Une machine insurrectionnelle n'est pas une machine qui se révolte, mais une machine qui génère des frictions avec l'humain. Un logiciel qui bug est déjà un artefact insurrectionnel. Le plus intéressant à penser se rencontre avec une opposition partielle et se règle par la négociation plutôt que par la force brute - réinitialiser le système ou le reprogrammer. Il est perturbant d'envisager de négocier avec un artefact, mais c'est pourtant déjà ce que nous faisons continuellement depuis qu'il existe des machines - avec une vieille automobile par exemple. Notre déni de l'importance de cette négociation nous a empêché de voir qu'il ne s'agissait pas d'un effet collatéral mais bien d'un principe central de fonctionnement. (p. 36)
Nous sommes en manque de manque. Le monde est désormais perçu exclusivement comme "matière première", en quoi l'humain lui-même s'est transformé. Deux faits monstrueux résument ainsi l'époque : l'humain s'est transformé à la fois en homo creator et en homo materia. (pp. 26-27)
INTERMÈDE 4
(…)
La journaliste : Mais inversement, un humain sera toujours considéré comme un être vivant à respecter. Votre conception ne tient pas la route.
L’auteur : Votre contre-exemple renforce au contraire ce que je vous dis parce que dans l’esclavage ou dans la guerre des êtres humains ne sont justement pas considérés comme des êtres vivants dignes de respect, mais comme des choses qui doivent être traitées comme telles, sans empathie ni compassion.
La journaliste : Mais les historiens ont montré qu’il fallait un sacré entraînement pour le faire.
L’auteur : De même qu’il faut un sacré entraînement pour considérer comme vivant ce qu’on appelle vivant. Et ce qu’on peut aimer. C’est d’ailleurs l’objet du chapitre suivant. Ce que j’appelle les « machines pathétiques ».
INTERMÈDE 2
La journaliste : Qu’est-ce que vous appelez des « Machines Insurrectionnelles » ?
L’auteur : Ce sont des machines qui irritent le vivant et avec lesquelles les humains doivent constamment négocier.