Les gnohms sont des bipèdes humanoïdes d’un peu moins d’un centimètre de haut qui portent au front de petites antennes qu’ils nomment “tempelles“.
Les immigrants sont des personnes qui ont été capables de tout quitter, parfois de traverser des épreuves terribles, pour changer de vie. C’est une sacrée sélection. L’énergie qu’il faut pour migrer… Nous accueillons l’énergie de ceux qui n’ont rien à perdre et tout à construire.
Un instinct territorial très développé a toujours poussé le proliférans à éradiquer les espèces concurrentes. Il est considérée comme la cause principale, quoique non exclusive, de la raréfaction ou de la disparition des grands mammifères et des autres races gnohmiennes. Selon les rapports de foilibers compilés par madame Sbernison (A. Sbernison, 524-1, 537, 542 ; v. aussi encycl. d’éthologie proliféransienne, S.9), pour survivre aux déséquilibres nés de la surpopulation, certains groupes proliférans auraient tenté d'éradiquer d'autres groupes de proliférans. Ces tentatives d'autorégulation auraient produit des cataclysmes écologiques tout au long du Ve siècle après l'Éclipse, sans parvenir aux objectifs de régulation fixés. La surpopulation croissante et la lutte jamais interrompue du proliférans contre toute espèce vivante non domestiquée, conduit actuellement à une destruction du biome de surface. L'éradication rapide des insectes en est le signe le plus clair et le plus dramatique.
Entre 1944 et 1964, la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu était à 91% aux États-Unis. Au Royaume-Uni, avec un taux marginal de 99,25%, une sorte de record a été atteint pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais un taux de 90% a été conservé pendant les années 1950 et 1960. Et il était encore à 83% à la veille de la prise du pouvoir par Margaret Thatcher, en 1978.
Le patronat ne cache même plus son avidité méprisante. La xénophobie est devenue un discours politique commun, presque universel. Les populations musulmanes, prises pour cibles, cultivent repli identitaire et religiosité rétrograde. Au-delà de la Méditerranée, les guerres de religion font rage, rivalisant de cruauté. L'Occident bombarde tout ça, un peu au hasard. Plus loin, la Chine despotique intensifie ses inégalités et nourrit ses rancœurs anti-occidentales, pour augmenter son budget militaire. L'atome prolifère discrètement à l'ombre de centrales vétustes. Les peuples effrayés se sécurisent en pensant aux contrôles des frontières et au Big Data. Ils se rêvent sous la protection d'un chef puissant, entourés de drones et de robots militaires.
Après l'esclavage, après la colonisation raciste des XVIIIe et XIXe siècles, après les génocides du XXe siècle, l'être humain n'a pas pu oublier si vite, ni retomber si bas. Rien de tout cela n'est possible. Ce début de XXIe siècle a été créé de toutes pièces pour faire peur aux enfants. Il n'est pas réaliste, pas même crédible. Et je ne suis pas dupe.
Je vais relire tranquillement mon témoignage sur l'Arcanie. [...] Peut-être irais-je en distribuer quelques exemplaires dans le petit vent frais du souvenir des Nuits debout. [...] Car dès demain, lâchement, je retourne me protéger en Arcanie.
Il est impossible d’être l’esclave de deux maîtres.
Si je comprends bien, dans ton pays, les flux financiers peuvent être totalement opaques, notamment grâce à l'argent liquide, mais les messages, les discussions et les réseaux sociaux sont totalement transparents. Chez nous, c'est exactement le contraire.
- En France, avoué-je, nos responsables politiques ne peuvent prendre aucune décision sans avoir officiellement consulté nos économètres et enregistré leurs prédictions. Au niveau de l'Union Européenne ou du FMI, leurs calculs sont tenus en très haute estime et leurs conclusions guident ouvertement la plupart des choix politiques.
- En Grèce antique, aucune décision importante ne pouvait être prise sans avoir consulté la Pythie. Vos décideurs sont les continuateurs de cette ancienne et puissante tradition. Ils suivent l'oracle des initiés. Dans ce contexte je comprends mieux pourquoi vous accordez si peu de pouvoir au peuple.
- D'après Cynthia Lee, les abstrus [économistes] seraient les continuateurs d'une longue tradition, commencée par Pythagore. Selon elle, ce penseur usait de son génie mathématique comme préambule, aux fins de démontrer de grandes théories mystico-religieuses. C'est pour lire l'avenir que les astrologues ont découvert les équations du mouvement des planètes. [...] Les abstrus poursuivent ces grands mélanges de connaissance et de charlatanerie, afin de prédire l'avenir. [...] Si on doit faire un classement des devins, je dirais que les abstrus sont un peu plus influents que les astrologues, mais sensiblement moins que les tireurs de cartes et les lanceurs de bâtonnets. Les méthode de divination basées sur le pur hasard correspondent si bien à l'imprévisibilité de l'avenir que leur attrait est toujours très grand.
- La concurrence, tu dis ?, me demande Gavriíl.
- Vous croyez encore en la régulation spontanée par la concurrence ?, complète Joseon avec curiosité.
- Heu... non, enfin pas totalement, réponds-je embarrassé par le ton de leurs questions. Mais tout de même, l'efficacité de nos entreprises capitalistes est démontrée par leur succès.
- Il est de temps en temps comme ça, explique Gavriíl soudain protecteur. Il vient d'arriver de France et...
- Mais je peux comprendre, je peux comprendre, acquiesce Joseon.
- Simplement, m'explique Gavriíl bienveillant, en Arcanie, à part quelques illuminés, presque plus personne ne croit en l'action régulatrice de la sainte concurrence. c'est une religion qui a presque disparu.