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Citations de Eric Reinhardt (782)


Il faudra sans doute un peu élaguer dans ce que je viens d'écrire, je me répète à plusieurs endroits mais ce n'est pas grave, I'important c'est de se sentir mordue de l'intérieur par l'envie d'écrire, mordue et attrapée et entraînée par l'écriture comme par un animal qui me tiendrait prisonnière de ses crocs, quitte à en faire un peu trop et à aller trop loin, à crier de douleur sous l'emprise de cette mâchoire impérieuse, ce n'est pas grave.
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Mais la vraie raison de sa discrétion était qu'elle ne pouvait évoquer le traitement qu'elle subissait de la part de son mari sans révéler du même coup ce qu'était son existence depuis de nombreuses années : un désastre. Or, non seulement elle n'en avait jamais parlé à personne, mais elle s'efforçait de faire croire à tout le monde que leur couple fonctionnait à merveille, qu'ils étaient parvenus, Jean-François et elle, contrairement à la majorité des gens, à perpétuer l'émotion initiale, l'attirance sexuelle, le désir d'être ensemble, Les ambitions qu'elle attachait au devenir de son couple avaient toujours été teellement élevées qu'elle n'avait jamais pu se résoudre à ne pas afficher, au regard de l'extérieur, même quand les choses avaient commencé à ne plus très bien marcher, les apparences d'une réussite incontestable, par orgueil certainement. ou par manque de courage, mais aussi parce ou'elle n'avait jamais désespéré qu'un beau jour la situation finisse par s'arranger, par pur idéalisme adolescent. En simulant que tout allait bien, mieux encore : en propageant l'exemple d'une plénitude conjugale à ce point rayonnante qu'elle humiliait, rendait envieux et rancuniers tous ceux qui en étaient les spectateurs, Bénédicte Ombredanne se vengeait sans doute sauvagement, aussi, il arrivait qu'elle se l'avoue, de ses espoirs trahis –elle éprouvait une sorte de joie malsaine à attiser chez les autres ce dont elle-même agonisait en secret. Elle se disait en outre que cette fiction destinée au public lui ressemblait dans le fond bien davantage que l'existence défectueuse que du seul fait de son mari elle était obligée d'endurer, ce maquillage synthétisait ce qu'elle aurait aimé vivre, il détenait une part de vérité sur sa personne, il parlait bien mieux de son imaginaire que ne l'auraít fait n'importe quoi d'autre la concernant, même s'il constituait un mensonge éhonté, une comédie sociale à certains égards parfaitement répugnante, hypocrite et bourgeoise. Son Intimité conjugale parvenue à ce stade de déréliction, Bénédicte Ombredanne ne s'était pas résolue pour autant à en révéler les tourments.
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Même les animaux ils nourissent leurs petits. On n'a jamais vu un animal, même le pire d'entre eux, même le plus sauvage, même le plus indigne et répugnant, oublier, négliger de nourrir ses petits. Se faire baiser le jour où normalement on fait les courses pour nourrir ses enfants, se faire tellement baiser, y prendre tellement de plaisir qu'on décide de remettre à un autre jour son devoir maternel le plus élémentaire, tu admettras que sur le plan du symbole, c'est fort, bravo, je te félicite.
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C'était un peu comme une forêt profonde et angoissante, inextricable, constituée par les phrases que son mari lui adressait continuellement, qui toutes semblaient se reproduire à I'infini comme des centaines de troncs, jour après iour, serrées les unes contre les autres, sans issue perceptible, absolument jamais, en aucun point de ces ténèbres où Bénédicte Ombredanne se trouvait prisonnière, soumise à la fureur inquisitrice de son mari. II lui téléphonait plusieurs fois par jour. Il était de plus en plus fréquent qu'il la réveille la nuit pour lui parler. Il se jetait sur elle le matin dès qu'elle ouvrait un œil, après deux ou trois heures d'un sommeil imparfait, avec l'espoir qu'elle se trahisse, piégée par une astuce tactique que la nuit luí aurait inspirée. Elle était sous la douche et soudain la cabine s'entrouvrait, le visage de Jean-Francois apparaissait et il l'entreprenait. Toutes les fois qu'elle était en sa présence et que leurs enfants n'étaient pas là, là, la machine à accuser, la machine à questionner, la machine à calomnier, la machine à recouper, la machine à enquêter qu'il incarnait déversait sur Bénédicte Ombredanne sa production plaintif et acharnée, inflationniste, infatigable, pendant des heures, pendant des heures, pendant des heures, comme s'il voulait asphyxier son cerveau, Le priver de toute lumière, l'amener à expulser la perle de son secret, par épuisement.
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- Il lui arive de me bousculer, alors parfois je tombe, car je suis frêle, et alors je me fais mal. Je n'ai qu'à mieux me tenir sur mes jambes, comme dans l'autobus. Il ne me frappe pas. Sauf quand un geste un peu brusque surgit de sa personne vers la mienne, parce que c'est plus fort que lui, mais ce ne sont pas des coups, non, ce ne sont pas des coups, pas à propremnent parler.
- Hein? Parce que c'est plus fort que lui ?
- Christian, s'il vous plaît, c'est une mauvaise idée qu'on parle de ça, je vous assure.
- Si je vous comprends bien, il y aurait les hommes qui frappent les femmes par goût, par habitude, en connaissance de cause, et ceux qui les frapperaient sans les frapper vraiment, à regret, sans l'avoir voulu, quasiment par inadvertance, parce qu'une gifle leur aurait échappé, ou une bousculade, et ces hommes-là seraient pardonnés d'avance, on devrait les excuser, parce qu'ils seraient, je ne sais pas, faibles ? esclaves de leurs pulsions ? pitoyables ? de leur propre aveu ? Alors leur comportement devrait être minimisé ? Je ne suis pas d'accord.
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Une vieille vigne courait le long de la maison, en hauteur, vénérable, accrochée à la façade au moyen d'un fil de fer rouillé, horizontalement, semblable à à la structure d'une phrase complexe que l'hiver aurait dépouillée de ses mots, de sa saveur originelle : un message qui retrouverait son sens durant l'été quand toutes les feuilles seraient réapparues, quand chaque incise, chaque incidente, chaque parenthèse d'écorce de cette structure grammaticale ferait éclore la réjouissance d'une lourde grappe. Elle imagina qu'alors se laisserait lire, contrairement à aujourd'hui, un magnifique message de bienvenue.
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Voilà à quel miracle elle aspirait chaque jour, voilà l'urgence à laquelle l'avait durablenment rappelée la lecture de mon roman : retrouver son propre éclat, le retrouver au plus profond d'elle-même comme le marcheur déshydraté découvre l'éblouissement d'un spectacle mìrifique sous le plancher d'une vieille auberge, au coeur même de la roche. C'est cet impératif qui doit filigraner nos pensées tandis que le temps passe, que nos journées s'effritent, que nous voyons des silhouettes inconnues s'agiter dans la rue (et parfois désirables, désirables ne serait-ce que métaphysiquement, en raison de notre solitude, a précisé Bénédicte Ombredanne), tandis que tombe la pluie et qu'on s'absorbe dans l'examen de son reflet dans les vitres d'un autobus, un reflet indulgent. Cet autobus nous ramène à la maison dans la même nuit épaisse, violente, glaciale, aveugle, d'octobre, de novembre, de décembre, d'hiver, de froid, mouillée, fouettante, jour après jour, soir après soir, janvier, février, mars, année après année, dans la même nuit cinglante que si cet autobus nous arrachait à notre réalité pour nous conduire à travers l'obscurité vers une région inconnue, aux confins du reel, exactemnent comme un bateau dans les embruns d'une mer hostile, une mer hostile mais attirante. Attirante ? Vous me demandez, Éric, pourquoi je trouve cette mer hostile attirante ? Je vais vous dire : en raison de ces lointaines profondeurs invisibles, noires, épaisses, où peuvent s'entendre les échos de nos rêves. Rien n'est pire que le dur des surfaces planes, que le tangible des surfaces dures, que l'obstacle des écrans qui se dressent, sauf si des films y sont projetés. Je préfère le profond, ce qui peut se pénétrer, ce en quoi il est envisageable de s'engloutir, de se dissimuler: l'amour et les forêts, la nuit, l'automne, exactement comme vous. Claquemurées dans la résignation depuis tellement d'années, ses ambitions pour le bonheur ses ambitions d'adolescente avaient beau avoir été violentées par la vie, elle les avait ranimées récemment : elle réclamait dès lors de chaque journée qu'elle lui prodigue une minute iradiante, une heure miraculeuse, une enclave d'émerveillement, un grand soupir extatique oublieux des tristesses de l'existence. Malheureusement, la réalité n'est pas tellement généreuse avec ceux qui réclament d'être enchantés.
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Ce qui accentuait cette intuition que Bénédicte Ombredanne n'allait pas très bien, c'était aussi l'importance qu'elle accordait aux livres qu'elle adorait, une importance que je sentais dénesurée : comparable à un naufragé qui dérive en haute mer accroché à une bouée, elle les voyait comme détourner leur route et s'orienter lentement vers sa personne de toute la hauteur de leur coque, c'était bien eux qui allaient vers elle et non l'inverse, comme s'ils avaient été écrits pour l'extraire des eaux sépulcrales où elle s'était résignée à attendre une mort lente. En cela je dois admettre que les lecteurs de cette catégorie n'ont pas une attitude ni des attentes fort différentes des miennes : moi aussi j'attends des livres que j'entreprends d'écrire qu'ils me secourent, qu'ils m'embarquent dans leur chaloupe, qu'ils me conduisent vers le rivage d'un ailleurs idéal. Elle me voyait comme un capitaine au long cours qui l'aurait dístinguée dans les flots depuis le pont de son navire et qui serait venu la sauver.
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Elle chérissait ce quotidien comme quelqu'un qui a failli mourir. Vivre après les frayeurs d'un cancer est un cadeau inespéré. C'est puissant et tenace. Chaque jour était béni. Sarah en éprouvait une immense gratitude
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Elle ne se sentirait jamais aussi forte que réfugiée dans la pensée d'une œuvre en cours, protégée par sa forteresse, elle le savait.

p156
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Rien n'est anodin dans la vie,, y compris ce qui est minime. Rien n'est minime, chaque détail compte. Tout allait avec tout. Sarah était entière. Elle formait un seul et même bloc.

P108
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Je me suis remise à espérer qu'un beau matin l'équivalent d'un prince charmant surgira dans ma vie pour m'emporter loin de tout, même momentanément, même si ce prince charmant n'est pas un homme, oui, pas un homme, pas même un être humain, mais une péripétie charmante, un instant romanesque, une éclaircie soudaine et pleine d'espoir, un grand et beau moment d'intensité.
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On devrait toujours se tenir entre abstraction et figuration, dans cette zone équivoque et troublante qui fait se rencontrer poésie, rêves , intuitions, vie matérielle.

p18
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Chez les enfants, il y a une part connue, sur laquelle on peut agir, et une part inconnue qu’il faut savoir respecter, dont on doit pouvoir se dire, en tant qu’éducateur, qu’elle ne vous appartient pas, qu’elle doit demeurer en dehors de votre champ d’intervention.
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Tu sais, ça prend du temps de savoir qui on est, il faut y réfléchir et dans ce but il faut apprendre à penser, oui, penser, tu m’as bien entendue, donc s’équiper des outils adéquats, acquérir une culture, exercer sa sensibilité et son intelligence.
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Elle n’avait jamais pu se résoudre à ne pas afficher, au regard de l’extérieur, même quand les choses avaient commencé à ne plus très bien marcher, les apparences d’une réussite incontestable, par orgueil certainement, ou par manque de courage, mais aussi parce qu’elle n’avait jamais désespéré qu’un beau jour la situation finisse par s’arranger, par pur idéalisme adolescent.
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Elle avait mal au ventre, elle suffoquait d’angoisse, elle se sentait à la limite de la rupture. Mais rien, en elle, ne se brisait, ni ne rompait, malheureusement : cette résistance la condamnait à endurer, à vif, chaque nuit, sans pouvoir s’y soustraire, les interrogatoires interminables de son mari.
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Toutes les fois qu’elle était en sa présence et que leurs enfants n’étaient pas là, la machine à accuser, la machine à questionner, la machine à calomnier, la machine à recouper, la machine à enquêter qu’il incarnait déversait sur Bénédicte Ombredanne sa production plaintive et acharnée, inflationniste, infatigable, pendant des heures, pendant des heures, pendant des heures, comme s’il voulait asphyxier son cerveau, le priver de toute lumière, l’amener à expulser la perle de son secret, par épuisement.
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Notre rencontre, dans ma vie bien rangée, c’est un peu comme une révolution : ces sourires sont des débordements populaires, c’est la liesse, je ne peux pas les empêcher d’éclater, ils sont comme des clameurs, j’adore cette sensation.
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Si je vous comprends bien, il y aurait les hommes qui frappent les femmes par goût, par habitude, en connaissance de cause, et ceux qui les frapperaient sans les frapper vraiment, à regret, sans l’avoir voulu, quasiment par inadvertance, parce qu’une gifle leur aurait échappé, ou une bousculade, et ces hommes-là seraient pardonnés d’avance, on devrait les excuser, parce qu’ils seraient, je ne sais pas, faibles ? esclaves de leurs pulsions ? pitoyables ? de leur propre aveu ? Alors leur comportement devrait être minimisé ? Je ne suis pas d’accord.
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