«privés de la possibilité de s'exprimer totalement dans une œuvre originale, les poètes russes [surtout entre 1934 et 1956] s'entretenaient avec le lecteur par le truchement de Gœthe, de Shakespeare, d'Orbéliani et de Hugo».
Cette phrase valut à son auteur, théoricien de la traduction et réputé traducteur de poésie, d'être relevé de ses fonctions, privé de ses titres universitaires et exclu de l'Union des écrivains.
La mise sous les verrous d’un roman est la plus haute distinction que le pouvoir d’Etat puisse décerner à une œuvre littéraire : l’imagination de l’auteur se trouve placée au niveau de la réalité ; les réflexions de l’écrivain deviennent divulgation de secrets d’Etat.
Le tirage était de cent mille exemplaires. Cent mille exemplaires ! La détenue Gnéditch, qui avait partagé pendant deux ans une cellule de prison avec des rats, aurait-elle jamais pu imaginer une chose pareille ? [...]
L'exemplaire qu'elle m'a donné porte le numéro 2. Qui a reçu l'exemplaire numéro 1 ? Personne. Il était destiné au commissaire-interrogateur, mais en dépit de tous ses efforts, Tatiana Gnéditch n'a jamais réussi à retrouver son bienfaiteur. Sans doute était-il trop cultivé et trop libéral. Selon toute vraisemblance, il a été exécuté par les organes.
La réalité était absurde et ne s'en cachait pas. La seule arme entre les mains de ses victimes, à proprement parler impuissantes, était justement cette absurdité. Elle pouvait vous perdre mais, avec de la chance, elle pouvait vous sauver.
Elle travaillait sur la littérature anglaise du XVII° siècle, et cela la passionnait tellement qu'elle ne voyait rien autour d'elle. Or, à l'époque, il y avait des purges, on chassait de l'université les "ennemis", hier les formalistes, aujourd'hui les vulgaires sociologues, et, toujours et de tout temps, les nobles, les intellectuels bourgeois, les déviationnistes et des trotskistes imaginaires. Tatiana Gnéditch était plongée dans les œuvres des poètes élisabéthains et ne s'intéressait à rien d'autre.
Le tirage était de cent mille exemplaires! La détenue Gneditch, qui avait partagé pendant deux ans une cellule de prison avec des rats,aurait-elle pu imaginer une chose pareille ?(p.22)
Ariana Grigorievna Gneditch(...) travaillait sur la littérature anglaise du XVIIe siècle, et cela la passionnait tellement qu'elle ne voyait rien autour d'elle.Or, à l'époque, il y avait des purges,on chassait de l'université les "ennemis" hier les formalistes, aujourd'hui les vulgaires sociologues, et,toujours et de tout temps les nobles,les intellectuels bourgeois, les déviationnistes et des trotskistes imaginaires. Ariana Gneditch était plongée dans les œuvres des poètes élisabéthains et ne s'intéressait à rien d'autre.(p.9)
Elle [Tatiana Gnéditch] allait rarement en promenade et ne lisait aucun livre, elle vivait à travers le poème de Byron.
L'espoir demeure, car en dépit des dictateurs impitoyables et de la toute-puissance bureaucratique des forces antihumaines, le vivant peut être préservé dans la plus petite, la plus imperceptible cellule de la moralité sociale : la simple bonté humaine.
(Préface de "Vie et destin" de Vassili Grossman)
«A la demande d'un diplomate anglais, elle avait traduit en huitains anglais un poème de Véra Imber «le méridien Poulkovo», destiné à être publié à Londres. Après l'avoir lu, le diplomate lui avait dit : «Si vous travailliez pour nous , vous pourriez faire beaucoup pour les relations entre la Russie et l'Angleterre!».
Ces paroles l'avaient profondément marquée, l'idée de voyage en Grande Bretagne avait commencer à la hanter, et elle considérait cela comme une trahison. Elle avait donc retiré sa candidature au Parti. On comprend fort bien que les commissaires-interrogateurs n'aient pas ajouté foi à cette confession hallucinante, mai son n'avait pas réussi à trouver d'autres chefs d'accusation . Elle avait été jugée(cela se faisait à l'époque) et condamnée à dix ans de camp de redressement par le travail pour «trahison de la patrie», selon l'article 19, qui stipule que l'intention n'a pas été concrétisée."