Citations de Djilali Bencheikh (28)
En rentrant à la maison, je parle tout seul en maugréant : Nina, je t'aime et je t'emmerde, je t'aime malgré toi et va te faire voir, je t'aime, rejeton de Bretonne, je t'aime, sale Kabyle algéroise, bâtarde cosmopolite, équation à plusieurs inconnues, je t'aime et tu me manques déjà. Cruellement.
Et puis pour le Paradis on a toujours le temps. Il ne va pas disparaître du jour au lendemain, puisqu'il est éternel. Qu'Allah me pardonne, mais parfois je ne comprends rien à son raisonnement.
La paix avec la fin du couvre-feu et la libération des prisonniers. Ce sont les seuls points positifs que nous a ramenés l'indépendance. Car plus que les humiliations et les tortures des ennemis colonialistes, c'est le comportement des notres qui nous désole. Nos héros se révèlent être des voyous, pressés, cupides et incultes.
Alger-Républicain, le quotidien qui dit la vérité, rien que la vérité mais pas toute la vérité.
Au delà de leurs différends, les hommes de chez nous réaffichent leur unité contre deux boucs émissaires récurrents : la femme et le roumi.
Quant à mon père, sa carte d'identité de français-musulman porte la profession de journalier. (...) Il y a tout près, une profession tentante par sa ressemblance sémantique. Mademoiselle Piette n'en revient pas.
- Journaliste ton père ! T'en as de la chance. Moi le mien n'est que militaire.
Il me semble que la mort et l'enfance n'ont pas d'histoire commune. La mort est une affaire d'adultes, que viendrait-elle fricoter avec un garçonnet de sept ans, plein de vie et de fantaisie.
Comment un homme juste comme lui peut-il s'en prendre à des hommes qui ne réclament que justice et liberté ? Lui qui parle de fraternité humaine, n'a-t-il pas compris que ce pays ne dispense pas ses bienfaits à tout le monde. Que l'égalité proclamée n'est pas la même pour tous ?
Je viens juste de l’apprendre. Les couleurs ont une âme. Mes camarades ne veulent pas le croire, mais moi je suis d’accord avec la maîtresse. Les couleurs expriment des sentiments. Et chacune d’elles s’habille d’un symbole.
Il y a comme ça dans la vie des moments infiniment brefs, lestés d'un dilemme implacable et qui peuvent faire tout basculer d'un côté ou de l'autre.
il faut sans doute avoir été diminué, pauvre, malade ou estropié pour mesurer la force salutaire que peut instiller le regard de l'autre, lorsqu'en dépit de toutes vos tares et vos maux, ce regard vous restitue votre dignité et votre intégrité de personne, surtout quand il s'agit du regard de vos proches.
Il est le seul à arborer au col de sa chemisette une sorte de corde en tissu colorié, qui tombe jusqu'à la ceinture.
"C'est une crafatta, murmure mon frère-ennemi qui m'a rejoint au poste de guet.
- C'est pourquoi faire ? Il a pas de boutons pour fermer sa chemise ?"
Mais pourquoi faut-il que la cause de la libération nationale soit toujours défendue par des apprentis-voyous ? Car au fond, ceux qui m'ont agressé s'appellent Ali, Houari ou Hellal.Parmi ceux qui m'ont tendu la main il y a Guy, Bernard, Maurice et Serge.
Si on apprenait le calcul avec des sucreries, mes progrès seraient fulgurants.
Je ne pense jamais comme ceux de mon clan. Les miens n'ont rien à m'apprendre. Je sais tout d'eux, ils savent tout de moi. Avec les étrangers, quelle que soit leur origine, je m'instruis en permanence, j'ai l'impression d'être en perpétuel voyage
Je n'aurais jamais dû lever la tête. Je n'aurais pas reçu de plein fouet la charge magnétique de son regard. Déjà je ne parviens plus à me détacher de ses yeux, deux immenses lacs bleus où miroite la lueur espiègle du sourire (p15/16)
Hamel a dit que les hommes ne tombent pas amoureux. Des vrais mâles, rudes et virils, ne sauraient avoir la moindre faiblesse ni éprouver le moindre sentiment à l’égard des femmes. Au contraire, ce sont ces dernières qui doivent montrer leur soumission et leur reconnaissance à leur homme pour le remercier de bien vouloir les tolérer. Ce postulat de Hamel semble avoir quelque vraisemblance, à en juger par les relations entre mon père et ma mère
De toute façon, chez nous, tous les plaisirs doivent d’abord apparaître comme une contrainte. Même devant les mets les plus succulents, il faut observer une affligeante retenue. Même si on en meurt d’envie, il faut décliner par pure forme et au moins trois fois, le fruit, le plat ou la friandise qu’on vous offre
Encore une fois je vous en prie. Ne cédez pas à la folie des hommes qui veulent déchirer ce beau pays. Il est possible que ces paroles déplaisent à des oreilles récalcitrantes. Peu importe. Je m’adresse avant tout à ceux qui veulent avancer sur la voie du progrès.
«Toujours, la pudeur étouffe le désir» (p26),