Dominique de Roux

Dans la France statufiée, qu'elle soit bourgeoise ou qu'elle s'affirme "révolutionnaire", droite, gauche, les mandarins s'arrangent entre eux, uni-latéraux jusqu'au fanatisme, pratiquant la gesticulation libérale des colonels grecs, mais prêts à ouvrir des camps de rééducation, s'ils avaient un jour le pouvoir, enflés de la considération de gens de lettres domestiques et de l'appui de quelques critiques, domestiques en sous-ordre.

Dès qu’on a mis la main sur une ferme fortifiée et sur dix hectares de vignes, on recommence une dynastie capétienne.

Seul moyen de se réconcilier avec l'absurdité du monde : devenir stoïcien.

La France de Bosch avec entonnoir dans le cul, bec d'oiseau, gros sourcils, l'air important et le rire claqueur.

Si l’Occident n’est plus, c’est que son destin s’est accompli. La confrontation, l’instruction tragique des concepts absolus qui, ensemble, dans les ténèbres, dans la mort, dans cette espérance au-delà de toute espérance que nous savons, ont forgé la fin de l’Occident et son recommencement, en est à l´heure actuelle à rendre ses concepts à leur propre existence, où des noms viennent à nouveau pour désigner ce long passage à travers la nuit.

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La rhétorique ment. Le tout-fait du militantisme ment. Race laitière + race de viande, entretiennent l'ordre dans les exploitations de partis.

Volonté de puissance, volonté de puissance.
Sartre a répondu : " Oui. Dans un pays révolutionnaire où la bourgeoisie aurait été chassée du pouvoir, les bourgeois qui fomenteraient une émeute ou un complot mériteraient la peine de mort. Non que j'aurais la moindre colère contre eux. Il est naturel que les réactionnaires agissent dans leur propre intérêt. Mais un régime révolutionnaire doit se débarrasser d'un certain nombre d'individus qui le menacent et je ne vois pas d'autre moyen que la mort. On peut toujours sortir d'une prison. Les révolutionnaires de 1789 n'ont probablement pas assez tué et ont ainsi inconsciemment servi un retour à l'ordre, puis la Restauration."

Servitudes fatales, dénonciation au pied de la falaise ; la glissade éperdue du cher mourir bourgeois :
- grande bourgeoisie parisienne : mourir à table ;
- grande bourgeoisie de province : mourir au claque.

On ne s'étonne de rien. L'information a aplati la montgolfière. Autrefois la Sainte-Vierge apparaissait au moins deux fois l'an. On ne prévoit plus que les accidents de la circulation et les cambriolages.

Les tombes chaulées du nouveau roman, charognes maquillées en éventail de la France manipulée, diminuée, couronnée comme on le dit d'un canasson.

Edmonde Charles-Roux épouse Gaston Defferre. La consécration arrive tard, mais pour qui ?

Retrouvons le temps des Charentes, où l'escargot vit avec sa mère, de Quimper, du Lubéron, le temps de la France entre les arbres. Sept heures moins le quart, un siècle encore celui de Taxil Lys, d'Angélique Boeuf née Roy, de Camille Buffier née Boeuf et de la famille Etourneau.

Etiemble a été mis au ban parce qu'il doutait de ce qu'on lui avait dit en Chine. Itou, Jules Roy qui n'est pas courtisan. La conspiration du silence autour des "Habits neufs du président Mao" qui livre les clés de la vraie Chine.
(Avatars de la Révolution culturelle.)

Consternants, ils sont là, place Gaillon, serviettes nouées autour du coup. La coloration de leur peau est la preuve qu'ils ont faim. Le président Hennique est arrivé dans le fiacre de Lucien Descaves, qui l'entretient toujours de Céline. Hennique est resté évasif. Les portes de chez Drouant se ferment. La tête navrée du larbin passe et repasse. Les assiettes blanches. Il est temps.
Les frères Rosny, écrivassiers incurables, décarcassent l'oie. Pol Neveux, Chéraux, Ponchon se bâfrent et soutiennent la candidature de Mazeline. Ajalbert, lui, n'avouera jamais que Denoël l'a soudoyé en publiant son essai malheureux sur la cathédrale de Chartres. On entend Dorgelès : "Redonnez du Meursault." Il a son idée : le médiocre Mazeline a des chances d'être son héritier. Il ourdit une coalition pour contre-battre Descaves et Daudet, persuadés de détenir la majorité. Au bar, les journalistes attendent, attendent. On vote.
Rosny aîné dépouille les bulletins à voix haute.
Les Loups : six voix.
C'est le triomphe. Ajalbert avance qu'on peut regretter l'échec de Céline. Hennique a bien déjeuné. Il paiera de bonne monnaie son fiacre. Daudet se lève, s'emporte, indigné, se rassied. " Nom de Dieu ! "

On veut vivre et la vie n’a pas à être vécue, elle est vécue. Fatalité dialectique des structures décidées d’avance.

Je ne travaille que la nuit. S’il n’y avait sur terre que des gens vivant la nuit,
la lutte des classes n’existerait pas. La nuit efface les classes sociales.

Les grandes créations de l’esprit ne sont ni des aboutissements ni des points de départ. Elles sont des actes par lesquels le génie s’accomplit, le génie est leur seul commencement et leur seule fin.

La vérité ? Seule l’approximation donne sa chance à la vie. On ne sait rien de rien. Et si on tient compte de ses possibilités on ne peut pas agir.

Une femme peut vouloir se suicider à seize ans ou à dix-huit ans, en pleine possession de sa jeunesse, de sa beauté, de ces luxes, donc d’un choix. Mais dans sa vieillesse elle devient économe. Elle veut durer. Elle sait que tenir le plus longtemps coûte cher.

"Nous nous connaissons par nos livres, et il faudra changer nos livres pour nous faire autres, comme on brûla la bibliothèque de Don Quichotte pour le guérir de sa folie, c'est-à-dire pour l'arracher à son monde, à sa planète et le ramener à un autre monde qui, pour sa gouvernante et son barbier, étaient le monde ordinaire et pour lui un monde inconnu."

p107, Jean Cassou, l'exercice problématique de la littérature