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Citations de Dima Abdallah (152)


Par-dessus tout, je ne penserai pas à lui. J'ordonnerai à mon cerveau de ne surtout pas l'imaginer là, encore debout, sur cette route devant la maison. Je ne penserai pas à lui assis seul sur la petite terrasse. Je ne me demanderai pas à cette heure-ci, au petit matin, ce que contient son verre posé sur la table devant lui. Je n'hésiterai pas entre un café et un whisky. Je n'imaginerai pas les volutes de sa cigarette glisser sur les murs nus. Je n'imaginerai pas ses allées et venues dans la maison où il n'y a que trois ou quatre meubles, le strict nécessaire, et qui n'est pas sa maison. Non, je ne penserai pas à lui et au fait que cette voiture, kilomètre après kilomètre, est en train de m'éloigner de lui, de m'arracher à lui, de l'abandonner lui et le pot de marjolaine. Non, je ne me dirai pas ça, je me dirai qu'on part juste en voyage pour quelques semaines, peut être quelques mois, comme beaucoup de gens, qu'on ne quitte pas, qu'on ne quitte rien, qu'on s'en va juste voir un peu de pays.
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J’aime les gens qui doutent, hésitent et osent se poser des questions. Trop de questions. J’aime les gens qui se trompent et tombent.
(page 230)
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Khaled parle un arabe encore plus mauvais que le mien. Il doit connaître deux ou trois expressions qu’il s’acharne à vouloir utiliser tant bien que mal. Je préfèrerais qu’il me parle en français pour qu’on ait un peu plus de trois mots à s’échanger et pour que je sois un peu moins embarrassée de mon arabe. Je lui réponds en arabe parce que je sais pourquoi il continue à vouloir utiliser ces quelques mots. Ces mots, c’est tout ce qu’il lui reste pour dire qu’il ne peut pas tout oublier, il reste toujours deux ou trois mots qui s’accrochent.
(page 220)
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Ma mémoire fait repousser chaque matin des mauvaises herbes obscures que j’arrache sans relâche et en vain. Elle les fait repousser à la vitesse de la lumière chaque jour au petit matin. Elle fait dégringoler encore et encore le rocher en bas de la montagne et je n’en peux plus de pousser.
(page 196)
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Elle a passé sa vie à devoir renoncer à tout : ses jouets, sa maison, sa ville, ses amis, sa famille, son pays, sa langue. Moi. Je la fais renoncer à moi depuis si longtemps. Partir est le meilleur moyen pour ne plus rien avoir à perdre.
(page 129)
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J’ai longuement réfléchi à la raison pour laquelle il y a tant de clochards dans un pays si riche. Je crois que, s’ils laissent les gens dans la rue, ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas les moyens de les aider, ni de les chasser. C’est pour les laisser là, à la vue de tous, comme un exemple, comme ce qu’il ne faut pas faire, comme un avertissement.
(page 112)
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Je repense à elle qui me demandait le nom des mauvaises herbes, des adventices qui poussent autour des rosiers et des jasmins, et je m’en veux de n’avoir jamais su répondre. Je me dis qu’elle avait raison de s’intéresser autant aux mauvaises herbes qu’aux bonnes. J’espère qu’elle grandira comme poussent ces adventices.
(page 106)
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Douze ans de checkpoints, douze ans de fermeture d’école, douze ans d’égouts à même la rue. Douze ans de barricades, douze ans de gare-toi sur le côté, douze ans d’ouvre ton coffre, douze ans de donne tes papiers. Douze ans de crépuscule, douze ans de décadence, douze ans de déchéance, d’anéantissement de tout.
(page 102)
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Je ne penserai pas au gardien qui entretenait si bien les bacs à fleurs ni à ses filles qui l’ont vu succomber aux balles d’un groupe de miliciens dans le hall de l’immeuble, juste à côté des immenses bacs si bien entretenus.
(page 94)
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J’avais travaillé ma mémoire au corps pour parvenir tous les jours à tout oublier. L’habitude m’avait aidé à anesthésier toutes les images de la démence et de la déchéance. L’habitude et le quotidien m’avaient aidé à ne plus y prêter attention. Parce qu’on s’habitue à tout. Je m’étais habitué à ce paysage. Onze ans après la guerre civile. Onze ans, c’est long. On s’adapte. La rétine et le cerveau classent les images dans la case de ce qui est connu. Et ce qui est connu devient banal.
(page 81)
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Elle me regardait de ses yeux encore humides de larmes et me souriait. Moi, j’aurais dû être la montagne, le roc, le guerrier. C’est moi qui aurais dû sourire et lui dire de ne pas s’inquiéter. C’est moi qui aurais dû lui signifier que, tant que j’étais là, rien ne pouvait lui arriver. J’aurais dû être un chef-d’œuvre de force et de virilité. J’aurais dû être le mâle alpha, l’intrépide, l’inébranlable.
(pages 74-75)
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Mon talent n’est pas reconnu, il ne le sera jamais. Tout ce qu’il a vu, c’est mon joli dessin qui n’est pas si joli d’ailleurs. Il n’a pas compris le sens. Il n’a rien compris, il prend ça à la légère. Je ne veux pas que mes poèmes soient jolis, je veux qu’ils soient sérieux et émouvants. La poésie, c’est une affaire sérieuse. (page 59)
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Les casse-croûte de ma mère sont un poème. Ma mère tout entière est un poème.
(page 37)
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Quand on arrive devant l’immeuble, la première pensée qui me vient alors à l’esprit, comme à chaque fois : y a-t-il du courant ou pas ? S’il y a encore une coupure d’électricité, il faudra monter à pied. Ils coupent le courant de plus en plus souvent, au moins la moitié du temps, et très peu d’immeubles ont un générateur assez puissant pour faire fonctionner les ascenseurs.
(page 35)
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Je ne sais pas quoi faire, moi, pour alléger le poids qu’elle porte sur ses petites épaules. Je ne sais ni quoi faire, ni quoi dire. Je ne suis pas très doué pour parler, encore moins rassurer. La seule chose que je sais, c’est faire semblant que tout va bien et sortir deux ou trois blagues. Je ne sers à rien, moi, dès qu’il s’agit de parler vraiment.
(page 31)
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Les filles qui pleurent le plus sont celles qui sont le mieux coiffées, elles n’ont jamais de petits frisottis sur le devant. La plupart ont des cheveux lisses et bien coiffés, même en fin de journée.
(pages 14-15)
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Non, moi, comme d’habitude, dès que les tirs se sont intensifiés, j’ai prié pour que ça dure assez longtemps pour inquiéter les professeurs. Je savais que, plus le bruit était fort, plus les explosions étaient régulières et rapprochées, plus on avait une chance de rentrer chez nous. Je ne suis pas bête, je sais qu’il se passe quelque chose, quelque chose de sérieux.
(page 12)
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Une fois en route, je me retournais souvent pour voir si elle avait peur, mais elle est restait calme, comme d'habitude, et me souriait de temps en temps. A mi-chemin de la maison, je lui ai dit que le marchand de glace était sûrement fermé à cette heure-ci. Demain on irait tous les quatre prendre un gros cornet de glace italienne au bord de la mer. Elle n'a pas insisté. Elle ne m'a pas répondu. Après une énorme détonation, je l'ai vue dans le rétroviseur, toujours aussi calme, les deux mains sur les oreilles. Je me suis dit qu'il fallait que je lui parle, que je dise n'importe quoi, que je trouve des mots pour en faire une phrase et je lui ai demandé comment sa journée s'était passée. "Très bien." Je lui ai demandé ce qu'ils faisaient en classe pour que ce maudit cartable soit aussi lourd et je lui ai proposé de le jeter par la fenêtre pour la faire rire. Elle a beaucoup ri. Puis on a gardé le silence de longues minutes avant que je ne me résolve, après une énième détonation, à lui dire de baisser la tête.
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Un poème, c’est de l’émotion, un poème, c’est une sorte de cri, je crois. Mon poème, c’est un hurlement. La mer la nuit, ce n’est pas joli, c’est triste et ça fait un peu peur. On a l’impression que les vagues inspirent quand elles se forment et qu’elles expirent en soupirant de chagrin quand elles viennent s’écraser et mourir sur le sable. Les humains ne comprennent pas grand-chose à toutes ces choses, je trouve.
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Les pollens des jasmins ont été éparpillés aux quatre coins du pays, quelque chose de nous, quelque chose qui nous ressemble, est devenu sédentaire, a pris racine, a trouvé une terre. Quelque chose de nous a trouvé quelques parcelles de terreau propre pour s'y enfoncer.
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