Ce qui était intolérable pour les dirigeants, en revanche, c’est quand ces activités bénévoles concurrençaient des entreprises ou quand il s’agissait d’actes purement individuels, spontanés, impulsifs, sournois, comme, par exemple, dans l’affaire D. Il fallait en finir avec ceux qui n’en faisaient qu’à leur tête. C’était ce qu’on appelait couramment «le coup du verre d’eau» en référence à la canicule de 2003 et au fait que certaines personnes âgées avaient été sauvées simplement parce qu’un voisin les avait fait boire. Sans ce geste, on aurait largement dépassé les 15 000 morts de plus de 75 ans enregistrés cet été-là. Fort de cette expérience, il était évident qu’il y avait un marché à conquérir. Quiconque l’entraverait se verrait condamné.
La direction de l'ADS a été créée au début de l'année par décret en Conseil des ministres. Il s'agit de la direction "Aide Don Service". Le directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur, P, a tout de suite pensé à A, ils sont de la même promo, les autres candidatures étaient de pure forme. Voilà donc A, affublé de ce B, chargé de faire un rapport de la plus haute importance délimitant les délits d'aide, de don et de service. Les pouvoirs publics ont pensé dans un premier temps rattacher cette direction au ministère de l'Économie et des Finances puisqu'il s'agit de traquer tout ce qui, dans le non-lucratif, peut fausser la libre concurrence. Mais la structure démographique de Bercy, une majorité de quinquas, posait problème. Il faut du sang neuf, des esprits purs, sans souvenirs, sans passé. C'est ainsi qu'il fut décidé que ce serait une direction interministérielle, sous la houlette de l'Intérieur qui, avec le délit d'aide aux sans-papiers, a une certaine expertise dans la définition du délit d'aide et la recherche de citoyens ordinaires, sans casier.
C'était donc la fin de la domination exclusive et mortifère des nantis qui s'annonçait, la fin de cette société où tout semblait aplani. Les affaires reprenaient. On allait pouvoir batailler.