un monstre, une falaise... ) ils évoquent immédiatement et puissamment des images fortes et rémanentes, qui me font penser au monde plus récent du mouvement hardcore/hardrock métal. Certains chants restent hermétiques, notamment quand on n'arrive pas à accrocher le sens général du premier tableau, d'autres sont de véritables chefs-d'œuvre !

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Les Chants de Maldoror

Que dire sur cette magnifique œuvre poétique (en prose) qui n'aie pas déjà été dit ??? J'aurais l'air bien prétentieux de vouloir affirmer comprendre ce texte dans tous ses méandres symboliques, ou de formuler une critique plus originale que les autres. Quand j'ai lu ce livre dans ma jeunesse, ce fut en tout cas une claque monumentale ! Ni la lecture de Rimbaud, Verlaine ou Apollinaire ne m'avait préparé à cela. Le poème est essentiellement composé d'une sorte de monologue proclamé par une divinité mystérieuse qui semble planer dans des dimensions torturées et chaotiques. Il y a même, par moment, de violents accents lovecraftiens (quelques décades avant Lovecraft) qui surgissent au détour d'une phrase comme des étincelles de ténèbres. Absolument fascinant ! L'alchimie poétique de Lautréamont est hors-norme, décalée, biscornue, captivante, les mots manquent pour décrire les sentiments inouïs qui s'emparent du lecteur quand on s'immerge dans cette œuvre ! Si les éditions des "Chants" ont fleuri depuis des décennies (Lautréamont, comme tout le monde sait, ne fut hélas pas reconnu de son vivant), je recommande formellement aux amateurs de se procurer coûte que coûte la magnifique édition belge illustrée par René Magritte (excusez du peu !), elle un peu difficile à trouver, mais en cherchant bien... Elle vaut le détour (et l'investissement), car l'expérience poétique en est démultipliée par les dessins gothiques de Magritte, qui sont un régal.
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Les Chants de Maldoror

Un certain mystère tourne autour de cet auteur français né en Uruguay en 1846 qui se faisait appeler Lautreamont. On sait que son vrai nom était Isidore Ducasse et qu'il a été boudé par les éditeurs de l'époque à tel point qu'il n'a connu aucune reconnaissance lors de sa courte vie; il est décédé étrangement à l'âge de 24 ans. Il a écrit d'abord le Chant Premier avant d'enchainer avec les 5 autres suivants vers 1870 . Bien qu'il n'aient rien de "chant" et qu'il faut s'accrocher pour suivre les différentes strophes qui les composent. Cet ouvrage été redécouvert par les surréalistes des années 1920.

Dans un univers sombre (surréaliste avant l'heure), on plonge de manière étourdissante dans le Mal à l'état pur. Sous l'aspect d'une personnification de Satan on passe par le rejet du Créateur et le sadisme par toute une série d'aventures qui ne semblent n'avait aucun rapport entre elles. On peut y déceler une manifestation de l'homosexualité refoulée de l'auteur et les difficultés qu'il a eu à trouver sa place parmi ses pairs durant sa scolarité.

C'est un œuvre complexe, difficile à résumer qui frôle le génie. Certains y verraient un fouillis sans queue ni tête gratuit. Bien que je n'aie pas saisis le sens profond, j'ai trouvé ça fort dans le genre malsain, inclassable.

De nombreux ouvrages ont tenté de percer le mystère durant ces 100 dernières années et de nombreuses œuvres dans le domaine de la chanson y font référence.

Pour Poésies I et II il ne s'agit pas du tout de poésie... Il s'agit de critiques acerbes envers plusieurs poètes et de nombreuses modifications de maximes qui frisent l'incompréhensible. Heureusement c'est assez court ...

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Les Chants de Maldoror

Il y a XXXXXannées,je n'avais pas pu le lire:trop de cruauté
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