Citations de D.W. Wilson (23)
Tout se paie à la fin, d'après l'adage, mais je n'y crois pas vraiment. Tout se sait, à la rigueur.
C'est tellement facile de perdre le contrôle de la situation, ou alors c'est que je ne contrôle rien depuis toujours - qui sait ?
On peut se faire piéger par le passé et par la nostalgie. On peut être submergé par ce qu'on n'a pas, au point d'en oublier ce qu'on a. On a tous des regrets - c'est la nature humaine. Le point capital, c'est ce que ces regrets font de nous.
Je ne tiens pas à juger les gens sur la façon dont ils s'emploient à se rapprocher les uns des autres. Tout le monde a ses originalités.
Tu peux duper la mort, mais pas la vieillesse.
Lorsqu'on m'a enfin autorisé à entrer dans sa chambre, j'ai trouvé Granp' assis bien droit dans sa blouse d'hôpital aigue-marine, bardé de disques autocollants et de câbles reliés à un électrocardiogramme dont l'écran montrait des pics fluorescents. [...] Des rides profondes creusaient ses joues et les pattes d'oie s'aggloméraient, telle de la limaille, au coin de ses yeux. Il a desserré les lèvres et découvert ses gencives, un rictus qui pouvait passer pour un sourire.
-- Pas de fleurs ?
-- Les fleurs, c'est réservé aux jolies filles.
-- Je suis en robe.
Et ça fait ressortir tes yeux, ai-je dit avant de m'assoeir au bord du lit.
Le truc, lorsqu'on voyage sans destination précise, c'est que le voyage devient la destination, un champ infini de destinations.
Peut-être qu'il y a une leçon à retenir là-dedans ; ce n'est pas l'objet de nos désirs qui traverse le temps, mais le désir en soi, le fait de tendre constamment le bras, d'espérer, de nous languir, d'appeler à soi ce qui est hors de notre portée. Notre désir est aussi éternel que les montagnes.
Errer sans but, c'est aussi aller tout droit, on s'en rend compte avec le recul.
Peut-être que le destin d'une personne dépend plus des décisions quelle ne prend pas - peut-être qu'être prédestiné, cela signifie finir pile là où on n'a jamais décidé de se rendre.
D'après mon expérience, voilà à quoi se résument les relations humaines- à un jeu géant où chacun se demande quelles règles il va pouvoir violer impunément.
La vérité la plus triste de toutes, c'est que soit on perd ceux qu'on aime, soit ce sont eux qui nous perdent.
On s’accroche et on s’accroche encore – il connaissait cela par cœur. On s’accroche et les choses tournent bien, ou mal, mais on ne lâche rien, on tente encore le coup parce qu’on n’a pas le choix. Mitch ne sortit pas tout de suite du Ranger, il resta assis là à écouter les chansons rock de sa jeunesse, les yeux fixés sur ces deux fenêtres obscures.
On était comme lessivés. Un très mauvais moment à passer, pourrait-on dire. Même si tout n’y était pas parfait, loin s’en faut, Invermere avait pendant longtemps constitué un havre de paix pour nous, et ni elle ni moi n’étions prêts à supporter le fardeau, de plus en plus imminent, de l’adolescence de notre fils.
Les hommes haussent les épaules, apathiques, quand leurs rejetons apprennent à faire des dérapages contrôlés dans la carrière à ciel ouvert. Ça se castagne sur le parking du lycée et les profs les plus costauds doivent se faufiler au milieu de la cohue pour séparer, à grand-peine, les combattants.
Les adolescents se débarrassent trop tôt de leur surchemise. On creuse des trous en préparation des barbecues, on sort les transats des cabanes à outils et, pour la première fois depuis des lustres, le quartier est envahi par l’odeur du feu de bois et des hot-dogs grillés à même la flamme. Les femmes se plaignent des cintres qui se volatilisent pour être reconvertis en broches à saucisses, mais leurs jérémiades tombent à plat.
Pour ma part j’ai toujours adoré ses irrégularités, ses imperfections. Je suis fan de ses défauts. À l’instar de Carl Friedrich Gauss, le Prince des mathématiciens, j’aime une femme qui me surclasse, et de loin. Derrière chaque grand mathématicien… complétez les pointillés.
Il avait l’impression d’être revenu au lycée, de revivre sa première fois, les spasmes et les regards en coin, la sueur glacée qui imprègne les draps. Kelly se pelotonna contre lui. La chaleur qui émanait d’elle se diffusa dans son dos ; le corps humain produit autant d’énergie qu’une ampoule de cent watts. Ray laissa la nuit remplir son office. Des orteils Kelly repoussa doucement ses pieds et plus tard, noua ses doigts aux siens. Il resta sans broncher. Sans frissonner, même. Remettant ses problèmes à plus tard.
Il n’y a pas trente-six façons d’atterrir quand on tombe d’un toit. Si elle était vraiment attirée par lui – s’il ne cherchait pas quelqu’un, par exemple, pour lui remettre les pieds sur terre –, eh bien, il savait pourquoi : les âmes brisées s’attirent. C’était la vie amoureuse à laquelle s’attendre avec Kelly : une course à trois pattes.
Les mains d’un type qui ne faisait plus le même métier qu’à une époque – les éraflures et les entailles causées par les échardes et le boulot sur les chantiers avaient disparu, mais pas les cals. Les cals, ça se garde à vie. Enfin, aussi longtemps qu’on travaille. Ray avait souvent conseillé à ses hommes de se trouver une fille qui ne ferait pas la dégoûtée devant des mains rugueuses, et ce conseil venait de lui sauter en pleine figure.