Citations de Danièle Linhart (20)
Il s'agit pour le management de jouer sur les dimensions les plus affectives, les plus émotionnelles des salariés, sur leur narcissisme pour qu'ils acceptent de se dépasser au travail, tout en se conformant strictement à ce qu'on attend d'eux.
Un des problèmes qui pèsent sur les syndicats est qu'ils n'ont pas une grande expérience en matière d'organisation du travail.
Le burn-out est un épuisement lié aux énormes efforts qu'il faut produire en permanence pour parvenir à faire son travail, reconquérir la maîtrise technique tout en sachant que ça ne s'arrêtera jamais et qu'il faudra toujours recommencer. Très important aussi le conflit éthique que peut ressentir le salarié quand il est obligé de travailler selon des critères de qualité et d'efficacité imposés par la direction et qui peuvent être à l'opposé de ceux qui relèvent du métier et des valeurs professionnelles.
Cette attaque en règle des savoirs et de l'expérience passe par la pratique du changement perpétuel : le management restructure sans cesse les départements et es services, externalise et réinternalise sans arrêt les activités, recompose à l'infini les métiers, change avec frénésie les logiciels, impose une mobilité systématique à la hiérarchie procède à des déménagements répétés, si bien que les savoirs et l'expérience des salariés sont rendus obsolète.
On ne me laisse plus faire mon boulot correctement.
Chacun doit désormais veiller en permanence à faire l'usage de lui-même le plus efficace, le plus rentable quelles que soient les situations de travail de plus en plus incertaines et fluctuantes, en s'infligeant la philosophie d'économie systématique des temps et des coûts. Chacun doit se transformer en petit bureau des temps et des méthodes pour s'administrer à lui-même cette logique. En quelque sorte, l'organisation taylorienne du travail est maintenant sous-traitée à chacun… et ça porte un nom : c'est le Lean Management.
Individualiser la gestion des salariés pour créer de la concurrence là où il y avait de la solidarité et de l'entraide, de la méfiance là où il y avait de la complicité.
Ne plus perdre sa vie à la gagner.
Être salarié, c'est être pris dans un lien de subordination.
Il ne faut pas sous-estimer le poids de l'idéologie. Le management a besoin de justifier, de légitimer le modèle qu'il met en place, et donc il raconte des histoires en permanence. C'est ce qu'on appelle le storytelling.
ils veulent en effet des militants inconditionnels, des salariés qui acceptent de confondre leurs valeurs avec les intérêts de leur entreprise, des salariés qui renoncent à marquer leur travail de leur propre empreinte, qui consentent à être le relais fiables de la rationalité économique choisie par leur direction, qu'elle qu'elle soit. Les managers veulent des salariés sans mémoire, et toujours prêts à adhérer. Ils ne se rendent pas compte qu'ils risquent d détruire précisément ce qui permet aux salariés de s'adapter au travail, si fluctuant et éphémère soit-il, c'est à dire l'expérience, les connaissances, les savoirs élaborés et mis en œuvre souvent de façon transgressive par rapport à la norme, la prescription, la consigne, la procédure, le règlement.Tout travail nécessite une adaptation en fonction de la réalité concrète de l'activité, et donc une certaine liberté d'esprit pour inventer de connaissances ad hoc.Tout travail nécessité une distance critique, un quant à soi. Les sociologues , les psychologues du travail, comme les ergonomes, n'ont cessé de mettre en évidence cette distance entre le travail prescrit, ce que le salariés sont expressément censés faire et le travail réel, ce qu'ils font en réalité, pour que le travail se déroule selon la qualité et les délais prévus. - P25
Écoute dans un silence émerveillé, il parle des difficultés des sous-marinier qui partent en campagne de plusieurs mois à bord des sous-marins....
"Eh bien, ce qui travaille le plus mes gars quand ils sont en campagne, , c'est le problème de la fidélité de leur épouse ! Ben oui, ça a l'air trivial, mais ça peut empoisonner l'esprit et le gars, il pourra plus faire son boulot. Donc, que faire ? L'amiral poursuit, une fois ce cas d'école posé: Quel est le moment le plus périlleux pour la fidélité de l'épouse ? La salle retient son souffle. Eh bien, quand un appareil ménager tombe en panne, c'est là la moment dangereux, car un électricien, un réparateur ou un plombier s'introduit dans le domicile conjugal et qui sait ce qui peut arriver ? Donc pour éviter que la machine à laver fasse chier mes gars, je suis allé chercher des mécaniciens, plombiers, etc.: pour faire un partenariat avec la Marine nationale. !il faut appeler un numéro et on obtient une aide à domicile pour travaux. C'est le programme "Bien-être à la carte. Il faut savoir créer les conditions du bonheur.
Il ne s’agit pas seulement de dire que l’entreprise mord sur la vie privée en exigeant disponibilité, flexibilité, mobilité, actualisation permanentes des compétences, en s’emparant des esprits par les responsabilités imposées et souvent difficiles à assumer. Il s’agit ici de mettre en évidence que l’entreprise fait écran à la société et à ses exigences, en cherchant à proposer à ses salariés les clefs personnelles, narcissiques d’une réalisation en osmose avec ses propres exigences de rationalité, de philosophie et de culture. C’est ainsi que doit être perçue cette porosité entre vie privée et vie professionnelle
La modernisation se déploie dans un contexte d'intensification du travail où on demande toujours davantage aux salariés sans leur donner nécessairement plus. On leur demande d'aller plus vite mais aussi de travailler mieux, c'est-à-dire d'assurer des contrôles de la qualité, d'être polyvalent et polyfonctionnel. Mais on ne met pas toujours en œuvre les moyens adéquats, ni les effectifs suffisants. On ne leur donne pas la possibilité de négocier leurs missions, et on les consulte rarement sur l'organisation de leur travail. On ne leur donne pas non plus la reconnaissance qu'ils pourraient attendre sur le plan matériel, professionnel et symbolique. Leur adhésion, pourtant est considérée comme indispensable.
Précarisation de la vie au travail (même si l'emploi est dit stable), avec la peur de ne pas parvenir à relever tous les défis, avec un sentiment permanente de vulnérabilité ; précarisation de la vie privée et familiale qui est enrôlée dans ce combat jamais gagné ; précarisation citoyenne, car chacun peut être contraint, pour faire ses preuves au travail, à ses propres yeux comme à celle de sa direction, de piétiner ses propres valeurs morales.
La peur est omniprésente, elle est ressentie sur un mode individuel, tel un étrange Janus à deux têtes. Peur “de ne plus avoir de travail et en même temps d'avoir trop de travail" comme l'explique un chef d'équipe. Les deux étant liés par le fait que, avec des tâches parfois démesurées, on risque de ne pas pouvoir bien les faire et de perdre son emploi.
Le management préfère gérer des humains plutôt que des professionnels [...] Elle est là, l’entourloupe ! Le management prétend prendre en considération les salariés, s’occuper de leur bien-être et tout faire pour eux, mais en réalité il leur dénie le droit de peser sur le contenu et l’environnement de leur travail.
On y entendra (dans un séminaire) que les salariés doivent accepter le fait devenu incontournable que le travail se "procédurise" de plus en plus (...). il faut donc faire accepter un rétrécissement de marges de manœuvre. P38
L’employeur achète quelque chose qu’il ne peut s’approprier totalement et qui lui échappe par nature. Le temps ainsi que les capacités physiques et cognitives qu’il achète ne peuvent être dissociés de la personne qui les fait exister. Ils ne peuvent être totalement extériorisés, totalement neutralisés . Le salarié conserve un type de contrôle qui échappe à l’emprise de l’employeur, à la mise en œuvre du savoir organisationnel et productif qu’il impose
ce que la personne mobilise d’elle-même, le sens (individuel et collectif) qu’elle y met, en fonction des conditions de sa mise au travail (organisation du travail et modes de mobilisation managériales), en fonction de son histoire personnelle, et de sa place spécifique dans la société, en fonction des enjeux que représente le travail pour cette société, constitue le fil rouge qui court dans toutes les contributions de cet ouvrage