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Citations de Eric Reinhardt (782)


Elle allait donc, à partir de maintenant, s'inventer, s'inventer chaque jour, se réinventer toutes les fois qu'elle le pourrait, ainsi sa vie deviendrait sans doute un peu plus belle qu'elle ne l'avait jamais été, c'est la leçon qu'elle retirait de cette lecture.
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Bénédicte, il faut absolument qu’on se revoie. Penses-tu que deux personnes qui vont si bien ensemble ont le droit de prendre la décision de se priver l’une de l’autre à tout jamais, froidement, cruellement, pour une question de principe ? Ce serait une lourde erreur et une immense souffrance. Certes, je n’ai pas oublié que tu es mariée et mère de deux enfants, mais si j’en crois certaines des confidences que tu m’as faites cette situation ne doit pas m’empêcher de te faire don de mon amour, ni de rêver que tu finisses par l’accepter, et par m’aimer toi aussi avec la même intensité. Je te l’ai dit, j’ai deux enfants qui viennent me voir un week-end sur deux et la moitié des vacances, j’ai toujours adoré les enfants, je me sens capable d’entourer les tiens d’un amour tendre et sincère. Qu’on serait bien, tous ensemble ! Tu dois penser que je vais trop vite en besogne mais à quoi bon tergiverser ? Nous ne sommes plus à des âges où le temps de la réflexion permet des avancées décisives, j’ai acquis une sûreté de jugement grâce à laquelle je peux savoir dans l’instant si les choses ont ou non de la valeur, et quel comportement il convient d’adopter à l’égard de telle ou telle situation, y compris les moins anodines : c’est utile dans mon métier, bien sûr, comme tu peux l’imaginer, mais également dans les relations humaines ! Bénédicte, mon tendre amour, je ne te mets pas sur le même plan qu’une soupière du XVIIIe mais tout de même, c’est important de savoir reconnaître au premier coup d’œil la beauté et la valeur des choses, et d’avoir une idée juste du prix qu’il faut y mettre. Plus sérieusement, j’ai, dans ma jeunesse, commis des erreurs, mais j’ai appris à me connaître, si bien que mon instinct, depuis quelques années, ne me trompe plus, je pourrais le dire comme ça. C’est une évidence qu’on s’entend à merveille et tu le sais aussi bien que moi : nul besoin de quelques heures de plus pour donner à ce ressenti le nom de certitude. Bénédicte, tu ne m’as pas seulement tapé dans l’œil, comme on dit vulgairement : à ton contact, j’ai senti qu’il se passait en moi quelque chose de fondamental, et ce quelque chose de fondamental continue de remuer dans mon corps bien que tu ne sois plus là pour en alimenter les soubresauts. Je pourrais dire que ton apparition, hier, a fait naître un animal dans mon ventre, cet animal grandit d’heure en heure avec ses poils, ses muscles, son museau, ses fines moustaches qui me chatouillent, ses dents pointues et ses belles griffes qui me grattent et m’écorchent, cet animal se nourrit de mes rêves, il lèche mes organes, il se sustente de mes entrailles pour ne pas mourir de faim et ces repas répétés qu’il effectue me procurent un plaisir infini, c’est un peu comme un orgasme intérieur continu, en sourdine, au violon, féminin pourrait-on dire, qui s’amplifie en même temps que la belette prend du volume… Bénédicte : cet animal que ta beauté a fait naître me dévore de l’intérieur et c’est sensationnel, je n’avais pas éprouvé ça, un tel plaisir de vivre, physique, mental et organique, depuis tellement d’années… et tu voudrais que j’y renonce ? Je suis redevenu un vrai jeune homme, grâce à toi, en l’espace de six heures ! Bénédicte, dis-moi la vérité, tu veux vraiment que je la tue cette pauvre petite belette, que je la noie impitoyablement ? Que je la fasse disparaître dans l’éther du renoncement, de la résignation ? Je comprendrais que tu demandes du temps : brusquer les choses peut effrayer. Mais on pourrait se voir à Metz une fois de temps à autre, pour déjeuner et bavarder, se promener dans la campagne, aller peut-être dans un hôtel discret, si le cœur nous en dit ? J’en connais un qui est très bien, on pourrait, si on le voulait, y avoir nos habitudes. Bénédicte, j’ai envie de t’embrasser, de faire l’amour avec toi encore et encore. Je m’aperçois que je n’ai pas ton numéro de téléphone, est-ce que tu peux me le donner ? Je n’en userai qu’en cas de force majeure, en fait c’est surtout pour me rassurer et savoir que tu n’as pas disparu dans la nature. J’espère que tu consultes souvent tes mails et que l’adresse dont je dispose n’était pas une adresse factice créée pour l’occasion et désormais supprimée. Je pense à toi et t’embrasse du fond du cœur, avec toute mon affection et déjà mon amour,

Christian.
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Si elle l’avait rencontré en ville, dans un café de Metz, et qu’elle l’avait observé, elle eût cherché autour de lui de l’espace, du ciel et de la solitude
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[...] c’est pourquoi Bénédicte Ombredanne avait décidé de faire le noir complet sur sa vie familiale, ne laissant illuminés, comme au théâtre, sur la scène de son mental, que son strident désir de femme, ses pensées fascinées, la nudité troublante de son excitation, le temps que durerait son échappée. Dans la pénombre le réfrigérateur, dans la pénombre son mari et ses enfants, dans la pénombre les copies à corriger, l’aspirateur, le repassage et l'administratif –
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Peut-être, si la présence de cet autre homme restait logée intacte à l'intérieur de son ventre sous la forme de ce désir magique & impérieux, se sentirait-elle protégée des outrages qu'elle allait devoir subir en remontant dans sa chambre ?
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Ce qui accentuait cette intuition que Bénédicte Ombredanne n’allait pas très bien, c’était aussi l’importance qu’elle accordait aux livres qu’elle adorait, une importance que je sentais démesurée : comparable à un naufragé qui dérive en haute mer accroché à une bouée, elle les voyait comme détourner leur route et s’orienter lentement vers sa personne de toute la hauteur de leur coque, c’était bien eux qui allaient vers elle et non l’inverse, comme s’ils avaient été écrits pour l’extraire des eaux sépulcrales où elle s’était résignée à attendre une mort lente [...] moi aussi j’attends des livres que j’entreprends d’écrire qu’ils me secourent, qu’ils m’embarquent dans leur chaloupe, qu’ils me conduisent vers le rivage d’un ailleurs idéal. Elle me voyait comme un capitaine au long cours qui l’aurait distinguée dans les flots depuis le pont de son navire.
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(...)
J'adore les forêts. J'ai toujours aimé les forêts. C'est magique une maison dans une forêt. Comme dans les contes de fées.

( p.71)
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Moi aussi je suis sensible au recul des siècles.Ce que je préfère, en moi, c'est ce qui me relie au passé. Si j'avais pu, j'aurais choisi de faire votre connaissance en 1883.
- En 1883 ?
- C'est l'année où Villiers de L'Isle-Adam a publié le livre sur lequel j'ai fait mon mémoire de maîtrise. (...)
-Son nom ne me dit rien
- Il n'est pas très connu.Il appartenait au mouvement symboliste, il était l'ami intime de Mallarmé, il fréquentait Huysmans.Avant de les écrire, il éprouvait l'impact de ses récits en les disant dans les cafés, en public, et il éblouissait par son charisme, son ironie, la puissance visionnaire de son verbe.C'était un rêveur, c'était un idéaliste. Il accordait la plus grande importance à l'expérience sensitive, en ceci qu'elle peut nous révéler la vérité du monde.

( p.104)
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Les choses modernes ne me touchent pas.Pour être ému, j'ai besoin que ça soit ancien, avec un imaginaire d'un autre siècle, de préférence assez lointain. Pareil pour les gens: je les préfère quand ils ont l'air de s'être évadés d'une autre époque, les gens que je rencontre.

( p.103)
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Claquemurées dans la résignation depuis tellement d'années, ses ambitions pour le bonheur- ses ambitions d'adolescente- avaient beau avoir été violentées par la vie, elle les avait ranimées récemment : elle reclamait dès lors de chaque journée qu'elle lui prodigue une minute irradiante, une heure miraculeuse, une enclave d'émerveillement, un grand soupir extatique oublieux des tristesses de l'existence.Malheureusement , la réalité n'est pas tellement généreuse avec ceux qui réclament d'être enchantés.
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(...) elle lui avait confié à différentes reprises que son mari lui rendait la vie sinistre, qu'il n'y avait aucune gaieté dans leur maison, qu'il ne pensait qu'à son travail et à l'organisation du foyer, à la gestion du budget familial et au respect de cette abominable discipline budgétaire. Tout était quadrillé, rationnel, répertorié, anticipé et planifié, sans aucun sens de l'improvisation et du mouvement, du spontané, de l'instinctif, du poétique.Sans aucun sens de la vie et du bonheur.

( p.313 )
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Elle s'était sentie mieux après avoir lu mon roman, il en était résulté la conviction qu'il est possible de s'unifier malgré le fait qu'on se perçoit comme fragmenté. (...)
On est tous amenés à jouer des rôles qui en définitive sont les facettes d'une vérité unique qu'on passe son temps à intérioriser, à travestir, à protéger du regard d'autrui et finalement à trahir, parce qu'on a honte de s'avouer aussi complexe, pluriel, tiraillé, contradictoire et donc essentiellement indéfini, alors que c'est précisément notre force, m'écrivait Bénédicte Ombredanne.

( Gallimard, 2015, p.17)
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D’une certaine façon, Bénédicte avait sacralisé sa vie et le réel, elle avait un sens aigu du sacré et de l’instant présent : elle attendait de l’instant présent qu’il la conforte dans la sensation que sa vie était belle et qu’elle avait du sens, et c’est parce qu’elle sentait que sa vie était belle et qu’elle avait du sens qu’elle parvenait à déceler dans l’instant présent des beautés que personne d’autre ne percevait.
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Il avait sur elle, inexplicablement, une emprise absolue, il était parvenu à la rendre à ce point dépendante, affectivement, de sa personne, qu'il pouvait, par son comportement, de la manière la plus primaire, agir sur la psychologie et sur l'état mental et donc physique de Bénédicte, exactement comme s'il appuyait sur les boutons d'un tableau de bord incrusté dans sa poitrine.
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Elle avait perçu quelque chose de vital dans mon roman : il avait été écrit parce qu'il devait l'être. De la même manière que toute personne qui est née doit absolument s'accepter et se réaliser un jour telle qu'elle est pour ne pas mourir, elle pensait que par ce livre je m'étais trouvé et transcendé, justement pour ne pas mourir. L'autre versant du vital c'est que les quatre personnages que j'avais créés avaient la possibilité de donner vie à leur tour : ces destins pas si roses provoquaient chez le lecteur un optimisme fou.
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S'extraire de la banalité du réel pour connaître une expérience inoubliable, récurrente, addictive, de plus en plus merveilleuse, de plus en plus enchanteresse, dans les bras d'un homme, dans un recoin secret de la réalité, et de son existence. Je m'en souviens, elle m'en a parlé en ces termes, en me donnant tous ces détails, comme si vraiment elle y pensait souvent. J'ai trouvé ça beau que ce soit ça son rêve, mais en même temps ça m'a attristée car j'ai compris que Bénédicte rêvait sa vie, elle rêvait la vie qu'elle aurait aimé avoir, sa vie était en grande partie virtuelle.
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Sa vie c'était ça, amour et mensonge étaient devenus deux notions interchangeables, indifférenciées, qui se mélangeaient pour constituer le fantasme, qui perdurait en elle, de réussite conjugale, de plénitude familiale, de longévité matrimoniale, au fil des jours, dans l’intimité du foyer, sous des apparences parfaitement trompeuses, y compris pour elle-même.
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Rien n'est pire que le dur des surfaces planes, que le tangible des surfaces dures, que l'obstacle des écrans qui se dressent, sauf si des films y sont projetés. Je préfère le profond, ce qui peut se pénétrer, ce en quoi il est envisageable de s'engloutir, de se dissimuler: l'amour et les forêts, la nuit, l'automne, exactement comme vous.
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(...) car je ne suis jamais autant moi-même et dans mon être, et dans ma vérité, qu'à travers les mots, les phrases, les livres, les grands auteurs et leur génie de la verbale et tranchante fulgurance.
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Quel bonheur que d'écrire, quel bonheur que de pouvoir, la nuit, souvent la nuit, s’introduire en soi et dépeindre ce qu'on y voit, ce qu'on y sent, ce qu'on entend que murmurent les souvenirs, la nostalgie ou le besoin de retrouver intacte sa propre grâce évanouie, évanouie dans la réalité mais bien vivante au fond de soi, et éclairée au loin comme une maison dans la nuit, une maison vers laquelle on laisse guider ses pas, seul, conduit par la confiance, l'inspiration, ses intuitions renaissantes, par le désir de rejoindre cet endroit qu'on voit briller au loin dans les ténèbres, attirant, illuminé, en sachant que c'est chez soi, que c'est là que se trouve enfermé, au fond de soi, ce qu'on a de plus précieux, son être le plus secret.
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