
Ils se levèrent et se prirent par la main, formant une grande chaîne, un grand cercle. Les mains se serrèrent en même temps qu’ils se cherchaient tous du regard. Les yeux disaient oui, les mains validaient. À partir de ce moment-là, chacun savait précisément ce qu’il avait à faire. Un peu comme un équipage de navire qui répète les exercices de sauvetage, ils avaient répété de nombreuses fois, des mois durant. Ils voulaient avant tout être prêts le jour J, juste au cas où, juste pour aujourd’hui. Dans quelques heures, ils auraient tous ensemble un lourd secret de famille. C’était le prix à payer pour garder encore un peu d’espoir. Ils s’étaient tous posé de nombreuses fois cette question : d’autres qu’eux, dans les mêmes circonstances, auraient-ils pu faire ce qu’ils allaient accomplir ? L’auraient-ils fait ? Ils ne pouvaient en parler à personne et n'auraient donc certainement jamais la réponse. Eux ont choisi de le faire : quitte à perdre, autant avoir essayé. Même si en essayant, ils risquaient de tout perdre. Les heures à venir allaient répondre à toutes leurs questions, mais avant cela, ils allaient vivre les pires instants de leur vie. Le scénario avait été écrit par Henriette et Pâquerette ; à la réalisation, il y avait Vincent et Pierre ; au montage, Marc ; enfin, dans le rôle principal, il y avait Valérie, le candidat se contentant du second. C’était maintenant à eux de jouer leurs scènes.
[…]
Parfois, il vaut mieux agir sans savoir que savoir et ne plus vouloir agir.
J'ai entendu ta vois, j'ai vu ton regard,
tu ne m'as plus jamais quitté.
Tu es l'énergie et le moteur de ma vie,
même si tu es avec les anges depuis longtemps.
Toutes les familles ont des secrets.
La mienne ne fait pas exception.
Ma famille a donné un nom de code au secret : « LE PLAN C ».
Je n’ai jamais su pourquoi ; ils n’ont pas voulu me le dire. D’ailleurs, je ne suis pas censée être au courant de ce secret.
Mais je ne me suis pas présentée ; pardon, c’est incorrect…
Je m’appelle Alice Garmant. J’ai seize ans et je vais vous révéler toute l’histoire.
Elle, elle aime juste écouter, comprendre, se nourrir de la vie des autres, en quelque sorte pour combler le vide de la sienne. Pour en chasser aussi les zones d'ombres.
Dans le dialogue des yeux, ils se sont dit les mots de la liberté, des rêves brisées, de la vengeance assouvie. Tous ces mots ne sont pas sortis, mais ont été échangés dans les iris dilatés. Elle a rapidement quitté son atelier, épuisée par le pouvoir qui peu à peu la fuyait.
Si le précieux a les pouvoirs, les mêmes que ceux de l'autre urne, alors le chemin de ses peurs ne sera plus qu'un souvenir ; mais si les pouvoirs ne sont pas là, le chemin sera une voie condamnée.
Plus de retour en arrière possible, il restera pour toujours au temps figé. Il lui faut rencontrer son destin. Maintenant.
Mes parents, surtout maman, en grande admiratrice de Boris Vian, m’a tout naturellement, il y a vingt ans, donné le prénom de l’héroïne de « L’écume des jours ».
Est-ce que j’ai, moi aussi, un nénuphar dans le cœur ?
Mon voyage de noces sera-t-il le dernier, comme dans le roman de Vian ?
Il y a peu de chances que cela se produise.
Les nénuphars, le voyage de noces.
Pour la mort...
Je ne sais pas encore.
Je suis ici et ailleurs,
Dans mon jardin d’Éden sans fleurs,
Dans mon jardin d’Éden en pleurs.
J'étais sur le point de leur expliquer qu'ils n'étaient que des pièces sur un échiquier ! Que, dans la partie qui se jouait, j'étais la reine et Max le roi. Leur crier qu'ils n'étaient rien. Rien, que des pions, des fantassins, des petits soldats !
Leur dire en toute sincérité, sans tourner autour du pot, qu'ils s'étaient un jour pris les pattes dans mes filets et qu'ils allaient en crever !
Pour elle, la retraite, c’est une longue descente vers la fin, c’est se retrouver dans une maison vide, mais remplie de souvenirs.
Aujourd’hui, chaque fois qu’il entend rire, parler, il croit que c’est pour lui, il veut plus du regard de personne, il est en souffrance tout le temps. Dehors, c’est une bête blessée. Le seul endroit de liberté, c’est chez nous, dans son atelier, le monde qu’il s’est inventé. Valentin, il veut plus de ses racines tellement elles sont pourries. Il n’ose pas s’exprimer parce qu’il pense que ce qu’il va dire intéressera personne. À force de l’avoir humilié tous les jours moralement et physiquement, c’est même plus la confiance en lui qu’il a perdue, c’est lui qui se trouve plus. Il fuit le conflit, la parole. Il a bien essayé de fermer ses oreilles pendant les quatorze années de son incarcération, mais il a pas réussi, tous les mots sont passés, les fissures, les failles, une destruction massive. C’est un homme de verre aujourd’hui, tout se casse en lui. Vous l’avez BOUSILLÉ !!
Papa m’a montré une photo de Monsieur Chester en me disant :
Il attend ton retour avec impatience.
Valérie, Vincent, Henriette, Pâquerette, Pierre, papa, maman… Comment leur dire à quel point je les aime, à quel point je suis heureuse de les retrouver de ce côté du miroir ?