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Citations de Eric Reinhardt (774)


L’attraction qu’exerçait Aurore sur ses contemporains des deux sexes résultait du caractère dénudé, à fleur de peau, de sa présence. Dénudé comme le serait un fil électrique. Quand elle apparaissait, on voyait luire le cuivre électrifié de sa capacité à jouir, de sa disposition à l’amour, au don de soi, aux sentiments extrêmes. On se prenait le jus quand on posait les yeux sur Aurore.
(page 246)
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La maison lugubre était semblable au casier d’une consigne de gare où Sarah avait la sensation d’avoir été oubliée. À partir du jour où elle avait commencé de contempler la vie de sa famille par les fenêtres de sa maison, son seul territoire n’avait plus été que son monde intérieur.
(pages 215-216)
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Il semblait toujours mal à l’aise dans la maison lugubre où avait emménagé sa mère, il dînait sur une seule fesse, comme s’il fallait rétracter, par cette nuance de son attitude, la promesse que sa présence effective semblait faire à Sarah : je suis assis en face de toi, certes, mais ne va surtout pas croire que je sois là, je ne suis pas là en vérité et cette situation étrange et mensongère ne va pas pouvoir durer, semblait lui déclarer la fesse en partance.
(page 180)
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C’était un pavillon construit au début des années soixante, rectangulaire et blanc, anciennement blanc, plutôt gris et marron désormais, dégueulasse quoi, employons les mots adéquats. Il y avait de la moisissure autour des fenêtres et aux plafonds, les papiers peints se décollaient, tout était vieux et décati. Le toit fuyait, il devait manquer des tuiles, des infiltrations avaient détruit tout un plafond, celui de sa chambre, un moindre mal. Il y faisait froid et humide.
(page 96)
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C’était important d’insister sur ce point. L’amour de son mari avait sorti Sarah de son ornière, car elle eût pu continuer de s’enliser sans fin dans ses rêves, enfermée dans son bureau à forger des utopies, si aucune de celles-ci n’avait vu le jour. Sarah eût pu se détacher peu à peu du monde réel et s’isoler sans s’en rendre compte dans une activité stérile et illusoire de sécrétions fantasmatiques.
(page 33)
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- ça me démange de les...
- de les quoi ?
- tu sais bien, de les enlever.
- ah oui, ta vieille manie des choses que tu...
- Oui, que j'arrache. Moi, quand quelque chose commencé à se défaire, à s'émietter, il faut que je refasse, que Juliette encore plus. C'est plus fort que moi.
- il faudrait que tu le fasses restaurer ce tableau, c'est dommage.
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- (...) Depuis que je suis partie, début septembre, il m'oppose un silence obstiné. C'est ce silence qui m'a fragilisée. Qui fait que j'ai arrêté de dormir, de manger . C'est insupportable le silence. Ça rend fou. C'est la pire violence qu'on puisse faire à sa femme au fait. Je ne pensais pas. Pas à ce point. Mon corps s'est desséché en même temps que mon coeur. Vous avez déjà été confronté pendant des mois à une muraille de silence ? C'est horrible.
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- (...) Je déteste les conflits.
- En attendant, c'est en vous qu'il se déchaîne le conflit, ce n'est pas beaucoup mieux si vous voulez mon avis.
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Les traitements sédatifs, c'est vrai, ne sont pas rigolos, ils figent, ils endorment,mais ils permettent de ralentir la machine en attendant que les traitements régulateurs soient efficaces. En même temps, ils vous permettent de dormir. Vous avez besoin de dormir. D'après ce que nous a dit votre amie, vous ne dormiez plus depuis des semaines. Déjà, vous reposer va vous faire le plus grand bien.
Cet état de manie délirante est néfaste, il faut impérativement le traiter, parce que même si c'est une tentative de la tête et du corps pour ne pas s'effondrer, cet état est épuisant, même sil vous semble que peuvent en surgir des idées, des fulgurances, des idées fortes : la sérénité ne va pas venir de cet état-là, qui va avoir tendance à s'accentuer de surcroît, et à être de plus en plus puissant. On peut en mourir. On peut devenir de plus en plus maniaque, ce n'est pas bon ni pour le corps ni pour l'esprit que la turbine s'emballe de cette façon.
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A partir de ce jour, Sarah revint chaque soir se cacher derrière le tronc. Sa propre vie se déroulait sous ses yeux comme sur un écran de cinéma, mais elle n'avait pas la possibilité de s'immiscer dans les images pour infléchir la narration. Elle était condamnée à la fonction de spectatrice. Sa vie était devenue une fiction écrite par d'autres.
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Elle chérissait ce quotidien comme quelqu'un qui a failli mourir. Vivre après les frayeurs d'un cancer est un cadeau inespéré. C'est puissant et tenace. Chaque jour était béni. Sarah en éprouvait une immense gratitude.
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Rendue plus forte par le soutien de ses amis, qui semblaient la regarder faire à distance, solidaires de ses efforts, elle s'était aperçue que si elle décidait, dans sa tête, concentrée de ne pas accorder à cet homme l'empire que ses nuisances la conduisaient habituellement à lui abandonner, eh bien son poids s'amoindrissait de lui-même, elle parvenait à le voir tel qu'il était vraiment, elle se disait qu'elle avait sous les yeux, qui arpentait chaque soir sa chambre avec colère tel un enfant criard et capricieux, un homme mineur et pitoyable, insipide, insignifiant - et elle se demandait par quel curieux prodige, étant lui-même si peu de chose, il pouvait saccager son existence avec autant de facilité, en rencontrant si peu de résistance: comment était-il même envisageable qu'il pût la dominer, et avoir le dessus sur elle, ne serait-ce qu'un quart d'heure ?
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Il faudra sans doute un peu élaguer dans ce que je viens d'écrire, je me répète à plusieurs endroits mais ce n'est pas grave, I'important c'est de se sentir mordue de l'intérieur par l'envie d'écrire, mordue et attrapée et entraînée par l'écriture comme par un animal qui me tiendrait prisonnière de ses crocs, quitte à en faire un peu trop et à aller trop loin, à crier de douleur sous l'emprise de cette mâchoire impérieuse, ce n'est pas grave.
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Mais la vraie raison de sa discrétion était qu'elle ne pouvait évoquer le traitement qu'elle subissait de la part de son mari sans révéler du même coup ce qu'était son existence depuis de nombreuses années : un désastre. Or, non seulement elle n'en avait jamais parlé à personne, mais elle s'efforçait de faire croire à tout le monde que leur couple fonctionnait à merveille, qu'ils étaient parvenus, Jean-François et elle, contrairement à la majorité des gens, à perpétuer l'émotion initiale, l'attirance sexuelle, le désir d'être ensemble, Les ambitions qu'elle attachait au devenir de son couple avaient toujours été teellement élevées qu'elle n'avait jamais pu se résoudre à ne pas afficher, au regard de l'extérieur, même quand les choses avaient commencé à ne plus très bien marcher, les apparences d'une réussite incontestable, par orgueil certainement. ou par manque de courage, mais aussi parce ou'elle n'avait jamais désespéré qu'un beau jour la situation finisse par s'arranger, par pur idéalisme adolescent. En simulant que tout allait bien, mieux encore : en propageant l'exemple d'une plénitude conjugale à ce point rayonnante qu'elle humiliait, rendait envieux et rancuniers tous ceux qui en étaient les spectateurs, Bénédicte Ombredanne se vengeait sans doute sauvagement, aussi, il arrivait qu'elle se l'avoue, de ses espoirs trahis –elle éprouvait une sorte de joie malsaine à attiser chez les autres ce dont elle-même agonisait en secret. Elle se disait en outre que cette fiction destinée au public lui ressemblait dans le fond bien davantage que l'existence défectueuse que du seul fait de son mari elle était obligée d'endurer, ce maquillage synthétisait ce qu'elle aurait aimé vivre, il détenait une part de vérité sur sa personne, il parlait bien mieux de son imaginaire que ne l'auraít fait n'importe quoi d'autre la concernant, même s'il constituait un mensonge éhonté, une comédie sociale à certains égards parfaitement répugnante, hypocrite et bourgeoise. Son Intimité conjugale parvenue à ce stade de déréliction, Bénédicte Ombredanne ne s'était pas résolue pour autant à en révéler les tourments.
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Même les animaux ils nourissent leurs petits. On n'a jamais vu un animal, même le pire d'entre eux, même le plus sauvage, même le plus indigne et répugnant, oublier, négliger de nourrir ses petits. Se faire baiser le jour où normalement on fait les courses pour nourrir ses enfants, se faire tellement baiser, y prendre tellement de plaisir qu'on décide de remettre à un autre jour son devoir maternel le plus élémentaire, tu admettras que sur le plan du symbole, c'est fort, bravo, je te félicite.
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C'était un peu comme une forêt profonde et angoissante, inextricable, constituée par les phrases que son mari lui adressait continuellement, qui toutes semblaient se reproduire à I'infini comme des centaines de troncs, jour après iour, serrées les unes contre les autres, sans issue perceptible, absolument jamais, en aucun point de ces ténèbres où Bénédicte Ombredanne se trouvait prisonnière, soumise à la fureur inquisitrice de son mari. II lui téléphonait plusieurs fois par jour. Il était de plus en plus fréquent qu'il la réveille la nuit pour lui parler. Il se jetait sur elle le matin dès qu'elle ouvrait un œil, après deux ou trois heures d'un sommeil imparfait, avec l'espoir qu'elle se trahisse, piégée par une astuce tactique que la nuit luí aurait inspirée. Elle était sous la douche et soudain la cabine s'entrouvrait, le visage de Jean-Francois apparaissait et il l'entreprenait. Toutes les fois qu'elle était en sa présence et que leurs enfants n'étaient pas là, là, la machine à accuser, la machine à questionner, la machine à calomnier, la machine à recouper, la machine à enquêter qu'il incarnait déversait sur Bénédicte Ombredanne sa production plaintif et acharnée, inflationniste, infatigable, pendant des heures, pendant des heures, pendant des heures, comme s'il voulait asphyxier son cerveau, Le priver de toute lumière, l'amener à expulser la perle de son secret, par épuisement.
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- Il lui arive de me bousculer, alors parfois je tombe, car je suis frêle, et alors je me fais mal. Je n'ai qu'à mieux me tenir sur mes jambes, comme dans l'autobus. Il ne me frappe pas. Sauf quand un geste un peu brusque surgit de sa personne vers la mienne, parce que c'est plus fort que lui, mais ce ne sont pas des coups, non, ce ne sont pas des coups, pas à propremnent parler.
- Hein? Parce que c'est plus fort que lui ?
- Christian, s'il vous plaît, c'est une mauvaise idée qu'on parle de ça, je vous assure.
- Si je vous comprends bien, il y aurait les hommes qui frappent les femmes par goût, par habitude, en connaissance de cause, et ceux qui les frapperaient sans les frapper vraiment, à regret, sans l'avoir voulu, quasiment par inadvertance, parce qu'une gifle leur aurait échappé, ou une bousculade, et ces hommes-là seraient pardonnés d'avance, on devrait les excuser, parce qu'ils seraient, je ne sais pas, faibles ? esclaves de leurs pulsions ? pitoyables ? de leur propre aveu ? Alors leur comportement devrait être minimisé ? Je ne suis pas d'accord.
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Une vieille vigne courait le long de la maison, en hauteur, vénérable, accrochée à la façade au moyen d'un fil de fer rouillé, horizontalement, semblable à à la structure d'une phrase complexe que l'hiver aurait dépouillée de ses mots, de sa saveur originelle : un message qui retrouverait son sens durant l'été quand toutes les feuilles seraient réapparues, quand chaque incise, chaque incidente, chaque parenthèse d'écorce de cette structure grammaticale ferait éclore la réjouissance d'une lourde grappe. Elle imagina qu'alors se laisserait lire, contrairement à aujourd'hui, un magnifique message de bienvenue.
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Voilà à quel miracle elle aspirait chaque jour, voilà l'urgence à laquelle l'avait durablenment rappelée la lecture de mon roman : retrouver son propre éclat, le retrouver au plus profond d'elle-même comme le marcheur déshydraté découvre l'éblouissement d'un spectacle mìrifique sous le plancher d'une vieille auberge, au coeur même de la roche. C'est cet impératif qui doit filigraner nos pensées tandis que le temps passe, que nos journées s'effritent, que nous voyons des silhouettes inconnues s'agiter dans la rue (et parfois désirables, désirables ne serait-ce que métaphysiquement, en raison de notre solitude, a précisé Bénédicte Ombredanne), tandis que tombe la pluie et qu'on s'absorbe dans l'examen de son reflet dans les vitres d'un autobus, un reflet indulgent. Cet autobus nous ramène à la maison dans la même nuit épaisse, violente, glaciale, aveugle, d'octobre, de novembre, de décembre, d'hiver, de froid, mouillée, fouettante, jour après jour, soir après soir, janvier, février, mars, année après année, dans la même nuit cinglante que si cet autobus nous arrachait à notre réalité pour nous conduire à travers l'obscurité vers une région inconnue, aux confins du reel, exactemnent comme un bateau dans les embruns d'une mer hostile, une mer hostile mais attirante. Attirante ? Vous me demandez, Éric, pourquoi je trouve cette mer hostile attirante ? Je vais vous dire : en raison de ces lointaines profondeurs invisibles, noires, épaisses, où peuvent s'entendre les échos de nos rêves. Rien n'est pire que le dur des surfaces planes, que le tangible des surfaces dures, que l'obstacle des écrans qui se dressent, sauf si des films y sont projetés. Je préfère le profond, ce qui peut se pénétrer, ce en quoi il est envisageable de s'engloutir, de se dissimuler: l'amour et les forêts, la nuit, l'automne, exactement comme vous. Claquemurées dans la résignation depuis tellement d'années, ses ambitions pour le bonheur ses ambitions d'adolescente avaient beau avoir été violentées par la vie, elle les avait ranimées récemment : elle réclamait dès lors de chaque journée qu'elle lui prodigue une minute iradiante, une heure miraculeuse, une enclave d'émerveillement, un grand soupir extatique oublieux des tristesses de l'existence. Malheureusement, la réalité n'est pas tellement généreuse avec ceux qui réclament d'être enchantés.
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Ce qui accentuait cette intuition que Bénédicte Ombredanne n'allait pas très bien, c'était aussi l'importance qu'elle accordait aux livres qu'elle adorait, une importance que je sentais dénesurée : comparable à un naufragé qui dérive en haute mer accroché à une bouée, elle les voyait comme détourner leur route et s'orienter lentement vers sa personne de toute la hauteur de leur coque, c'était bien eux qui allaient vers elle et non l'inverse, comme s'ils avaient été écrits pour l'extraire des eaux sépulcrales où elle s'était résignée à attendre une mort lente. En cela je dois admettre que les lecteurs de cette catégorie n'ont pas une attitude ni des attentes fort différentes des miennes : moi aussi j'attends des livres que j'entreprends d'écrire qu'ils me secourent, qu'ils m'embarquent dans leur chaloupe, qu'ils me conduisent vers le rivage d'un ailleurs idéal. Elle me voyait comme un capitaine au long cours qui l'aurait dístinguée dans les flots depuis le pont de son navire et qui serait venu la sauver.
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