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Citations de Cristian Fulas (23)


Iochka et Ilona vivaient isolés dans le désert de la vallée, vivaient comme si autour d’eux il n’y avait rien eu d’autre en dehors du petit espace de leur habitation, et même s’il allait au travail et essayait de le faire correctement, la fatigue et le fait de penser continuellement à son fils empêchaient Iochka de parler aux gens, il s’enfermait encore plus dans le silence qui l’avait accompagné toute sa vie, silence qui devenait de plus en plus épais, comme une signature de sa présence.
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Un immense silence se tissait entre eux, une sorte de bonheur qui durerait aussi longtemps qu’ils vivraient ensemble, un de ces silences qui disent plus de choses sur l’amour que tous les mots du monde, quel que soit l’ordre dans lequel ils sont dits. Sa main s’est tendue par-dessus l’espace du centre de la pièce, il a écarté d’un geste indiciblement lent les mèches mouillées qui barraient le visage de la femme, il l’a caressé d’un geste qui avait l’intensité d’un regard et, elle, avec le mouvement le plus naturel du monde a appuyé sa joue contre sa main lourde, noircie et boudinée.
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... entre ces deux êtres se tissait alors une langue commune, vieille depuis que le monde est monde, la langue dans laquelle ils allaient non pas prononcer mais taire une vie entière. Et une mort. Durant ces heures, ce court laps de temps entre l'arrivée de la femme dans la vallée et l'instant où ils sont devenus, tous deux, passage, translation, s'était produit un changement dans leur substance la plus subtile : eux deux devenaient, étaient devenus, allaient devenir pour toujours un seul corps, un seul et unique être que rien ne séparerait même pas un chêne planté au-dessus de leur tombe.
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Deux hommes silencieux qui restaient assis ensemble sur un même banc à regarder les mêmes choses. Ils taisaient leur mutisme bien mieux que tout autre, ils se taisaient et regardaient, et quelque part dans l'espace créé par leur silence s'inscrivait le monde qu'ils habitaient depuis toute une vie; dans leurs yeux logeaient la vallée, tous leurs souvenirs, peu nombreux, souvenirs de gens simples et silencieux.
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Le pope s'est approché sans mot dire, on ne l'entendait pas marcher, son corps semblait ne pas déplacer d'air quand il traversait la cour, il s'est assis à côté de lui sur le banc pour regarder la vallée du même point. Peut-être disait-il une prière pour la disparue, peut-être qu'il le faisait lui aussi chaque jour mais sans prononcer le moindre mot, il ne parlait pas à Iochka, il se contentait de rester assis sur le banc à ses côtés et de contempler la vallée, de se taire comme se taisent toutes les bonnes choses de ce monde. Ils se taisaient tous les deux depuis longtemps, depuis plus de vingt ans peut-être, assis sur le même banc, chaque jour à la même heure. Et dans ce silence, la prière du prêtre, cette pensée généreuse, s'élevait au ciel avec une force double. Deux hommes silencieux qui restaient assis ensemble sur un même banc à regarder les mêmes choses. ils taisaient leur mutisme bien mieux que tout autre, ils se taisaient leur mutisme bien mieux que tout autre, ils se taisaient et regardaient, et quelque part dans l'espace créé par leur silence s'inscrivait dans le monde qu'ils habitaient depuis toute une vie ; dans leurs yeux logeaient la vallée, tous leurs souvenirs, peu nombreux, souvenirs de gens simples et silencieux. Silence contre silence, ils n'étaient que deux silences, qui ne parlaient de rien parce qu'ils s'étaient tout dit en l'absence des mots, justement. À quoi bon les mots, s'ils se tenaient sous le grand chêne et si le temps était, et la terre aussi, et le feu et l'eau et l'air, et Dieu, si tout était comme il pouvait l'être dans leur monde, le plus simple des mondes possibles ? Le silence seul, le rien de ce silence, l'absence du murmure du ruisseau, le bruissement des feuilles, tout ce qui comptait c'était cela. Et l'amour, gage de toutes ces choses-là, se disait le pope en regardant les paumes usées de ce vieil homme, ces paumes qui reposaient paisiblement sur ses genoux comme dans les icônes, ces paumes sales et calleuses mais tournées, et pas par hasard, vers le bleu du ciel. 
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Puis lorsque arrivait l’automne et que la steppe se transformait en une mer de boue qui engloutissait tout, chevaux, hommes, camions, canons et tanks, il ne sortait plus, des jours de suite, de sous sa bâche, restait là à contempler le brouillard épais et humide, une terrible nostalgie du pays montait en lui et que rien ne pouvait apaiser ni les doïnes entonnées par les soldats au coucher du soleil ni les maigres rations fumantes qu’on leur servait deux fois par jour, matin et soir.
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L'histoire était, telle qu'elle s'était conservée dans les actes anciens et dans des livres - plus chers parfois que des villages et leurs habitants ensemble - , le moyen parfait de dire que seuls ceux qui s'enfermaient derrière les murailles pouvaient exister, le reste pouvait mourir à n'importe quel moment selon le bon gré des premiers.
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Il y a des formes de langage qui ne sont pas encore nées au monde, qui sont enfermées dans les objets depuis leur origine et cherchent à l'intérieur de l'homme la façon d'être dites et mises en jeu entre les hommes, et ces trois-là, car l'enfant prenait part forcément à leur tentative pour parler entre eux, semblaient être sur le point d'en trouver une, de dire ce qui ne s'était jamais dit, choses d'une banalité merveilleuse, si fortes qu'elles n'avaient jamais réussi à sortir, malgré tous les efforts, de leur état larvaire et d'exister réellement.
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On n'oublie pas les choses, on oublie la manière dont elles sont nommées ; on n'oublie pas les gens, on oublie leur nom, ils deviennent ainsi immortels. Ilona le savait mais sans avoir la possibilité de le dire, par ce biais même sa science dépassait I'humain, sa science était pure comme elle, du même niveau de pureté que l'icône et ses personnages, par le fait qu'elle n'était pas nommée, ni dite, de cette manière elle se soustrayait au temps, à l'assujettissement, à la mort. Se taisant, les icônes ne disent donc pas l'immortalité - qui pour les humains est illusoire - et c'est pourquoi elles survivent au temps.
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Il était harassé, il s’est laissé tomber comme une grosse pierre, puis a attrapé la bouteille devant lui et a bu, avec une grande soif à même le goulot, oubliant l’usage des verres.
Il a attrapé une autre bouteille dans le placard et deux petits verres propres ….
Le contremaître, le docteur et le pope vidaient verre après verre…
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Car l’oppression ne vient pas que des grands de ce monde, on la trouve aussi à d’autres niveaux, si un satrape est maître absolu de ses ministres, de même ses ministres règnent sur leurs subordonnés et ainsi de suite jusqu’au dernier paysan
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Un paradis d’avant et d’après le désastre qu’est toujours la civilisation, un lieu oublié et pour cette même raison inoubliable, immortel et vivant dans la mesure seule où le vivant, dans ce qu’il a de plus essentiel, échappera toujours à la compréhension humaine. Un paradis qui attendait sa mort, rien de plus. Et les gens qui étaient en lui, vieillissant sans le sentir, attendaient leur mort, eux aussi.
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ls avaient tous les deux milité dans l’illégalité, ils avaient lutté pour un monde meilleur qu’ils ne voyaient nulle part maintenant, ils avaient voulu que les paysans et les ouvriers ne connaissent plus la pauvreté et ils avaient juste réussi à les rendre plus pauvres, ils le savaient parfaitement, ils essayaient de faire le bien autant qu’ils le pouvaient par une bonne action pour un tel ou pour un autre. Impossible d’en faire davantage. Ils vivaient avec cette frustration comme ils respiraient, ils aidaient les gens autant qu’ils le pouvaient, ils défendaient leurs ouvriers chaque fois qu’il y avait un problème, le rêve pour lequel il avait vécu s’était évanoui pour laisser place à une misère plus terrible que celle d’avant. Les pauvres étaient encore plus pauvres, les riches n’avaient pas disparu. Et pourquoi tout ça ? Était-ce pour cette pauvreté qu’ils avaient lutté ?
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Depuis que les mondes s’étaient mis à se mélanger, bien du temps s’était écoulé ; peut-être une quinzaine d’années, Iochka ne se rappelait même plus et de toutes façon, il lui semblait qu’à partir d’un certain moment le souvenir devenait tout à fait autre chose que ce qu’il avait été. Il approchait de cet âge – s’il existait un âge qui couvre ce qui lui arrivait – où le temps commence à ne plus avoir d’avenir et où l’on en arrive à un mélange de souvenirs incertains qui semblent se passer dans le présent, étant présents au moment même où le présent se déroule, au moment même où le présent fait plaisir ou fait mal. Dans ses silences pesants de vieil homme seul du bout du monde, il s’imaginait la mort comme une disparition des choses auxquelles il pensait. Il s’imaginait de plus en plus souvent lui-même immobile devant la maison, l’esprit brusquement vidé de tout, regardant tout ce qu’il avait vu une vie durant et n’y comprenant plus rien. Sa vie entière d’homme mûr il l’avait pratiquement passée à cet endroit, dans la vallée, la vivant comme si c’était la seule possible, comme s’il n’existait pas d’autre monde dont il entendait pourtant parler, comme si ce n’était qu’un conte, une histoire, une invention des gens.
(p.181)
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A quoi bon les mots, s'ils se tenaient sous le grand chêne et si le temps était, et la terre aussi, et le feu et l'eau et l'air, et Dieu, si tout était comme il pouvait l'être dans leur monde, le plus simple des mondes possibles ? Le silence seul, le rien de ce silence, l'absence du murmure du ruisseau, le bruissement des feuilles, tout ce qui comptait c'était cela. Et l'amour, gage de toutes ces choses-là, se disait le pope en regardant les paumes usées de ce vieil homme, ces paumes qui reposaient paisiblement sur ses genoux comme dans les icônes, ces paumes sales et calleuses mais tournées, et pas par hasard, vers le bleu du ciel. Les paumes tout près de la croix en bois de chêne qui se dressait sous l'arbre déjà imoosant, paumes qui ne priaient pas, ne demandaient rien, ne pleuraient pas mais offraient, comme elles l'avaient toujours fait. dans leur union se trouvait toute la vie de Iochka, le pope le savait, il lne pouvait s'opposer à leur beauté at e saurait toujours, au cours de toutes ces années depuis qu'ils vivaient dans une vallée oubliée de tous, chaque fois qu'il avait vu ces paumes, posées sagement sur ses genoux, il avait su, il avait senti, il avait compris que rien ne pouvait s'opposer à leur beauté et à leur simplicité. C'est pour cela qu'il estimait ce vieil homme, qui avait presque son âge, c'est pour ça qu'il était resté à ses côtés, lui avait accordé sa confiance et n'avait jamais hésité à l'aider même lorsqu'il était loin, trop loin, dans les ténèbres de la douleur et de la folie. Iochka était le gage de leur univers, le pope le savait, seul le vieil homme, avec tous ses petits actes comme détachés d'un vieil Evangile inconnu, ne semblait pas s'en rendre compte. Même la lumière qui entourait ses mains était plus pure, plus limpide, elle ressemblait à l'eau bleue du ruisseau dans les matins sereins, le ciel semblait plus doux sous son regard, le vent se calmer, les bêtes sauvages de la forêt de la forêt semblaient elles aussi regarder timidement du fond de leurs tanières lorsqu'il se tenait, silencieux, près de la petite tombe, statue de la simplicité avec ses mains jointes mais pas pour une prière. Sans dire un mot, le viel homme semblait raconter l'histoire du monde entier, il semblait dire que les mots sont inutiles, la pensée les rassemble au même instant et quoi que l'on puisse dire dans des formes savamment tournées, rien n'égale cette simplicité en grandeur et en piété.
(pp.95-97)
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Il a humidifié une de ses doigts sur sa langue, l'a passé sur la terre déjà presque sèche dans la chaleur de l'après-midi, a goûté la terre, elle lui semblait légèrement salée, il s'est dit que c'était bien, que c'était ça le bon goût de la terre, il savait ça depuis des lustres. Qu'est-ce qui adviendrait si la terre était tout à coup sucrée, s'est-il dit mentalement. Avec le même doigt essuyé entretemps sur son pantalon de travail plus que crasseux, il a dessiné au-dessus de la trappe de visite ce qui pouvait représenter une figure humaine. Une sorte de femme, c'était comme ça que Iochka se représentait l'art, un gribouillage dans la boue mais il voyait tout autre chose et ses yeux vieillis avec ce souvenir vivant se sont remplis de larmes. Il les a laissé couler, les a avalées, il a bu sa souffrance comme une boisson des plus raffinées. Il a caressé encore la meule d'argile, les yeux fermés, le sel de ses larmes lui était agréable, la terre et les larmes étaient des choses salées et bonnes, il s'est essuyé les yeux avec sa manche, il est rentré en coup de vent dans la maison chercher une allumette et une bouteille de mazout. Il s'est penché, aspergeant copieusement l'intérieur de la pyramide, a frotté une allumette qu'il a jetée dedans.
(pp.90-91)
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Est-ce que ce qui n’est pas pensé peut exister ? Y a-t-il au monde une chose vraiment historique si un seul homme ignore son existence ?
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Ces hommes étaient libérés de ce que lui n’avait jamais connu, personne ne les menaçait plus, personne ne mettait en danger leur vie et celle de leurs familles, ça il le comprenait, il était clair pour lui que, pendant la guerre, par exemple, il n’avait pas été libre de faire ce qu’il voulait, ni plus tard quand il était prisonnier. Des gens haut placés, pouvaient le condamner à tout moment à être fusillé, lui avait dicté ce qu’il devait faire et comment il devait vivre. C’était cela l’absence de liberté aurait dit le vieux Iochka si on le lui avait demandé. La liberté, selon lui, c’était de vivre sans être menacé de mort par les gens qui disposent de votre vie.
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Mais, le plus clair du temps, la vallée ressemblait à une station de villégiature où les gens s’adonnait à la boisson et à ne rien faire, activités élevées avec le temps au rang de l’art. Il y avait une centaine d’ouvriers et normalement cette voie ferrée aurait pu être construites en quelques mois, un an maximum, mais le travail durait déjà depuis une dizaine d’années et il n y avait pas le moindre risque que les rails dépassent réellement un jour l’endroit où se trouvait la maison de Iochka et encore moins qu’il avance dans la montagne de derrière et qu’ils en atteignent le bout.
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Parfois dans la vallée arrivaient aussi des gens qui n’y tenaient guère, on les voyait descendre des camions avec l’aie penaud, mesurant de leurs regards perdus l’endroit comme si c’était une prison toute neuve, un beau lieu où on les aurait mis de force et d’où, même si on ne les obligeait pas vraiment à trimer, ils ne pouvait sortir qu’avec une autorisation spéciale et une heure de retour imposée. On leur disait, racontait-il, qu’ils devaient construire un avenir radieux.
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