Et la vérité, c'est que je suis fatiguée d'être feministe. Je suis fatiguée de voir que c'est aux femmes non seulement d'identifier le sexisme, mais aussi de lutter contre et d'y remédier. Je suis fatiguée parce que c'est si nécessaire et si difficile. Et je suis fatiguée de ma propre manière d'intérioriser, fatiguée de ma complicité, fatiguée de jouer le jeu.
L'aspect le plus destructeur d'une vie solitaire, ce n'est peut-etre pas le temps passé seul.e, mais le temps passé au milieu de la foule, à se sentir exclu.e
L’écriture est une façon de donner du sens au monde, une façon de trier – de s’approprier – sa pensée et ses émotions, une façon de tirer de la souffrance quelque chose qui en vaut la peine.
Je fais pipi sur de bandelettes et dans des flacons d’analyse. Je me pisse sur la main quand le jet refuse de m’obéir. J’écarte grand les jambes pour le sexe, pour le spéculum du médecin. (…) Je suis pleine de crainte, d’espoir, de honte. J’ai peur d’être vide, ou d’être emplie de ce qu’il ne faut pas. J’ai peur de m’évanouir, de m’affaiblir, de faillir. Je ne sais pas quoi faire de tous ces sentiments. » « Nous avons tous deux voulu un bébé, et nous avons tous deux essayé très dur, et nous avons tous deux vécu le chagrin de la fausse couche. Et maintenant nous devons tous deux affronter autre chose : la réalité, et nos sentiments à l’idée de n’être peut-être jamais parents. (…) Mi-janvier, R et moi échangeons un regard. C’est un long regard, un regard chargé, un regard tendre plein de compassion mutuelle. C’est un regard qui confirme : pas de FIV. (…) Je n’aurai jamais de bébé. Cette réalité m’angoisse. Et j’ai du chagrin. Et je suis heureuse. (…) Un jour de l’année dernière, je suis rentrée du travail et j’ai trouvé R en train de ratisser des feuilles dans le jardin. Il a souri et j’ai remarqué dans la lumière vive de l’automne les nouvelles mèches argentées sur ses tempes. Et j’ai réalisé. Nous sommes en train de vieillir ensemble. »
J’ai peur de reconnaître que je suis jeune, mignonne et impuissante. J’ai peur d’assumer tout ce qu’il y a de difficile, tout ce qu’il y a de moche, tout ce qu’il y a de déplaisant. J’ai peu de me dévoiler. J’ai peur qu’on me prenne en pitié. Qu’on m’en veuille. Qu’on m’engueule. J’ai peur d’être cette femme qui dérange. Et peur de ne pas déranger assez. J’ai peur. Mais je le fais quand même. »
Le speed que je prenais me mettait les entrailles de plus en plus en vrac. J’étais incapable de dormir ou de rester immobile à cause des crampes. Je tremblais. Je me sentais ravagée. Je me suis réveillée un matin, j’ai pris une dose d’acide. Il y a quelque chose qui ne va pas, ai-je pensé, au moment même où je le faisais. J’étais confronté à un choix : tout ou rien. J’ai choisi rien. (…) Mais sans la drogue – surprise, surprise – le reste n’était plus vraiment supportable. Les raves en entrepôt dont j’étais devenue adepte, et les squats où je vivais, étaient des endroits sordides quand on était clean.
Je suis en train de découvrir que la plus grande honte sociale n’est pas celle associée aux règles, mais celle qui réprime et dissimule le corps féminin improductif.
Je choisis d’être heureuse. Ce bonheur n’est pas parfait, il n’est pas exempt de douleur. Il porte du chagrin en lui. Il n’en est que plus fort.
J'ai peur d'être cette femme qui dérange. Et peur de ne pas déranger assez. J'ai peur. Mais je le fais quand même.
C'est difficile de traduire un formidable amour, une vie formidable, en mots sur la page. Cela semble si prosaïque - ratisser des feuilles, échanger un sourire de compréhension mutuelle - mais c'est souvent dans les moments du quotidien que la ténacité de l'amour, et sa profondeur, se révèlent.