Citations de David Nicholls (294)
Imaginez alors un autre cliché, cette photo de classe que tout le monde a chez soi, avec des visages trop petits pour qu’on les distingue sans les scruter de près. Qu’elle date d'il y a cinq ou cinquante ans, il y a toujours une silhouette vaguement familière dans le rang du milieu à laquelle vous n'associez aucune anecdote, aucun scandale ni aucun triomphe, Et vous vous demandez : cétait qui, lui ?
C'était Charlie Lewis.
Certes, je n'étais pas dépourvu d'esprit, et il m'arrivait de susciter des rires étonnés, mais mes meilleures blagues étaient soit étouffées par une voix plus forte que la mienne, soit lâchées trop tard, si bien qu'aujourd'hui encore, plus de vingts ans après, je pense à des choses que j'aurais dû dire en 1996 ou 1997.
Résolutions pour la nouvelle année.
1. Passer plus de temps à travailler ma poésie. Si je pense sérieusement que la poésie est une forme littéraire qui ne vous oblige pas nécessairement à crever de faim, alors je dois y travailler, surtout pour trouver mon originalité, ma voix propre. Souviens-toi que T.S. Eliot était employé de banque quand il a écrit les Quatre quatuors. Le manque de temps n’est donc pas une excuse.
2. Arrêter de me tripoter les boutons, surtout quand je parle aux gens. Il est prouvé scientifiquement que ce type de pratique dissémine l’infection et laisse des cicatrices. Oublie ton acné et trouve quelque chose d’autre à faire de tes mains. (Apprends à fumer, ou je ne sais quoi.) Souviens-toi qu’aucune fille n’a envie d’embrasser un bifteck cru.
3. Me montrer plus réservé vis-à-vis d’Alice, la jouer cool : elle te respectera davantage.
4. Me muscler un peu.
« Qu’est-ce que tu as fabriqué avec tes cheveux ? » Il m’attrape la tête par les oreilles et la renifle comme un melon. « Tu as mis de la mousse coiffante ?
- Non. (En fait oui – un peu.)
- Comment ça s’appelle, ce genre de coupe ?
- Ça s’appelle une Brideshead, dit Spencer.
- Ça s’appelle une coupe courte derrière et dégagée sur les oreilles, dis-je. Et la tienne, Tone ?
- Elle n’a pas de nom. Elle est, c’est tout. Alors, tu bois quoi : porto et citron ? sherry ? vin blanc doux ? » Ça commence bien, alors que je n’ai même pas ôté ma veste d’ouvrier.
« Une pinte de blonde.
- Une Spéciale ?
- Va pour celle-là. »
- Qu’est-ce que tu as fait à tes cheveux ?
- Tu n’aimes pas ?
- Tu ressembles à Himmler. Et pourquoi ce déguisement ?
- Tu connais le proverbe : l’habit fait le moine.
- Sur toi, on dirait un cilice.
- Si tu veux tout savoir, j’invite quelqu’un à dîner.
- Waouh !
- C’est purement platonique.
On pourrait comparer la conversation au fait de traverser une rue ; avant d’ouvrir la bouche, je devrais prendre un moment pour regarder des deux côtés, réfléchir soigneusement à ce qui va en sortir. Si cela rend ma parole un peu lente et guindée, comme un échange téléphonique transatlantique, si cela suppose, métaphoriquement, de rester un peu plus longtemps au bord du trottoir à regarder à gauche et à droite, eh bien soit, car il est clair que je ne peux pas continuer à trébucher ainsi, à me lancer à l’aveuglette dans la circulation des idées. Il faut que j’arrête de me faire écraser par tout le monde.
À un certain moment de ma vie, j’espère qu’on m’estimera capable d’avoir des idées originales. Je voudrais plaire, et même être aimé, mais pour ça, on verra. Quant à mon futur métier, je ne sais pas encore ce qu’il sera, mais j’irai l’exercer le matin sans avoir l’estomac noué et il ne m’inspirera aucun mépris, même s’il m’assure une certaine sécurité financière. Voilà ce qu’une éducation universitaire va me procurer.
Je commence à en avoir marre de t'entendre répéter que tu n'es pas séduisante, Emma. Cesse de te dénigrer comme ça, c'est vraiment lassant. J'irais même jusqu'à dire que tu prends plaisir à être déçue et à te décevoir toi-même, parce que c'est plus facile, pas vrai ? L'échec et l'insatisfaction sont plus facile que la réussite, parce que tu peux les tourner en dérision. Je t'agace ? J' espère bien
Ils laissèrent passer un silence confortable, presque complice. Baignés dans la chaude lumière d cette fin d'après midi de juillet, ils reportèrent leur attention sur la pelouse, ou bavardaient leurs vieux amis, heureux de se retrouver .
La vie n'est qu'une pâle imitation de l'art.
- Pourquoi pas maintenant, alors ?
- Parce que. Ça arrive trop tard. Je suis lasse.
- Lasse ? T’as que trente-cinq ans !
- Je sais, mais… c’est une question de créneau. Nous avons laissé passer le nôtre, c’est tout.
p. 525
« Leur amitié ressemblait à un bouquet de fleurs flétries. À quoi bon s’obstiner à changer l’eau ? Ne valait-il pas mieux les laisser mourir tout simplement ? » p. 301
Tu sais quoi, Em? Si t'es toujours célibataire à quarante ans je t'épouserai
- La vingtaine a été rude pour moi qui me voyais déjà en haut de l'affiche. J'avais tant d'espoirs et d'attentes - ces années là devaient être comme ces fêtes qu'on anticipe en pensant à ce qu'on va mettre, en préparant sa tenue, en réfléchissant à al manière dont on va se comporter. Et puis, le moment venu, on se pointe sur place et les gens ne sont pas sympas, la musique est nulle et on arrête pas de parler à tort et à travers...
L'envie est corrosive, mais envier ceux que vous détestez témoigne au moins d'une certaine vitalité, alors qu'envier ceux que vous appréciez, que vous aimez, témoigne juste d'une forme d'amertume et de solitude.
Un peu déprimé, c'était l'une des expressions qu'on utilisait. L'ombre de lui- même, triste. Soucieux. Préoccupé, anxieux. Démotivé, cafardeux, démoralisé. Déçu, abattu, pas dans son assiette, assommé, plus très sûr de lui, embêté par de petits problèmes d'argent. C'était fou, vraiment, cette capacité qu'on avait à rester évasifs et à employer des euphémismes, comme dans un jeu de société dans lequel on n'a pas le droit de prononcer un mot particulier.
Mon père et moi habitions à présent dans un quartier des années 1980 baptisé " la Bibliothèque" où, dans un souci d'élévation culturelle, chaque rue avait reçu le nom d'un auteur célèbre : Woof Road menait ainsi à Tennyson Square et Mary Shelley Avenue croisait Coleridge Lane. Nous-mêmes étions sur Thackeray Crescent, et sans avoir lu cet auteur, je savais qu'il serait difficile de repérer son influence dans les parages.
- Elle doit être en couple aujourd'hui. En couple et avec des enfants.
- Et ? Cherche-là sur Internet, ça ne doit pas être compliqué.
- Je te l'ai dit, ça ira comme ça. Je ne pense jamais à elle.
Et en effet, je ne pensais jamais à elle. Sauf de temps en temps.
« C’est ton coeur qui bat comme ça ?
- Non. C’est mon portable. »
- Personne d’autre à l’horizon ?
- Arrête tout de suite, Dex.
- Quoi ?
- Ton numéro de sympathie. C’est pas parce que je suis célibataire qu’il faut me plaindre ! Je suis parfaitement heureuse, merci. Et je refuse d’être définie par l’homme de ma vie. Ou par l’absence d’homme dans ma vie.