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Critiques de Djilali Bencheikh (25)
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Terre de ma mère

Suite à leur rencontre dans une réunion littéraire, les auteurs, tous deux romanciers, décident de correspondre pour échanger leur vision de leur terre d'origine, l'Algérie.

Djilali est tout de suite attiré par les yeux bleus de Sophie. Ils lui rappellent ceux d'une jeune Juliette rencontrée à l'école.

Sophie a une envie irrépressible de mieux connaître l'Algérie, ce pays que les siens ont pourtant renié, tout en en gardant de lui, un souvenir, toujours davantage embelli d'année en année.



Ce recueil est la compilation de leurs correspondances durant tout un été : les seize courtes lettres se complètent parfaitement et surtout, se répondent.

Nés tous deux à vingt ans de distance, ils n'ont bien évidemment pas le même point de vue sur leur pays.

Sophie est fille de "Pieds-noirs". Elle vit aujourd'hui en Suisse et enseigne le français. Elle va chercher à retrouver l'Algérie telle que la lui décrivait sa mère, celle des grandes fêtes colorées et si vivantes, des rires et des chants, des mounas que l'on partageait, et des pieds nus dans le sable...

Djilali est né un peu avant la guerre d'Indépendance dans un petit village entre Alger et Oran. Pour lui, l'Algérie c'est à la fois de beaux souvenirs d'enfance, mais aussi la pauvreté, l'injustice, la dureté de la guerre et des hommes, la rancœur de certains algériens et leur légitime colère, mais aussi la joie d'aller à l'école pour apprendre toujours plus, grâce à ses instituteurs qui croyaient en lui.

Evidemment, tous deux n'ont pas vécu la même enfance, mais ils restent reliés pour toujours à l'Algérie, leur pays, celui où se trouvent leurs racines familiales.



Ce qui m'a touché dans ce récit épistolaire, c'est la sincérité des propos et le respect mutuel dont tous deux font preuve, lors de leurs échanges.

Ceux de Djilali, qui nous livre ici des propos particulièrement apaisants, sont emplis de sagesse. C'est lui le plus âgé et il fait donc preuve de maturité répondant à Sophie, lui expliquant ce qu'elle n'a pas vécu, comme par exemple la vie quotidienne des algériens pauvres, les horreurs de la guerre d'indépendance, la responsabilité des hommes politiques.



Ce recueil est une belle façon de revisiter l'histoire en croisant le regard et le ressenti de ces deux personnes différentes.

Il peut être lu dès l'adolescence même si je reconnais que ce genre de récit épistolaire n'est pas forcément facile à aborder pour des ados. Cela vaut la peine de fournir un certain effort pour entrer dedans.

Ces lettres peuvent de plus, être utilisées en classe puisqu'elles se répondent. Je suis certaine qu'elles pourront être la base de débats constructifs.

Leurs deux regards, complémentaires, dressent le portrait d'un pays meurtri auquel le silence a fait considérablement de mal, comme il a fait du mal aux hommes. Ce silence a entraîné son lot de violence, amenant les hommes à taire leur amour pour lui, et cela, des deux côtés de la méditerranée.

Le sujet glisse forcément sur le thème des migrants, de tous les temps et de la méditerranée qui depuis des décennies, a été traversée, car porteuse de tous les rêves... de déceptions et de pertes humaines considérables.



Le fait que tous deux cherchent à comprendre, remettent en questions leurs a-priori et s'interrogent, tout en tentant de trouver un chemin commun sur lequel les générations futures pourront s'appuyer pour pardonner, est un beau message d'espoir...

J'ai cependant trouvé le ton employé par Djilali, par moment trop moralisateur ce qui a un peu gâché ma découverte.



Merci à Babelio et aux Editions "Chèvre-feuille étoilée" de m'avoir permis de découvrir cet échange épistolaire. Cela me donne envie de découvrir les livres de ces deux auteurs.
Lien : http://www.bulledemanou.com/..
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Terre de ma mère

Djilali et Sophie sont enfants de la même terre, l'Algérie, nés à presque vingt ans de distance, l'un un peu avant la guerre d'indépendance, l'autre tout à fait à la fin, l'une, née en France car son père ne voulait même pas que ses papiers d'identité la rattachent à l'Algérie (ce qui en dit long sur l'ambiance de l'époque !), l'autre ayant vécu ses premières années dans un petit bled un peu poussiéreux, à mi-chemin entre Alger et Oran, ni très riche ni très pauvre, comme il y en avait tant. Ils se rencontrent à l'occasion d'une réception littéraire pour le premier roman de Sophie et sympathisent. Les superbes yeux bleus de Sophie éblouissent Djilali et lui rappellent une petite fille, Juliette, qui l'avait fascinée quand il l'avait rencontrée à l'école . Et si, se demande-t-il, Sophie était la fille de Juliette ? Sophie, elle, la fille de « pieds-noirs », née en France et vivant en Suisse, voit en Djilali celui qui lui rendra cette Algérie qu'elle n'a connue que par les souvenirs de ses parents, qu'elle a volontairement niée en elle et qu'elle aspire maintenant à connaître. S'ensuivra la correspondance publiée ici entre la petite fille romantique et l'homme mûr désillusionné (enfin presque, ils ont un peu dépassé cet âge, mais c'est de cet âge-là qu'ils écrivent…) : Sophie cherche désespérément à retrouver les souvenirs de sa mère, le soleil, les « mounas » festives, la plage, les palmiers du Front de mer d'Oran, Djilali lui répond par une évocation sans concession de ce qu'était ce paradis pour un petit garçon plutôt pauvre. Sophie rêve de marcher pieds nus dans la terre et Djilali la ramène à la réalité en lui expliquant ce que c'était que de devoir marcher pieds nus pour ne pas abîmer ses souliers en allant à l'école : « Tu le sais comme moi, courir sans chaussures n'était pas un luxe pour tout le monde, ni forcément un signe de misère (…) Pour les uns, issus d'une nichée de onze enfants, le pater familias n'avait pas de sous à consacrer au pied (…) Pour des milliers d'autres enfants de la terre, c'était la seule possibilité de préserver ses sandales et de les conserver propres pour avoir le droit de rejoindre sa classe ». A quoi rétorque en conclusion Sophie, citant son aieule paternelle, une Lorraine ayant fait partie des convois de personnes déplacées en 1915 : « tout ça c'est bien gentil, mes enfants, mais encore faut-il avoir de la galette ».

Tous deux sont lucides, honnêtes sur l'histoire de ce pays qui est profondément le leur, ni l'un ni l'autre ne développent de rancunes, tous deux en connaissent et pardonnent les défaillances, mais la mère de Sophie lui parle d'un beau pays abandonné tandis que celle de Djilali lui dit « Mon fils, toi qui fréquentes ceux qui savent, dis-moi un peu, cette indépendance, ça se termine quand ? ». Deux désillusions.

Deux expériences, deux regards, deux ressentis qui s'échangent en seize courtes lettres, sans conclure, d'ailleurs, juste avec amitié et bonne volonté. Une correspondance qui devrait tous nous toucher, nous enfants du peuple de « l'Entre deux rives », comme le dit Anne Châtel-Demenge , « Ce pays sans frontières (qui) ne figure pas sur la mappemonde, quoiqu'il soit peuplé de nombreux habitants de part et d'autre de la Méditerranée ». Les autres, que l'Algérie met mal à l'aise, n'en auront sans doute que faire, mais pour nous tous, c'est un document inestimable et qui fait chaud au coeur.







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Terre de ma mère

Tout pourrait séparer Sophie et Djilali, elle la fille de Pieds-Noirs née en France qui a de l'Algérie la vision mythique et fantasmée de ses parents exilés de 1962, lui l'enfant du bled qui a connu le joug des colons, mais aussi le sacerdoce de son instituteur Albert Gounelle.

Sophie vit maintenant en Suisse et Djilali en France.

Dans ce long échange épistolaire de seize lettres ils cherchent ce qui les rapproche, ils échangent leur vision de ce pays, ils veulent s'affranchir des clichés, regarder l'avenir en dépassant le passé, « (…) si nous passions le reste de nos existences à opposer les mémoires, comme le font les ultras des deux rives, notre histoire commune en s'écrirait pas. »

Entre celui qui est né dans un pays qui n'existe plus, dont il ne peut que rêver ou se souvenir, et celui qui ne peut vivre dans le pays pour lequel il s'est battu, il existe un point commun, ils ont perdu une part de leur identité, aux yeux des autres ils sont des étrangers : « L'Algérie est devenue un espace étriqué où je ne sais plus marcher au rythme des autres. » ;

En effet « Parler de réparations, de justice, c'est encore revenir à la blessure toujours cuisante. », nous dit Djilali.

Djilali cite sa mère, « (…) cette indépendance, ça se termine quand ? », incite chaque acteur de ce conflit à « Vider son sac certes, puis le remplir des germes du futur. »

Sophie relie ce qu'ont vécu ses parents à l'actualité « Les migrants d'aujourd'hui incarnaient des pages douloureuses du passé des miens. »

Djilali est plus pragmatique il déclare : « Arrêtez de célébrer des massacres, Arrêtez de célébrer des noms, Arrêtez de célébrer des morts. » et vilipende-les « (…) visions souvent partisanes, toujours partielles car oublieuses des petites histoires, des destins des gens. »

Un livre qui n'est pas sans rappeler la sensibilité de Jean Pélégri dans Ma mère l'Algérie quand il déclare « (...) on a besoin de celui qui est d'une autre langue et d'une autre foi pour découvrir l'autre côté de la réalité, l'autre nom des choses (...) C'est la différence qui nous enseigne et nous agrandit. »

Comme Sophie et Djilali, Jean Pélégri ne pouvait partager la vision manichéenne des deux Algérie qui s'affrontaient à coup d'attentats, « (...) où chacun justifiait ses violences par celles des autres, (...) », et qui souvent, « (...) s'ils parlaient du même paysage, ne parlaient pas toujours de la même Algérie. »

Un livre émouvant qui donne une vision plus légitime et plus humaine de la vie des multiples communautés qui ont vécu en Algérie et ont contribué aussi à son histoire.

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Mon frère ennemi

Mon frère ennemi nous raconte une enfance algérienne, très probablement inspirée de celle de l'auteur.

Cette enfance, c'est celle de Salim qui se sent dans un âge inconfortable: trop grand pour traîner dans les jupes des femmes et encore trop petit pour être admis auprès des hommes. Il ne sait pas trop où traîner ses basques... Echauffé par la sensualité ambiante, les histoires salaces (souvent fantaisistes) racontées par le berger et les jeux troubles que lui impose la petite domestique, Salim découvre la sexualité avec autant de honte que de ravissement. Il lui tarde de voir venir la cérémonie de purification qui, symboliquement, lui permettra d'intégrer la communauté des hommes et de, qui sait, de pouvoir faire "la niqua" avec la "garçonna" en toute légitimité. En attendant, s'ouvrent à lui les portes de l'école française, source de nouvelles découvertes et de nouveaux tourments mais aussi de ses espoirs.

Au travers de ses histoires, Salim nous décrit la vie rude dans un village, les traditions et les usages, l'éducation sévère, l'injustice mais s'interroge aussi sur le monde qui l'entoure.

Pour écrire ces moments d'une enfance rurale qui m'a fait penser à Colette et à Pagnol, l'auteur a un peu laissé tremper sa plume dans la harrissa. Sa prose simple et délectable est épicée par des mots arabes ou des mots français prononcés avec l'accent du bled (ex: midicoule pour maître d'école) qui font sourire mais donnent au récit tout son piquant. Un vrai régal !

Par contre, je n'ai pas trop bien compris le choix du titre car les relations fraternelles, très peu évoquées, ne paraissent pas pire que dans n'importe quelle famille.

Mon frère ennemi, est le premier opus d'une trilogie. Il est suivi par Tes yeux bleus occupent mon esprit puis de Nina sur ma route qui mettent en scène Salim adolescent puis jeune adulte.
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Mon frère ennemi

Dans l'Algérie coloniale, en pleine guerre d'Indépendance, un petit garçon de famille à peu près aisée vit dans un bled reculé, dans une grande maison pleine de frères (dont l'ennemi intime) et de soeurs, avec une douce maman et un père trop autoritaire. Il n'est que peu en contact avec les orgueilleux "européens", à part le marchand de journaux et les instituteurs (les "midicoules" : maîtres d'école). Plutôt bon élève et trop sage, il rêve d'être grand (c.à d. circoncis) et cherche à assouvir ses curiosités sexuelles auprès de la souillon du coin et du berger : les informations qu'il reçoit de ce dernier valent leur pesant de cacahuètes ! Il se voit aussi en héros de l'Indépendance, déplore le mariage de ses soeurs, se livre a de violentes diatribes contre leurs belles-mères, ces matrones à l'appétit vorace qui vont, c'est sûr, les réduire en esclavage, et il crève de honte dans les lieux publics, boutiques et cafés;

L'un des charmes, à mes yeux, de cet ouvrage est l'utilisation immodérée des emprunts au français par la langue vernaculaire (type "midicoule").

Livre savoureux, plein de verve, de drôlerie, où l'on sent toute la poussière, toute la chaleur, toute la misère et la générosité du "bled".

(On ne trouve malheureusement plus ce livre épuisé que sur des sites de vente d'occasion)
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Le treillis et la mini-jupe

Après ses amours passionnées avec la jeune Nina (voir l'excellent « Nina sur ma route ») et la perte douloureuse de cet amour de jeunesse, le jeune Salim repart à Alger poursuivre mollement et sans grand succès, des études d'économie. On est en 1967, sous Houari Boumediène, à l'heure où commence la guerre israélo-arabe.

La jeunesse estudiantine est plutôt désabusée, contestatrice, si bien qu'en février 1968, une rafle monumentale envoie des centaines d'étudiants au commissariat et ferme l'université pendant trois semaines. Les filles de familles sont récupérées par leurs parents, les garçons se retrouvent à l'armée. Une préfiguration des contestations étudiantes de Paris, quelques mois plus tard.

Une sorte d'Alger sans Nina ou Salim survit et va de fille en fille, plus proie que prédateur, et promène un regard lucide et amusé sur cette bureaucratie vieillotte qui est en train de se mettre en place.

Baigné par l'émotion discrète de la perte de son amour de jeunesse, une description à l'emporte pièce, sans illusion et drôle, du bouillonnement de cette fin des années soixante, cette décennie où disparaissent Lumumba, Mehdi Ben Barka, le Che, Martin Luther King. La fin d'un rêve.

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Tes yeux bleus occupent mon esprit

Un plaisir de retrouver la plume toujours aussi vivante et rythmée de Djilali Bencheikh.

On retrouve les personnages de Mon frère-ennemi, un peu plus âgés (on n'est pas obligés d'avoir lu le 1er pour comprendre le 2nd), plus matures, plus idéalistes.

L'histoire est passionnante mais ce qui retient surtout mon attention c'est cette analyse acérée de la guerre d'Algérie et des premiers mois de l'indépendance (ce n'est pas le sujet principal du livre mais une trame de fond). C'est très osé de la part de l'auteur, je ne pense pas que ce serait passé s'il n'était pas algérien. D'ailleurs même pour un Algérien ce n'est pas très politiquement correct. Grinçant et délicieux !!!
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Mon frère ennemi

L'histoire d'un gosse qui raconte sa vie de tous les jours, au début des années 50. Dans une famille rurale figée dans le sous-emploi et l'analphabétisme, versée dans l'agriculture, pas très aisée mais nullement dans la misère. Un père et des frères machos, une mère soumise mais pilier incontournable de la maison, une sœur aimante mais qui doit se marier… en ville, la chaleur de l'été, le grand froid de l'hiver, l'école, pas encore… et, surtout, les premières pulsions sexuelles et la découverte de la «femelle» (on commence par la chèvre du coin, sous la haute autorité du berger du coin) , avec des apprentissages à la va-vite avec la «garçouna», une orpheline exploitée par (presque) tous. Enfin, l'école qui ouvre d'autres horizons et fait se rencontrer d'autres personnes d'un «autre monde». Comme l'instituteur, un «Arabe» qui lit, en cachette, un journal... Alger Républicain. Aux côtés de filles… arabes aussi ! Et, de nouvelles inquiétudes et de nouveaux tourments aussi. Enfin, vient la si attendue et si redoutée circoncisons. Racontée avec force détails. Le passage de l'enfance à l'âge adulte. Ou, plutôt d'enfant, ignoré par les grands et même par les parents, malmené par les grands frères, à l'état d' «homme». Et, qui découvre la violence… pour se défendre (contre le grand frère, un «haggar», comme tous les grands frères). Cela ne tenait donc qu'à un petit bout de chair !



Une Algérie, celle de l'intérieur, encore peu racontée alors que beaucoup vécue… Pourtant, c'est celle-ci, la vie quotidienne du peuple, qui a fait, vraiment, le lit de notre Histoire.



Avis : Se lit d'un trait tant l'écriture «s'y déploie à un rythme débridé et jubilatoire». De l'humour et de l'autodérision. De la sincérité, aussi. Comme si vous y étiez. Car, c'est un peu, beaucoup ou complètement, cela dépend, le déroulement de la vie quotidienne, de la naissance à la circoncision, de bien d'entre les sexagénaires et plus d‘aujourd'hui. Souvenirs, souvenirs !

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Nina sur ma route

A lire absolument. Roman d'apprentissage, éducation sentimentale, évocation historique des premières années de l'Algérie indépendante, de la France d'avant 68, voyage d'initiation à travers l'Europe... c'est le plus beau roman d'amour que j'aie lu depuis longtemps. Khadra et ses arrogantes cavalières, Cohen et sa Belle pleurnicharde (pardon aux inconditionnels) peuvent aller se rhabiller : à partir d'une photo jaunie, Djilali Bencheikh a crée un personnage de femme plus émouvante que toutes les belles du monde. Etudiante fluette et sans formes, intellectuelle engagée, polytechnicienne (en Algérie), ironique, passionnée, libre, totalement libre... une fille d'après Beauvoir et M'Rabet. Une femme libérée, si fragile, comme dans la chanson. Et un premier amour dévorant et impitoyable.

Beaucoup d'humour, un regard acéré sur le monde - acéré et tendre. Et j'ai refermé le livre, la gorge serrée.

Enorme coup de cœur, j'espère qu'il aura l'accueil qu'il mérite.

(400 pages, édition Zellige)
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Mon frère ennemi

« J’ai ouvert les yeux au monde dans une grande maison claire aux épais murs de pierre. »

Ainsi débute le récit autobiographique de ce petit garçon né dans un Douar de l’Algérie coloniale dans les années 50.



D’une écriture faussement naïve mais réellement harmonieuse, chaleureuse et drôle, Djilali Bencheikh nous raconte son enfance pauvre et heureuse, « Autour de la cour rectangulaire s’agençaient une demi-douzaine d’alvéoles où cohabitaient les bêtes et les humains. La khaïma, protégée par des sarments prometteurs, était la pièce essentielle de la maisonnée. Baptisée ainsi en réminiscence d’un ancien destin de nomades, elle abrite depuis toujours tous les actes de la vie quotidienne. »

Avec lui, nous découvrons les « Roumis », « peuple » détesté mais admiré quelque fois copié,

Ah, les Roumis ! « On leur prêtait des mœurs barbares, comme celles de manger de la chair animale non égorgée, de s’adonner à des libations et des beuveries qui les rendaient insensés et grossiers. Ils en venaient à ressembler à leurs cochons, ces sangliers domestiques dont ils affectionnaient les tripes. »





Ah les siestes trop longues en compagnie du frère-ennemi à faire un massacre de mouches !!! Ce frère-ennemi tant détesté et cette grande sœur Zahra, tant aimée, que l’on donne en pâture mariage à un citadin. « On est bel et bien entrain de vendre ma sœur. Pour un simple paquet de friandises. » La cérémonie du mariage où, tout est là pour ne pas décevoir la belle-famille qui arrive en « tomobiles » « Encadrés par les cavaliers, les deux engins foncent vers nous, et soulèvent un tourbillon de paille et de poussière en déclenchant une tonitruante complainte de sirènes. « Tomobiles, klaxouns », crient avec une frénésie de primates les plus avertis de la tribu. »



Que de questionnements sur cette fameuse « niqua ». R’nia, petite bergère bédouine saura lui faire quelques « leçons de chose » sur la « chose » en lui permettant de découvrir « sa figue ». Heureusement, le berger Hamel est également là pour lui donner des informations vitales et quelles informations !!! « Dans ce trou de forme évasée nommé soua, le mâle introduit chaque nuit son zeb dressé pour honorer sa femelle. Cette copulation ou niqua procure beaucoup de plaisir à l’homme. Pendant sa jouissance, il éjecte un liquide crémeux, une sorte de pipi doucereux nommé h’laoua. Ce liquide est versé dans le ventre de la femelle qui le conserve par-devers elle. Lorsqu’au bout d’une année son ventre est suffisamment plein de cette douceur, cela produit un bébé qui est pondu comme un veau ou un poulain. ». Et encore d’autres explications toutes aussi fleuries.



De par son jeune âge et jusqu’à la circoncision, l’enfant vit dans les jupes des femmes, surprend quelques poses lascives, s’enivre de leurs parfums, de leurs rires. Du côté des mâles, on ne rit pas, on parle politique, agriculture….



N’allez pas croire que c’est un petit roman comme tant d’autres sur l’enfance vue et interprétée par son auteur. Non, ce livre est plus profond. A travers cette balade dans l’enfance de l’auteur, j’ai découvert la vie au bled, la vie dans l’Algérie « profonde », les prémices de ce que nos politiques qualifieront « d’évènements ». C’est un condensé sur la culture maghrébine, « Cette identité tranquillement vécue en dépit du mépris roumi s’élargissait aux nues célestes du sacré. » comme peut la comprendre un petit garçon, à travers les dires d’un berger ignare. Petit enfant vif et doué, le « midicoule » saura l’apprivoiser.



Ce livre n’est pas sans me rappeler La compagnie des Tripolitaines de Kamal Ben Hameda.

J’y ai trouvé la même douceur, la même chaleur, la même sensualité.





La collection Elyzad-poche est d’une très grande qualité. La couverture à rabat épaisse, avec ses décors orientaux, est un appel à la lecture. Quant à l’auteur, je ne peux que vous recommander de le découvrir.



Je lirai avec le même plaisir le second opus « Tes yeux bleus occupent mon regard »



Je me souviens de mon enfance dans ces mêmes années, comment, nous, « de la ville », nous regardions les paysans qui vivaient à 3 ou 4 générations dans la même ferme …. Tout comme nous dénigraient ces petits « parigots tête de veau » !!!! Nous n’étions guère plus riches mais pas malheureux pour autant.


Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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Tes yeux bleus occupent mon esprit

Très jolie chronique d'une enfance et adolescence algérienne pendant que couve la guerre d'indépendance

En 1954, Salim, jeune algérien d'un douar misérable de la région d'Orléansville, se détache de ses congénères par ses facilités d'apprentissage à l'école du village. Lui et son frère Elgoum feront partie des rares élus à partir en 6ème en pension à Orléansville malgré l'opposition de leur père autoritaire et violent qui veut faire d'eux des bergers.

Tes yeux bleus occupent mon esprit, c'est le parcours initiatique que doit affronter un enfant, puis un adolescent dans un pays en proie à la tourmente. A la veille de l’indépendance de l’Algérie, Salim est tiraillé entre sa fascination pour la France, sa langue qu’il maîtrise habilement et la peur de trahir son pays et les siens qui se battent pour leur liberté.

Roman d’initiation plein de fraîcheur et d’innocence, d’humour et de gaieté, il soulève délicatement des questions graves qui sont encore d'actualité aujourd'hui.

A noter le ravissant écrin des éditions Elyzad !
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Tes yeux bleus occupent mon esprit

Je suis tombée par hasard sur ce joli (d’un point de vue esthétique) livre, publié chez un éditeur inconnu de moi – Elyzad – qui est un éditeur tunisien : beau papier, belle couverture, et format petit poche. La quatrième de couverture m’accroche aussi. Et c’est une jolie surprise !



Cela commence comme cela : « Je viens juste de l’apprendre. Les couleurs ont une âme. Mes camarades ne veulent pas le croire, mais moi je suis d’accord avec la maîtresse. Les couleurs expriment des sentiments. Et chacune d’elles d’habille d’un symbole ». Et c’est là le début d’un beau roman d’apprentissage. Nous suivons les aventures de Salim, un enfant algérien du douar, âgé de dix ans dans les premières pages, dans les années 1950 et 1960.



Il s’agit à la fois d’une sorte de Petit Nicolas à Orléansville, avec des péripéties, des bêtises, et un humour plein de tendresse sur l’enfance. C’est aussi un récit plus grave, celui des « z’èvenemlents » de la guerre d’Algérie, vus par le regard tantôt naïf, tantôt idéaliste, d’un jeune garçon puis d’un adolescent. C’est l’éveil de Salim à la vie, aux désirs, à la politique. C’est son éveil aussi à la connaissance et au bonheur de savoir, l’éducation lui permettant d’échapper à son destin – apparemment tout tracé – de berger. Cette fascination tiraille Salim



Bien loin de tomber dans des clichés caricaturaux, le récit forme un tissage complexe et nuancé, souvent très émouvant, comme ce discours que l’instituteur M. Vermeille tient à ses élèves au début de la guerre, lors du dernier cours de l’année scolaire : « Encore une fois je vous en prie. Ne cédez pas à la folie des hommes qui veulent déchirer ce beau pays. Il est possible que ces paroles déplaisent à des oreilles récalcitrantes. Peu importe. Je m’adresse avant tout à ceux qui veulent avancer sur la voie du progrès » (page 137).



Le style – qui évolue en même temps que Salim grandit – est léger et enlevé, et nous promène d’épisode en épisode au sein de chapitres courts se succédant rapidement.



Beau portrait d’adolescent, et beau portrait de la jeune Algérie aussi.
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
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Mon frère ennemi

Une lecture passionnante, une plume envoûtante, j'ai adoré découvrir cet auteur.

On est dans une ambiance à la Pagnol mais avec pour décor la campagne algérienne : les moissons, le mariage de la soeur, les premiers jours d'ecole, les jeux avec les copains, la circoncision... C'est frais, intelligent, sans clichés. Je n'ai qu'une envie, continuer à suivre les aventures du petit Salim dans 'Tes yeux bleus occupent mon esprit'.

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Tes yeux bleus occupent mon esprit

"Je ne pense jamais comme ceux de mon clan. Les miens n’ont rien à m’apprendre. Je sais tout d’eux, ils savent tout de moi. Avec les étrangers, quelle que soit leur origine, je m’instruis en permanence, j’ai l’impression d’être en perpétuel voyage".

Ainsi parle Salim, le narrateur de ce roman, qui nous aura mené du tout début des "événements" à l’indépendance de l’Algérie. Presque huit ans se seront écoulées entre le début et la fin du récit, qui voit Salim passer de l’enfance à l’orée de l’âge adulte.

Choisir un enfant comme narrateur n’est pas chose aisée, mais Djilali Bencheikh sait les éviter. Déjà, il sait faire évoluer le langage de son héros, mais aussi son regard, son analyse sur ce qui l’entoure. Le petit garçon du douar devient un adolescent qui ne veut surtout pas devenir un berger, comme l’obstination de son père l’y condamne, un temps. Pour lui comme pour ses frères, l’émancipation passe par les études, ce qui ne signifie pas trahir les siens, comme le lui serinent certains de ses camarades.

Pas de manichéisme dans ce roman. La bêtise et la violence ne sont pas l’apanage d’un seul camp. La barbarie n’est pas passée sous silence, elle est racontée de la même manière que l’on conte un événement tragique à un enfant : en lui synthétisant les informations, sans s’étendre dans de longs discours. Peu de mots peuvent avoir beaucoup de poids.

Son frère Elgoum prendra la parole à l’avant-dernier chapitre. Il offre un regard plus mûr. De deux ans plus âgé, il n’a pas la naïveté, l’idéalisme de son frère. Il sait, crument, certains faits, certaines trahisons, certains carnages. Il est d’une grande lucidité, et d’une grande tendresse pour son frère.

Une très belle oeuvre à découvrir.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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Tes yeux bleus occupent mon esprit

Rien à ajouter aux excellentes critiques de ce livre exposées ici, sauf qu'à mes yeux, le premier ("Mon frère ennemi", aujourd'hui presque introuvable) est encore plus savoureux. Moins "sérieux", sans doute aussi, parce que la guerre y est moins présente et que le jeune protagoniste n'a pas 7 ans. Mais, à défaut...
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Tes yeux bleus occupent mon esprit

Djilali Bencheikh retrace les évènements de la guerre d'Algérie, vus au travers des yeux d'un enfant. Salim a10 ans en 1954 et au fil des paragraphes, il découvre à la fois son pays et les prémisses de l'amour. Et c'est surtout à l'école que se passent ces deux apprentissages. Un enfant ne perçoit pas vraiment les problèmes du colonialisme. Salim est ami avec des français, "les roumis", des juifs ou des arabes. Il ressent toutefois assez cruellement la misère de sa famille, la rigueur de son père et les contraintes de la religion.

" J'ai honte du sang blédard qui coule dans mes veines. Peut-on se débarasser d'un tel héritage par la seule magie du savoir?"

Des évènements douloureux pour ses copains d'école ou dans sa famille vont petit à petit forger son caractère. Salim comprend rapidement que pour les jeunes de son âge la seule issue est l'éducation, même si certains lui reprochent d'exceller dans les matières des français.

" Mais je crois que l'avenir de notre pays exige une bonne répartition des tâches: celle de notre génération est delibérer le pays. La vôtre est d'étudier pour oeuvrer à sa construction."

Même si il est très vite fasciné par la résistance, tenté par l'entrée au maquis, sa jeunesse lui évitera de tels pièges car c'est une guerre violente.L'auteur évoque cette cruauté de manière très rapide mais concrète. Le récit ne peut pas être violent car ils est perçu par des yeux d'enfant. Ainsi la naïveté, l'espoir, l'humour, la légèreté prédominent en évoquant par exemple les découvertes cinématographiques ou en utilisant des mots français de manière phonétique et humoristique.

J'ai apprécié de lire le point de vue d'Elgoum (juste l'avant dernier chapitre), le frère de Salim qui a juste deux ans de plus mais qui voit les choses de manière différente et plus réaliste.

Cette vision des événements par un jeune algérien est pour moi novatrice car si j'ai lu plusieurs livres sur la guerre d'Algérie, celui-ci montre bien la confusion et l'incompréhension des jeunes algériens au début de ce conflit. Salim vit et apprécie les français avec lesquels il vit et ne comprend pas tout de suite ce que représente le colonialisme, l'ALN ou le FLN.

C'est un roman d'apprentissage qui allie la découverte humaine (éducation, premiers émois, drames familiaux, rapports avec les adultes) et l'initiation politique au contact des moudjahidins, des colons, du racisme.
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Tes yeux bleus occupent mon esprit

Salim est un jeune garçon vivant dans un village reculé d'Algérie, au début des années 50. Son avenir, probablement paysan ou gardien de chèvres. Mais Salim, qui va à l'école française est un élève particulièrement brillant. Un an d'avance, il rejoint en classe son frère Elgoum, qui lui a un an de retard. Il "s'éveille aux autres, à ses désirs, ses révoltes, à ce déchirement qui le gagne inexorablement." (4ème de couverture) Le livre débute dans les années 50 et se finit au lendemain de l'Indépendance de l'Algérie, le 19 mars 1962. Salim nous livre les journées d'un jeune garçon, puis d'un jeune homme pendant les "zévénements".

C'est donc un roman d'apprentissage d'un garçon dans un pays en guerre. Guerre évidemment omniprésente, mais vue d'abord par les yeux de ce jeune garçon grandissant s'ouvrant à la vie de son pays. Puis, la vision des événements varie au fur et à mesure que Salim grandit et qu'il prend conscience des injustices et des inégalités entre Arabes et Français. Là-bas, à cette époque, même le plus pauvre des Français est plus riche que l'énorme majorité des Arabes.

Salim est tiraillé entre les maquisards qui défendent l'indépendance et son attirance pour Françoise, fille d'un capitaine de l'armée française, qui l'a subjugué, notamment par son regard bleu

Je crains toujours d'entamer un roman dans lequel le narrateur est un enfant, parce que l'auteur peut parfois céder à la facilité de langage et d'analyse des situations. Djilali Bencheikh évite les deux écueils : son livre est très bien écrit, émaillé de mots algériens ou de mots français orthographiés à la diction algérienne de paysans reculés, ("zévénements" pour les événements "coolidge" pour le collège, "la péro" pour... allez, je vous laisse deviner et si vous gagnez, j'en prends un à votre santé, ...). Le texte est souvent drôle, touchant et sensible, à la fois gai et grave.

D. Bencheikh n'est pas manichéen : les bons Arabes et les mauvais Français. Je lui en sais gré, parce que, comme pour beaucoup de quarantenaires, mon papa a fait cette guerre d'Algérie et je suis persuadé qu'il ne s'est pas laissé aller à des exactions, des viols ou des meurtres gratuits ; il a d'ailleurs appris a aimer ce pays et ses habitants pendant l'année qu'il a passée vers Oran. Certes, on sent que l'auteur a une opinion et des souvenirs de cette époque (il est né dans les années 40), mais il sait nous faire partager les doutes et les tiraillements qui ont dû être les siens et ceux de nombreux autres Algériens pendant cette période. A une époque où l'on commémore "notre appel à la Résistance", celui du 18 juin 1940, c'est une bonne idée d'aller dans un autre pays, qui quelques années après le nôtre a résisté à l'envahisseur, tout aussi peu enclin à partir.

Ce livre a reçu le Prix Maghreb 2007 de l'Association des Ecrivains de langue française.
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Terre de ma mère

Tout d'abord j'aimerais remercier Babelio pour son opération de masse critique et les éditions Chèvre-feuille étoilée pour l'envoie de ce livre.



On suit dans ce court roman un échange entre Djilali et Sophie, la fille de la femme pour qui il a eut un coup de coeur des années auparavant.

Le caractère épistolaire ne m'a pas déplu, il ajoute au contraire, de la vie dans ce roman.

L'histoire se base sur un pays que les parents de Sophie ont choisi de fuir avant sa naissance, pour qu'elle puisse vivre aisément et sans craintes, et dans lequel Djilali a vécu tant d'années, dont une enfance très insouciante : l'Algérie.

La guerre ayant fait rage, la splendeur de ce pays en a prit un coup mais les souvenirs heureux de leur enfance ne se ternissent pas.

Sophie a toujours rêvé de voir ce pays qu'elle n'a pas connu, elle s'y sent connectée et vit au travers des souvenirs de ses parents. Djilali la pousse a venir, elle qui n'a pas connu la vie là bas, la pousse à venir découvrir les paysages et les habitants.



On vit l'histoire de l'Algérie à travers leurs lettres. Leur échange m'a quand même paru long, j'ai trouvé certains passages assez répétitifs et j'ai dû m'accrocher pour avoir le fin mot de l'histoire.

J'ai cependant aimé en apprendre plus sur la vie et les expériences de Djilali dans le pays de son enfance.



Pour conclure, c'est un court livre qui donne envie de connaître ce pays dont parle les auteurs avec tant de passion.
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Terre de ma mère

J'ai reçu ce livre dans le cadre de l'opération masse critique ; le thème, le dialogue entre deux écrivains ayant un lien Fort mais différent à l'Algérie, un regard croisé sur l'histoire eT le présent de ce pays.... le dialogue entre les deux auteurs rythme le livre et le rend attrayant et vif, chaque histoire est unique et singulière mais se répond, regards croisés évocateurs de cette histoire eT du rôle primordial de la France qui reste empêtrée de cela, marasme de l'Algerie et des Algériens qui peinent à se ressouder et croire en la force de leur pays sans besoin de haine ni de violence. Instructif, riche. Mais j'ai peiné sur le style et le moralisme paternaliste de M. Bencheikh. À découvrir
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Mon frère ennemi

Un douar dans l’Ouest algérien au tout début des années cinquante. Salim, petit garçon de cinq ans découvre la vie au sein de sa famille dirigée par Sidi le père sévère et adepte des corrections, la mère Lella joue son rôle modérateur et rassurant pour le petit garçon, tandis que les frères se montrent, pour l’aîné Daka, d’un autoritarisme et d’une violence inouis, et pour le frère juste au-dessus de lui, Elgoum, le frère-ennemi, une relation toujours conflictuelle et basée sur l’absence de solidarité voire l’agression permanente de la part du plus grand.

Salim apprend une infinité de choses étonnantes au fil de ses rencontres, par exemple que son prénom est Abdessalim, prénom de roi qui signifie ”esclave du Pacificateur ”. Mais il est surtout initié à la sensualité par la petite bédouine R’nia qui lui révèle les détails de l’intimité féminine et accomplit avec lui (à cinq ans?) le premier rapport sexuel. Mais Salim est trop petit, pas encore circoncis et il a grande hâte de devenir grand.

Pourtant sa circoncision est retardée d’un an car il ne peut y avoir deux fêtes la même année dans la famille . Or, il est question d’organiser le mariage de Zohra, la sœur adorée.

A cette occasion, il rencontre la belle-famille de sa sœur, des citadins qui lui font grand cas, et il savoure le bonheur d’être enfin parmi “ les grands ”, malgré les méchantes tentatives de son grand frère de le laisser isolé, enfermé dans la bergerie!



L’ambiance familiale et le ressenti du petit garçon sont rendus au travers de ses observations attentives, femmes qui débarquent juste avant le déjeuner et font des mines devant la nourriture, médisances et cancans, touffeur des fins d’après-midi, jeux sociaux entre politesse et hypocrisie. Il faut goûter d’un plat, surtout pas plus d’une bouchée, alors qu’on meurt d’envie de le finir!



Et puis Salim est inscrit à l’école où il fait des prouesses et reçoit de nombreux bons points, qui se convertiront en images, tout comme sa si attirante cousine Maya dont il tombe éperdument amoureux et son bonheur est à son comble quand il découvre qu’elle l’affiche comme “ son petit mari ” devant les copains goguenards puis envieux!

Salim devient grand mais il sera vraiment un homme après son passage initiatique, la circoncision. Effrayé mais pressé, il écoute les grands, se laisse câliner une dernière fois par les femmes, il voit avec ahurissement l’émotion de son père et enfin, fermement tenu par l’oncle sage Hilmi, il subit le rite. L’auteur fait observer que chaque rite (naissance, mariage, Aïd, circoncision), le sang d’une unique victime doit couler.



Ce livre allie la fraîcheur des souvenirs d’enfant et une information nourrie sur ce qui tisse les liens sociaux dans le monde musulman, le tout sur un fond à peine évoqué de la naissance du mouvement de libération de l’Algérie. On lit en cachette le journal “ Alger républicaine ”, on observe sans bienveillance les Roumis (les Infidèles, ici les Français) et le drame de la guerre couve insidieusement.

Un livre attachant, sincère, tant par le thème des souvenirs d’enfance que par celui de l’évocation d’un pays ancestral en pleine mutation.
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