Second extrait de la rencontre avec Maïssa Bey du 18 octobre à la librairie Petite Égypte.
Délit d'aimer et surtout, de le dire, de le faire, de le chanter ou de l'écrire !
Délit de penser, de rêver, d'espérer un autre monde où les bonheurs les plus simples seraient possibles, où les hommes et les femmes, ensemble, rendraient grâce à Dieu de l'immense, de l'incroyable beauté d'une terre chaque jour un peu plus ravagée par la folie des hommes.
Délit enfin d'être une femme et d'éclabousser par sa seule présence, sa seule existence, la pureté terrifiante du monde qu'ils veulent bâtir sur des ruines fumantes.
Heureusement que j’ai des livres. C’est ma seule consolation pour les jours trop sombres. Quand j’ouvre les pages, c’est comme si je m’embarquais sur un tapis volant. Très haut, très loin.
(p. 66)
Tu le savais, quand même, que des jeunes filles chômeuses diplômées, il y en a autant que de jeunes gens. Sauf qu'elles ne sont pas toute la journée dehors à tenir les murs. Donc, moins visibles. Moins remuantes, aussi. Et contrairement aux hommes, à la maison, elles, elles ne chôment pas. Tu en sais quelque chose.
La nuit, les yeux ouverts, Nadia écoute. Elle écoute la mer.
La mer monte en elle comme un lent désir. Un halètement. Battements réguliers des vagues contre son corps bercé comme aux premiers jours. Plus loin encore.
Et lorsque enfin elle s'endort, la mer encore berce ses rêves.
Bleu. Blanc. Vert. Dès qu'il a posé son cartable sur le bureau, il a dit : à partir d'aujourd' hui, je ne veux plus voir personne souligner les mots ou les phrases avec un stylo rouge !
Penché sur elle, il la regarde dormir. Lèvres entrouvertes, souffle léger, paupières closes refermées sur des visions, des rêves qui l'excluent, il ne peut pas en douter. Dans la chambre à peine éclairée par la petite lampe qu'il laisse allumée tard dans la nuit, tout est silence. Penché sur elle, il regarde ce corps souple, détendu sur les draps froissés. Il vient de la posséder. De la prendre. De la pénétrer. Apparemment. De prendre ce qui lui est donné. Apparemment. A présent il épie ce corps à l'abandon, immergé dans un espace qu'il ne peut atteindre, qu'il ne peut étreindre. Penché sur elle, il cherche à franchir les frontières de ces lieux interdits. Elle est ailleurs, seule. Seule? Si seulement il pouvait en être sûr. Comment saisir cette part d'elle qui lui échappe?
"Sa joue, rose épanouie du matin,
Ses yeux de gazelle,
Sa bouche étincelante,
Sa poitrine de marbre,
Ses seins pareils à deux belles pommes
Qu'on offre aux malades ..."
Extrait du poéme "Ô vous qui m'écoutez! "Achevé en 1295 de l'Hégire. *
* Fin de l'année 1878 aprés J. C.
Libre à vous de découvrir ce que d'aucuns ici appellent des délires, ou de me réduire au silence en abandonnant ce livre .
" la solitude est mon seul horizon"
" je glane ça et là des fragments de détresse"
Ce serait une histoire d' amour qui pourrait me donner l' illusion d 'exister ,ne serait-ce qu' aux yeux d' un seul homme . Loin de moi l' idée d' entrer dans la légende .Peut-être juste un film . Ou un livre .