«Toutes les vies contenues dans sa vie à elle»
Dans son premier roman la comédienne Dea Liane rend hommage à se seconde mère, la bonne qui l'a accompagnée durant ses treize premières années en Syrie, au Liban et en France. Un roman initiatique qui touche au cœur.
Quand on a 13 ans et que l'on a toujours vécu avec la même personne, que cette dernière s'est toujours occupée de vous, qu'elle vous aime et vous aide, il est compréhensible que l'annonce de son départ provoque un terrible choc. C'est ce qui arrive à la narratrice. Depuis sa naissance, Georgette était à ses côtés. Mais Georgette n'est qu'une employée et malgré l'affection qu'elle éprouve pour la jeune fille, elle vit sa vie. L'annonce de son mariage prochain marque tout à la fois son envie de créer une nouvelle famille et l'abandon de celle qui l'emploie.
Après l'incompréhension vient l'envie, sinon le besoin, de rendre hommage à celle qui aura été comme sa seconde mère.
«Georgina K. est née près de Hassaké, en Syrie, le 13 novembre 1960. C’est une région très pauvre, la région des premiers chrétiens, les Assyriens, qui parlent un dialecte descendant de l’araméen. Elle a grandi dans une fratrie de treize enfants. Elle a commencé à travailler comme domestique dans des familles à l’âge de treize ans. Elle n'a jamais appris à lire ni à écrire.» De cette biographie parcellaire, on comprend combien la vie de la jeune femme au sein d'une famille bourgeoise tient davantage de l'exploitation que de l'émancipation. Au fil du temps Georgette s'attache pourtant à ses employeurs et plus encore à leurs enfants. Elle va trouver normal de les suivre dans leurs différentes demeures, en Syrie puis en France. Discrète et effacée, elle vit à l'ombre de cette famille, apparaissant ici et là, comme dans le grand film familial que réalise sa mère après avoir reçu une caméra en cadeau. De décembre 1990 à janvier 2008, «les vingt volets de la saga familiale sont fichés et rangés dans un classeur. Il existe des épisodes pour toutes les années sauf une: 2003, l’année du départ de Georgette. Le dernier épisode filmé est celui de mon dix-huitième anniversaire.»
L'originalité de ce premier roman tient justement à sa construction originale, détaillant cette cinématographie dans laquelle on voit les relations de la famille avec Georgette qui apparaît dans le champ au gré des demandes de la mère avant de se faire assistante et, plus rarement, de jouer son rôle de mère de substitution.
Dea, au fil des films, interroge la condition de cette pièce rapportée qu'elle aime tant, va chercher les indices qui lui permettront de croire que son amour est partagé. Elle ira même, au moment de coucher cette relation particulière sur le papier, jusqu'à rechercher la Georgette d'aujourd'hui, désireuse de renouer un contact perdu si violemment. Mais je vous laisse découvrir le résultat de cette démarche, soulignant plutôt le charme mélancolique de ces souvenirs en super 8, avec les images tremblantes, aux couleurs passées qui soulignent le côté nostalgique de cet émouvante évocation de l'enfance.
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