Citations de David Mitchell (296)
Se comporter normalement, c'est la même chose que se fondre dans le décor. (...) Pour ceux qui ne rentrent pas dans le moule, la vie est un enfer.
Ces minuscules veines rouges dans les yeux de Maman, on dirait des rivières photographiées de très haut dans le ciel.
- Elle fonctionne, à condition que nos corps natals demeurent ici, pétrifiés dans la lacune, à l'abri du temps mondain, et arriment nos âmes à la vie. Elle fonctionne, à condition que nous rechargions la lacune tous les neuf ans grâce à un gogo en possession du Don et que nous attirons à l'aide d'une oraison adaptée. Elle fonctionne, à condition que nous réussissions à tromper notre invité, à lui faire boire du banjax et à l'entraîner dans la lacune. Cela fait bien trop de conditions, Jonah. Oui, jusqu'ici, la chance a été de notre côté. Cela ne pourra durer éternellement. »
"Les chansons ne changent pas le monde, commence Jasper. Ce sont les gens qui changent le monde. Les gens font passer des lois, manifestent, entendent Dieu et agissent en conséquence. Les gens inventent tuent, font des bébés, déclenchent des guerres". Jasper allume une Marlboro. "Ce qui soulève une question: "Qu'est-ce qui, ou qui est-ce qui, influence les gens qui changent le monde?" Ma réponse est la suivante: "Les idées et les sentiments." Ce qui soulève une autre question: "D'où viennent les idées et les sentiments?" Ma réponse est la suivante: "Des autres. Du cœur et de l'esprit de quelqu'un. De la presse. De l'art. Des histoires. Et enfin, et surtout, des chansons. Des chansons. Des chansons, comme des graines de pissenlit qui essaiment dans le temps et l'espace. Qui sait où elles se poseront? Ou ce qu'elles apporteront?"
Mariângela dit que la meilleure façon de traiter la démence est de faire comme si la personne d’avant se trouvait toujours sous les décombres de celle du présent. Si vous vous trompez et que la personne que vous connaissiez est vraiment partie, personne ne s’en plaindra, mais, de ce fait, le niveau de qualité des soins restera élevé. Et si vous avez raison de croire que la personne est emmurée vive à l’intérieur d’elle-même, alors vous devenez un fil d’Ariane pour elle.
(Alto, p.159)
… je prends une grande inspiration saccadée pour m’empêcher de pleurer. Et ce n’est pas uniquement parce que je ne pourrais plus jamais tenir Aoife dans mes bras. C’est à cause de tout : des régions entières qu’on a empoisonnées, des calottes glaciaires qu’on a laissées fondre, du Gulf Stream dont on a dévié le cours, des fleuves asséchés, des zones côtières inondées, des lacs asphyxiés par nos saletés, des mers qu’on a tuées, des espèces qu’on a fait disparaître, des pollinisateurs exterminés, du pétrole gaspillé, des médicaments devenus inefficaces, des menteurs qui nous caressaient dans le sens du poil et qu’on élu. Et tout ça pour ne pas avoir à modifier notre confortable mode de vie.
(Alto, p.698)
Le pouvoir est un invité, on ne le « détient pas ». Les fous désirent y accéder, ainsi que de nombreuses personnes saines d’esprit, mais seul le sage se soucie de ses effets à long terme. Le pouvoir agit sur l’ego comme du crack, et comme de l’acide sulfurique sur votre âme.
(Alto, p.129)
Trois types ont dragué Elf. Chacun ne lui a fait que ressentir davantage combien Luisa lui manquait. Janis Joplin la rejoint dans un coin de la Pyramide et lui met un cocktail opaque dans la main. "Goûte ça. La Cruelle Vérité. C'est comme ça que ça s'appelle. Mon barman l'a créé spécialement pour moi. Gin, noix de muscade avec un soupçon d'effets néfastes." Elles trinquent en entrechoquant leurs verres de Cruelle Vérité et boivent. "Oh, doux Jésus, s'exclame Elf.
- C'était le deuxième nom que j'avais en tête.
- De quoi propulser des missiles.
- Trinquons à l'avenir, madame l'anglaise. Dis-moi. Est-ce que tu as trouvé une méthode pour tout ça ?"
La Cruelle Vérité anesthésie l'œsophage d'Elf." Une méthode ?
- Pour arriver à faire ce qu'on fait, en tant que femme. "
Plan rapproché, Elf voit un réseau en étoile de petites veines dans le blanc des yeux de Janis et des cicatrices sur son visage.
" Je n'ai pas de réponse. C'est ça la cruelle vérité.
- C'est vrai, n'empêche, non ? Si tu es un mec, c'est facile. Tu chantes tes chansons, tu te pavanes. Après le concert, tu te pose au bar et tu lèves des nanas. Mais si tu es une nana qui chante, tu es censé faire quoi ? C'est nous que les mec lèvent. Plus on est une grande star, plus c'est vrai. On est comme des... comme des...
- Des princesses à l'époque des mariages dynastiques. "
Janis se mord la lèvre inférieure et hoche la tête." Et notre célébrité fait monter la côte des mecs qui friment dans les vestiaires. Les gars en tirent un surplus de fierté. "Ah oui, Janis Joplin ? Je connais Janis. Elle m'a taillé une pipe sur le lit défait." (parole de la chanson de Leonard Cohen "Chelsea Hôtel").
Je déteste ça. Mais comment lutter contre ? Ou changer ça ? Ou y survivre ? "
Les Byrds chantent" Wasn't Born To Follow" sur une chaîne stéréo somptueuse.
"Je ne suis pas encore à ton niveau dit Elf. Tu aurais des conseils pour moi ?
- Pas de conseil. Juste une crainte et un nom : Billie Holiday."
Elf prend une troisième gorgée de Cruelle Vérité. "Billie Holiday est morte accro à l'héroïne, le foie bousillé, en état d'arrestation sur son lit de mort, avec seulement soixante-dix cents sur son compte en banque, non ?"
Janis allume une cigarette. "C'est ça la crainte."
(P561-563)
“Plus vite” est en train de devenir synonyme de “mieux”. Comme si le but de l’évolution humaine était d’être une balle de fusil douée de conscience. »
Si on pouvait lire le scénario de l’avenir, on ne tournerait jamais la page.
Jasper note que les disciples de Jésus étaient, dans le fond, des hippies : cheveux longs, tuniques, mines de défoncés, petits boulots, convictions spirituelles, coucheries douteuses et un gourou.
“Non, il m’a dit, parce que” – jamais je n’oublierai ça – “tu n’as pas vécu ma vie et le blues est une langue dans laquelle tu ne peux pas mentir.”
« Sans le noir il n’y a pas de vision. »
Le présent est un rideau. La plupart d’entre nous ne peuvent voir derrière.
Se faire prendre en photo c’est comme si on te dit : “Tu existes.”
Voilà, Frobisher, la clarinette est une concubine ; les violoncelles, les ifs d'un cimetière ; le clavecin, la lune. Et maintenant, qu'un vent d'est souffle en la mineur sur seize mesures.
Solo de flûte traversière pour le finale - rien de papillonnant: juste la malédiction que l'oiseau de mort éponyme lance aux nouveaux-nés comme aux vieillards.
Bref, j'ai tiré une superbe musique du feu : percussions pour les craquements, basson alto pour le bois, et flûte infatigable pour les flammes.
Ce sextuor, Cartographie des nuages, renferme ma vie, il en a même pris la place, maintenant que le feu d'artifice est terminé ; au moins, j'aurai été feu d'artifice.
Le bleu est la couleur de la monotonie