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Citations de Douna Loup (41)


Je ne sais toujours pas pourquoi j'ai eu l'élan si fort de m'intéresser à toi. Mais je sais que je suis faite de ce qui me précède, tissée de liens venant de loin. Je n'émerge pas du néant, je viens de ce terreau passé.
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La nuit.
Je rêve et je mens à mes jambes je cours et je vole et je marche sur les toits de New York. J’entends le subway qui file et je donne la main à un oiseau, un violoncelliste donne un concerto dans un centre commercial et je me souviens du regard de Maria, je pars dans son pays bientôt et son regard fait comme un pont entre ce continent lointain qui nous attend et moi, la nuit à New York j’ai envie de sortir mais la nuit à New York en février il fait très froid, nous commandons un repas indien, nous revenons gelées dans notre deux-pièces du cinquième étage de la 9ème Avenue, nous dormons, nous rêvons de landes et je pense à ce projet fou, je suis heureuse d’être là et de ce que cette poursuite d’un autre vivant me fait découvrir de moi-même et du monde.
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J’imagine le repos qu’il trouvait dans cette pratique, le repos de ne plus être juif lorsqu’il est assis sous le chêne, de ne plus être russe sur son radeau solitaire, de ne plus être un homme, de ne plus être qu’un souffle libre, doux, dans la tendresse brute de la vie qui l’entoure de toute sa masse. Montagnes du Pérou. Torrents de l’Alaska. Lacs du Yukon. Forêt, cailloux sans noms, bêtes inconnues, baies étrangères, champignons autochtones. Boris avance dans cette assemblée qui l’accueille sans demande de passeport, sans débat de religion, il dort où bon lui semble, rêve sous la neige, marche dans l’eau, la boue, les pierres et se trouve
en cette communauté première comme en son grand chez lui. p. 111
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En 1954, Paul Schaefer crée une secte en Rhénanie, c’est un prédicateur évangélique, et dans sa maison d’accueil pour jeunes orphelins, il viole de nombreux garçons. Accusé à plusieurs reprises, il fuit l’Allemagne, le Chili l’accueille à bras ouverts et il y achète en 1961 un domaine isolé de 3 000 hectares à 350 km au sud de Santiago pour créer sa Colonia Dignidad. Colonie de la Dignité !
Officiellement elle fait œuvre de bienfaisance. Ayant pour but d’accueillir, éduquer et soigner les nécessiteux. Il obtiendra ainsi beaucoup de privilèges (exemption de frais de douanes, d’impôts, aucun contrôle administratif). Schaefer bénéficie d’une totale liberté pour créer cette enclave allemande où il règne en maître absolu. L’Allemagne
ne s’en inquiète pas, décrétant par l’entremise de son ambassade que c’est au Chili de régler ce qui se passe sur son territoire. p. 72
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Boris, j’ai honte parfois de parler de toi que je ne connais pas.
Toi qui étais si discret. Tu n’aimais pas causer de trouble, évitais de faire du bruit dans le fracas du monde. Tu es passé dans cette vie pour comprendre un peu de sa musique, la traduire en mathématiques, cette musique du vivant, la jouer, sourire à tes amis et tout à coup disparaître pour toujours sans laisser de traces. Laisser une équation sans résolution. Une dissolution.
Il paraît que tu écrivais de la poésie. Mais je n’ai retrouvé aucun de tes poèmes. Tu les as emportés dans ton silence. Tu les récitais simplement par cœur à quelques amis proches. Ils n’étaient pas écrits ailleurs que dans ton cœur, ces poèmes. Ils flottent dans la musique du monde. Si je tends bien l’oreille, puis-je encore les entendre ? p. 49
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(Les premières pages du livre)
Vino del mar
Début janvier 2018, je sors d’un concert avec ton prénom dans la tête, Boris.
Je viens d’entendre la chanson Vino del mar, dédiée à Marta Ugarte, jeune femme militante de gauche, torturée puis jetée à la mer d’un hélicoptère par les soldats de Pinochet en 1976.
Boris, mon grand-oncle, a disparu au Chili en 1985. Et cette chanson résonne comme un appel à me souvenir et à aller voir.
L’histoire de Boris n’a jamais été proche de moi, mais elle était là, elle faisait partie du paysage familial. Ce grand-oncle brillant, aventurier, mathématicien russe devenu américain, avait disparu mystérieusement aux abords d’une secte allemande au Chili. J’entendais alors des mots effrayants comme tortures, rétention, extrémisme...
Il y a un site sur Boris Weisfeiler. Nourri par sa sœur Olga, qui a passé plus de trente ans à se battre pour obtenir vérité et justice. Des recherches, des procès, des voyages, et toujours ce même flou quant aux faits. Le 5 janvier 1985, Boris randonnait au Chili, la veille il avait passé la nuit dans la montagne avec un berger, le matin il lui a dit au revoir et il est parti. Il est descendu près de la rivière El Ñuble, et c’est là que l’on perd sa trace. À moins de cent kilomètres de la Colonia Dignidad, la tristement fameuse secte allemande suspectée de pratiquer la séquestration, la torture et bien d’autres atrocités au pied des Andes.

8 février 2018
Bonjour Olga,
Je te remercie pour la réponse rapide à mon message!
C’est Jacqueline (ma grand-mère) qui m’avait raconté l’histoire de son demi-frère Boris il y a longtemps déjà. Il m’est difficile de dire exactement les raisons de mon intérêt soudain... J’ai écrit deux romans qui retracent des vies, des destins. C’est une façon que j’aime beaucoup de parler d’histoires réelles avec le souffle de la fiction.
Je comprends que tu aies commencé mais pas fini ce «livre» dont tu me parles sur l’histoire de ton frère Boris. L’arrêt du procès au Chili et l’absence de «fin» est certainement très difficile.
À bientôt!
Douna

Et ainsi nous sommes-nous mises à nous écrire au fil des mois.
Et ainsi s’est esquissé mon projet de traverser l’océan pour aller la rencontrer à Boston et recueillir des témoignages sur Boris.
Et ainsi ai-je parfait mon anglais:
Olga: « Si je peux me permettre -- en anglais c’est Chile car le chili est un aliment épicé originaire de Texas, US et du Mexique.»

En janvier 2019, après une année à bâtir mon terrain d’approche, une année à rencontrer Olga par e-mail, à lire, à tâtonner, ça a commencé vraiment. Le mouvement. Je suis partie avec mes filles qui quittaient l’école pour trois mois, nous avons pris l’avion pour New York puis le bus pour Boston et nous y étions.
Olga qui au début était à la fois méfiante et enthousiaste, Olga ne pouvait que constater que mes mots étaient suivis d’actes, que je ne bluffais pas par curiosité éphémère. J’étais là.

Boston, 13 janvier 2019
Il fait froid, les rues sont larges.
J’ai rendez-vous avec Olga à Brookline, à l’ouest de Boston. Olga est une étrangère familière. Grand-tante que je rencontre adulte pour la première fois. Elle ressemble à ma grand-mère. Ses petits yeux rieurs et remplis de mélancolie ne tardent pas à s’humidifier à l’évocation de son frère. Des lacs russes, ces yeux. Et sa langue anglaise roule comme une rivière brute. Elle nous laisse un pull en laine de plus, en bonne mère protectrice. Et des gants. C’est vrai qu’il fait froid en janvier à Boston.
Nous nous reverrons dans quelques jours pour
commencer les entretiens et planifier les rencontres avec les amis de Boris qui vivent à Boston.
Le voyage commence là. Dans ce réel glacé qui court sur nos visages malgré le soleil. Je marche avec mes filles sur un trottoir gelé. Nous remplissons des sacs de vêtements chez Goodwill, un énorme magasin de seconde main où nous devenons folles au milieu de toutes les bonnes occasions suspendues dans les rayons. Elles nous promettent un confort bien plus adapté à l’hiver aux États-Unis que les vêtements de nos valises.
Mais un voyage, c’est toujours la remise en question totale des plans préétablis.

Les miens sont radicalement balayés par un accident à la patinoire. Tibia et péroné cassés, opération, nuits d’hôpital qui n’en finissent pas, le tout saupoudré d’une tempête de neige. Mon voyage prend soudain les allures d’un cauchemar.
Je dois le traverser, et j’y suis aidée. À ma sortie de l’hôpital, nous avons la chance d’être logées dans une incroyable maison partagée par deux amies de soixante-dix ans, leurs filles et la famille de chacune. Trois générations sous le même toit, plusieurs étages et une seule grande cuisine dans cette maison de bois de Chestnut hill.
Une semaine après mon accident, les rencontres
commencent, me voilà en face de Veronika pour
une première interview avec ma jambe dans le
plâtre. Boris prend de nouveaux contours. Mais il est aussi très fuyant, il est celui qui disparaît sans laisser de traces. Au début, m’avoue Veronika, après sa disparition au Chili, oui au début c’était comme d’habitude, comme cela avait toujours été, j’étais tellement habituée à ce qu’il disparaisse de ma vie brusquement et ne donne plus signe de vie, je m’attendais à le voir resurgir. Mais cette fois-ci les mois ont passé et il n’a plus refait surface. Il a bien fallu l’admettre, quelque chose n’allait pas.
Quelque chose s’était passé.
Veronika est une grande femme élégante, ses yeux sont vifs lorsqu’elle parle de Boris, qu’elle a aimé.
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“L’échec de la relation à J me fait me recentrer. Mais il n’y a pas d’échec. Ne rien regretter de mes mots, de mes gestes. Ce qui a eu lieu ne sera pas changé. Mais c’est aller à l’encontre de mon premier réflexe, de ma vieille habitude de me révolter contre moi-même et contre ce qui est.
Trouver cette grande prestance intérieure qui dit oui. Je laisse faire, c’est une vague. L’eau ruisselle et moi je vois bien que je pleure pour un rien aujourd’hui, mais ça coule.”
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“... cette utopie que je cultive depuis des années de pouvoir vivre des amitiés avec des hommes pour lesquels j’éprouve du désir physique et que nous puissions à la fois le vivre, se le dire et passer au-delà en inventant un lien hors normes.”
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Le soir tombe comme une pomme mûre.
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Mais tout ça c'est des mots, dis-je, des mots, des mots, des mots... et je lis encore à Ores une phrase que j'aime du livre Sur la piste animale de Baptiste Morizot “Nous sommes des êtres vivants pris dans la chaîne alimentaire, et comme tous les autres nous devons dévorer du soleil” alors il faut réfléchir oui, mais aussi traîner longtemps dehors dans le souffle du monde, respirer près de la terre, se souvenir de nos dépendances aussi.
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Pratiquons.
Pratiquons tout, le stupre et la luxure, la transe et les cunnilingus, pratiquons l'énergie dans le corps, pratiquons la philosophie, pratiquons en douce la poésie, l'escrime, la boxe, le canoë sur les fleuves et l'escalade des pics neigeux, allons danser le tango sur les places et pratiquons les danses en rondes, développons la télépathie et descendons silencieusement jusque dans nos couches souterraines, pleines d'inconscients vociférant féroce, laissons-le éclore tout en brut, devenons des apprentis de toutes matières et ouvrons nos organes car nous sommes là pour ça, pour tout, pour rien et pour se le dire en cachette à l'unisson des ruisseaux et des lacs, nous sommes là pour courir, nous sommes là pour vivre alors ça veut dire tout, nous sommes là pour toi et moi pour toi je suis car nous sommes.
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“... le reste je ne m’en souviens plus mais mes mains s’en souviennent et tout ce dont j’aurais besoin me reviendra en un instant. Rien ne s’oublie vraiment, le corps dans sa mémoire parfaite se souvient très vite des gestes pour peu qu’ils aient été longuement répétés."
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Il faut prier les étoiles et murmurer des incantations pour éclairer la nuit qui augmente dans nos mémoires. Il faut redevenir encore une fois sauvages et venimeuses car l’horizon s’étend et je veux me faire entendre jusqu’aux confins. Pas nécessairement me faire comprendre mais au moins entendre.
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Je pleure dans la mer et je cherche qui je suis ? Être une femme, ça commence où ?
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C'est bien beau de penser, c'est même euphorisant, mais maintenant reste à incarner cette envie de vivre sans s'approprier, sans dominer ni circonscrire, vivre dans l'ouvert concentrique de nos cercles empathiques qui vont s'agrandissant telle l'onde sur l'eau.
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... mais un amour qui a eu lieu ne peut être nié c'est comme un incendie sur terre, les arbres repoussent, les mousses, les brousses, mais il y a un souvenir noir dans l'humus, il est inscrit là, personne ne se souviendra plus de nous mais dans nos chairs tout se souvient.
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Douna Loup
personne ne retrouvera la trace que tu laisses dans la nuit, personne.
il faut tracer sur le sable et accepter d'être mangé pa l'eau, il faut écrire des signes et laisser le silence avancer et tout effacer.
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je porte mes champignons avec l'espoir de les faire cuire, dans le village que je vois plus bas, y aura-t-il encore quelqu'un pour m'ouvrir ?
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Douna Loup
seule certitude d'exister et de confluer comme toutes les espèces animales, végétales, minérales
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tout quitter pour [se] retrouver dans le mouvement, pour de nouveau naître, vivre et connaître le monde


Elles se mettent ainsi en branle, «ouvertes au flux des rencontres» et «résolues à faire naître la joie partout».

après quatre ans sur les chemins à vivre des mois dans les forêts, puis des mois dans les usines
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