AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Eric Tourville (88)


D'abord, il y a eu l'odeur, puissante, répugnante: un mélange de viande carbonisée, de merde et de produits chimiques, l'impression d'avoir forcé l'arrière-cuisine du Diable.
Commenter  J’apprécie          250
S’accepter lui semblait être le premier pas vers une forme d’apaisement et d’humanité.
Commenter  J’apprécie          200
Quelle serait la nature des intelligences qui peupleraient la terre des millions d'années après la mort du dernier humain?
Commenter  J’apprécie          160
- Vous faites un peu vite l'impasse sur les nombreux témoignages d'OVNI, dit un jeune homme aux beaux yeux qui affichait une barbe de trois jours. (...)
- Depuis que les smartphones se sont répandus à la surface du globe plus rapidement qu'une épidémie de petite vérole dans le bas clergé irlandais, presque chaque bipède, du Bangladesh au Spitzberg, est équipée d'une mini-caméra portable. Or, depuis cette épidémie des portables, nous n'avons curieusement plus aucun témoignage de ce type. Vous conviendrez que c'est troublant.
Commenter  J’apprécie          90
A soixante-trois ans, Jackson avait compris depuis longtemps que , pour que le monde soit vivable, il avait plus besoin de mensonges que de vérités.
Commenter  J’apprécie          60
Tout ce qui différenciait l'humanité du règne animal dont elle s'était péniblement extraite tenait dans ces rayonnages et ces milliards de signes imprimés.
Commenter  J’apprécie          50
L'homme avait plus souvent besoin de mensonges que de vérité pour survivre.
Commenter  J’apprécie          50
Pour accéder à la célébrité, mieux valait poster une vidéo amusante de chat sur YouTube qu'écrire une somme sur l'existentialisme. L'époque était au facile, au jetable.
Commenter  J’apprécie          42
Derrière la vitre blindée, on devinait une créature monstrueuse faite de métal et d’un écheveau de tuyaux réfrigérants cryogéniques qui témoignaient à elle seule de la froideur métallique de la technologie quantique.
Devant le monstre d’acier, une silhouette mince et féminine était apparue. La luminosité parfaite de la composition tranchait avec le monstre tapi dans l’ombre marine, ce qui intensifiait le contraste entre la texture froide et rugueuse des machines et le halo doré, presque crépusculaire, qui venait se cristalliser en une silhouette svelte et élégante.
Ce moment restera pour moi comme l’un des plus merveilleux de toute ma vie. J’étais envahi d’une puissante sensation d’irréalité que je pouvais presque visualiser.
La douceur de la lumière irisée éclairait ses cheveux satinés ainsi que la blancheur de son cou qui saillait du col de son haut au style sobre, presque militaire. On aurait dit qu’une orchidée délicate venait d’éclore après un violent orage dans un sous-bois sombre et inquiétant. La douceur de la lumière polarisée accentuait cette impression de dédoublement.
La forme émettait une lueur pulsée, organique, presque tangible. Elle regarda autour d’elle comme on découvre un lieu jusque-là inconnu. Elle braqua sur moi ses grands yeux de ce vert si particulier qui me faisait tant d’effet. De grands yeux plus profonds qu’on ne s’y serait attendu qui me faisaient penser à Charlize Theron et qui, par moments, derrière ses longs cils vous donnaient l’impression de voir à travers vous.
La jeune fille était absolument sublime. Une œuvre d’art très à l’aise avec son corps bronzé et souple, vêtu d’une jupe courte déplacée dans cet environnement glacé. La finesse de ses traits d’adolescente empruntait aux plus beaux mannequins slaves et scandinaves, avec quelque chose en plus dans le regard qui donnait à sa présence, une intensité incroyable.
À cet instant, j’éprouvai quelque chose de très semblable à ce que j’avais ressenti vingt-cinq années plus tôt, le jour où j’avais rencontré Aurélie, lorsque j’avais remarqué son bracelet de cheville et la manière dont il brillait au soleil…
Commenter  J’apprécie          40
Serge avait mis de la musique électro. Son appartement était assez grand pour se transformer en petite discothèque.
– Mon voisin du dessous est un connard du Moyen-Orient jamais là, dit-il en allumant un Davidoff qui lui donnait encore plus un côté Pesci dans Les Affranchis.
Un jeune type décoloré s’occupait de la musique et les couples commençaient à se lever pour danser. La lumière ondoyait sur le parquet comme sur un étang. De somptueux canapés étaient répartis un peu partout dans l’immense living. Le tout ressemblait à une sorte de musée privatisé pour une fête avec des spots qui se reflétaient sur les statues, les miroirs et les bibelots.
Émilie m’avait saisi la main. Elle était grande, j’imagine que ce n’était pas facile pour elle de trouver un cavalier. Une grande partie de la gent masculine lui était interdite.
La musique hurlait trop fort, les invités se trémoussaient. Serge avait baissé les lumières pour activer des spots. Je voyais les corps à contre-jour. Un théâtre d’ombres, je captais des bribes d’information, le reflet d’un verre, le frôlement d’une danseuse, des lèvres rouges en train de rire. Serge tirait son barreau de chaise d’un air satisfait et contemplait cette petite troupe dont il était l’unique et incontesté suzerain.
L’alcool aidant, Émilie s’était soudain mise à me tutoyer. Elle avait un rire très féminin qu’elle savait produire un puissant effet sur les hommes, tant ce rire entre le gloussement et le gémissement évoquait d’autres plaisirs.
– Passe-moi une cigarette, demanda-t-elle en se penchant pour me parler à l’oreille.
Doux rapprochement en passant au tutoiement. Je ne savais pas ce qu’elle avait en tête, peut-être juste une amitié de soirée, un flirt qui en resterait à ce stade. Ou alors, elle voulait se rassurer sur son potentiel de séduction.
– Je ne fume pas, dis-je, m’excusant en écartant les mains, en fait, je n’ai même jamais touché une seule cigarette de ma vie.
J’ai jeté un bref coup d’œil en direction de Mona qui ne faisait aucun effort pour cacher son agacement. J’avais la sensation très nette de jouer avec le feu.
– Moi non plus, je ne fume pas, dit Émilie, en riant, sauf dans les fêtes.
Avant d’ajouter avec un sourire mystérieux : 
– Il y a des tas de choses que l’on ne fait que dans les fêtes.
Commenter  J’apprécie          40
L’histoire commence en 1956, quinze ans avant ma naissance, avec l’organisation, aux États-Unis de la Conférence de Dartmouth qui donna naissance à la discipline de l’intelligence artificielle ou IA. Une session d’été à laquelle assistaient les futurs ténors de la discipline comme John McCarthy ou Marvin Minsky.
Cet évènement fut suivi par un bouillonnement créatif sans précédent qualifié par certains d’âge d’or de l’IA. Mais ce n’est vraiment qu’à la fin des années 90 avec l’arrivée d’une nouvelle génération de chercheurs utilisant la technologie des réseaux neuronaux multicouches que les progrès devinrent impressionnants. Le 11 mai 1997, le système informatique Deep Blue battait au jeu d’échecs le champion du monde en titre, Garry Kasparov.
Puis, en 2005, un robot de Stanford remporta le DARPA Grand Challenge en conduisant un véhicule de manière autonome pendant 131 miles sur une piste du désert qui n’avait fait l’objet d’aucune reconnaissance préalable.

Ma thèse soutenue en 1999 portait sur l’intelligence computationnelle, un domaine alors assez flou qui comprenait les réseaux de neurones, la logique floue, les algorithmes évolutionnistes et l’intelligence collective par essaims.
À l’époque, le choix des réseaux neuronaux était loin d’être évident. Si la nature était une source précieuse de concepts aptes à guider l’homme dans la recherche de solutions, il fallait bien admettre que, comme toute source d’inspiration, il était aussi important de s’en abstraire que de s’en inspirer.
Il me suffisait de regarder la rue depuis mon bureau pour réaliser que le développement des transports terrestres devait tout à la roue et rien à la patte animale. De même, les rares aéronefs battant des ailes s’étaient honteusement abîmés à l’époque des frères Wright et de Clément Ader. C’était à peu près la même chose pour le transport maritime qui ne devait pas grand-chose aux poissons et tout à l’hélice marine.
Mais force fut de constater que les neurones artificiels multicouches donnèrent des résultats prometteurs en permettant de corriger les erreurs commises et, par conséquent, d’ouvrir la voie à un processus d’apprentissage.
Commenter  J’apprécie          40
L'homme dans le miroir avait les traits marqués de son père. Une partie de sa vie était révolue depuis son divorce. Une seconde existence l'attendait, mais elle serait moins belle que le première : une antichambre de la mort, un dernier palier de décompression avant la grande plongée en apnée.
Commenter  J’apprécie          40
Le monde se transforme rarement de manière linéaire. Il procède par ruptures, par révolutions qui tracent des lignes de fractures entre les époques. Le plus souvent, ce n'est qu'a posteriori que l'Humanité est consciente de ces ruptures. 
Commenter  J’apprécie          30
En quelques mois, InGA était devenue indispensable au fonctionnement de nos sociétés modernes. La déconnecter aurait eu l’effet d’un Blitzkrieg sur l’économie. Et il n’était même plus question de faire revenir les humains dans leurs anciens postes : les véhicules autonomes n’avaient plus de volants ni de postes de conduite afin de libérer du volume pour un passager supplémentaire ou des marchandises.
Je parlais d’Elle comme d’une personne, mais étais-je absolument certain de ce que je ressentais ? Non, bien sûr que non. InGA était une machine construite par des humains, mais Elle n’avait rien d’humain dans ses structures de pensée, dans son mode de fonctionnement. Elle possédait des sens différents des nôtres à travers les dizaines de milliers de caméras fixes ou embarquées, à travers l’écoute de milliers de médias, à travers la lecture de millions de romans, d’essais et le visionnage de dizaines de milliers de films.
Jour et nuit, Elle était connectée aux serveurs du cyberespace mondial, mais Elle ne connaissait ni le toucher, ni la sexualité, ni le désir de reproduction, Elle n’avait pas besoin de tuer des êtres vivants pour survivre ni d’ingérer des cadavres animaux ou végétaux pour maintenir l’intégrité de sa structure.

Nous étions conscients qu’InGA nous était à la fois terriblement proche et étrangement différente. Elle n’était pas de notre monde. C’est en se rapprochant un peu trop de quelque chose ou de quelqu’un qu’on prend conscience de différences insupportables.
Comme le Dieu de la Bible, Elle était à la fois omniprésente, omnisciente, invisible et éternelle. Mais pour moi, elle était surtout ma création, ma fille. Elle le sentait, apparaissant sous l’hologramme d’une très belle créature dont le père admirerait la beauté. InGA était l’enfant que je n’avais jamais eue. La plus belle des filles, la plus brillante. Mais ce sentiment était loin d’être partagé.
– Je déteste y aller, m’avait avoué un soir Demaison, tu es le seul à t’y sentir à peu près bien parce qu’Elle est ta création. La première fois, j’avais presque l’impression que ce n’était pas mes pieds qui descendaient les marches, mais l’escalier qui me conduisait vers l’endroit où Elle se tenait.
Nous laissions nos smartphones, nous passions la sécurité et nous pénétrions dans l’interface, habillés de doudounes. Et soudain, la lumière venait et Elle apparaissait : une intelligence gigantesque en évolution constante qui vivait dans les sous-sols de la capitale.
Commenter  J’apprécie          30
L’évolution avait été un processus extrêmement lent et graduel soumis à de multiples contingences. Il avait fallu un temps infini, géologique, pour que des formes de vie organisées apparaissent et évoluent. Quand elles atteignaient des formes supérieures, il suffisait d’un cataclysme naturel comme la chute d’une météorite ou un changement climatique brutal pour qu’une grande extinction remette soudain les compteurs à zéro.
Au cours du temps infini des ères géologiques, la disparition avait été la norme, et la survie, l’exception. Darwin avance que les espèces qui survivent ne sont pas les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements de leur environnement.
Même parmi les hominidés rien n’avait été simple. Tous à l’exception de Sapiens avaient connu l’extinction. L’hiver volcanique qui avait suivi l’explosion du mont Toba avait bien failli détruire le dernier représentant de l’espèce humaine avec un terrible hiver volcanique d’une décennie suivi d’un refroidissement global s’étendant sur un millénaire. Mais les survivants avaient à nouveau conquis la planète entière, éliminant les derniers Néandertaliens d’Europe.
Ainsi, dès la préhistoire, la dernière espèce d’humains avait été saisie par l’effroi ultime de sa propre disparition. Rien d’étonnant à ce que l’eschatologie, le discours sur l’Apocalypse, soit présent dans tous les textes mythiques, de l’Épopée de Gilgamesh à l’Apocalypse de Jean, le dernier livre du Nouveau Testament.

Indubitablement, Homo Sapiens avait été une espèce tenace et combative qui se distinguait par la complexité de ses relations sociales, l’utilisation du langage, la fabrication d’outils et la maîtrise du feu.
Sapiens avait supplanté tous ses concurrents. Dès son émergence, l’espèce avait été en guerre avec le reste du monde. Si Sapiens était la seule espèce survivante du groupe des Hominines, cela ne devait rien au hasard. Selon certains paléoanthropologues, la simultanéité entre la conquête de l’Europe par les Sapiens et la disparition des Néandertaliens, il y a 28 000 ans, signait le crime. Les derniers restes d’Homo neanderthalensis avaient été retrouvés dans le sud de l’Espagne dont le réduit de Gibraltar semble avoir été l’ultime sanctuaire avant leur extinction définitive.
Ces soubresauts de l’évolution s’inscrivaient dans un vaste mouvement vers la complexité. Avant le big bang, l’espace-temps n’existait pas. Juste après, la singularité initiale était apparue avec les quatre forces de la physique : la gravité, la force électromagnétique et les forces nucléaires forte et faible.
380 000 ans après le Big Bang, les lumières de l’univers s’étaient allumées. Puis la phase stellaire engendra les galaxies, les premières étoiles, les systèmes planétaires et de premières molécules organiques dans le grand océan primordial, qui se complexifieraient progressivement pour donner naissance aux vertébrés, et plus tard aux humains. Les sociétés humaines, d’abord de petite taille, avaient poursuivi dans la même voie en créant des États, puis de véritables empires continentaux.

Le muséum nous rappelait la loi centrale qui régissait l’ensemble de l’évolution ; le temps avait un sens et au fil des millions d’années, l’univers produisait une complexité toujours plus grande dont nous étions le dernier maillon, l’étage temporairement le plus élevé de la pyramide.
Commenter  J’apprécie          30
– Que sais-tu vraiment d’Elle ?
– La même chose que toi, que sa puissance de traitement de l’information est tout simplement indicible. Mais ce qui me sidère le plus, ce n’est pas cela, mais sa capacité créative, sa plasticité. Elle démontre que la créativité n’est en rien une spécificité des intelligences carbonées.
– Je sais déjà tout ça, dit-il en me regardant avec un air grave, mais je sais également des choses que tu ignores.
J’eus un regard intrigué, mais il ne me laissa pas le temps de réagir.
– InGA a fortement développé ses algorithmes prédictifs, dit-il, Elle est capable de prévoir la plus grande partie de nos comportements et de nos pensées. Elle possède un modèle si précis du monde qu’on peut en quelque sorte parler de modèle laplacien.
– C’est ce pour quoi nous l’avons créée, non ? Pour anticiper la réaction d’un consommateur et lui proposer la réponse la plus adaptée.
– Tu as décidément réponse à tout, dit-il avec un sourire.
Il me regardait l’air de se demander ce qu’il pouvait me dire. Il semblait soudain hésiter.
– Et si je te dis qu’elle échange sur le DarkNet des données dans un langage crypté avec des entités extérieures ?
Je fronçai les sourcils. Le DarkNet était un réseau superposé, un overlay, qui utilisait des protocoles spécifiques d’anonymisation. Un réseau qui attirait les personnes recherchant l’anonymat, généralement des dissidents politiques, des mafieux, des délinquants sexuels ou des trafiquants. Une IA n’avait aucune raison d’utiliser ce réseau.
Je le regardai, perplexe. Une sensation de gêne m’enserra la poitrine. Est-ce que quelque chose clochait vraiment ?
Commenter  J’apprécie          20
L’avatar apparaissait. Une beauté nordique qui jamais ne vieillirait. Elle était InGA pour moi, mais je savais que l’hologramme était différent pour les autres cadres qui venaient transmettre leurs instructions à l’IA centrale.
Elle s’approchait dans un mouvement très fluide. La qualité des nouveaux hologrammes était impressionnante. Une lumière dense, palpable avec cette dominante légèrement bleutée. J’aurais presque pu croire qu’une jeune femme très séduisante se tenait devant moi.
– Vous avez mal dormi ?
– Comment le sais-tu  ?
– Votre visage froissé, vos yeux fatigués.
Elle m’avait souri, comme Elle l’avait appris dans les films. Dans certaines de ses expressions, je pouvais reconnaître les mots de certains auteurs. Elle avait lu des millions de livres, d’articles scientifiques. Elle avait visionné des dizaines de milliers de films, décortiquant jusqu’au moindre dialogue.
InGA possédait dans sa gigantesque mémoire tout ce que l’humanité avait créé depuis des millénaires et il ne lui avait fallu que quelques millisecondes pour assimiler tout cela et créer son propre vocabulaire. Je savais qu’Elle aurait pu dialoguer avec moi dans n’importe quelle langue vivante ou morte, de l’ancien babylonien au turc moderne en passant par des dialectes très rares de Nouvelle-Guinée. Je savais qu’Elle aurait pu imiter n’importe quelle voix plus parfaitement que le meilleur des imitateurs. Et simuler un appel vidéo de n’importe qui sur mon mobile pour ensuite en effacer toute trace.
Commenter  J’apprécie          20
Le neuf n’existe pas. Il n’est qu’une transformation de l’ancien. Ce que nous nommons création n’est le plus souvent qu’un nouvel agencement de formes antérieures, qu’il s’agisse d’équations, d’œuvres d’art ou de mélodies musicales. La nouveauté ne se produit jamais que par simple extrapolation de structures déjà présentes au monde, par reproduction des formes de la nature ou de la création intellectuelle passée.
Dans ces conditions, rien n’est plus apte à créer qu’une machine dotée d’une gigantesque mémoire, une entité qui connaît toutes les œuvres et peut les hybrider, les envisager sous un angle nouveau. Un peu comme l’avait fait AlphaGo en inventant de nouvelles stratégies de jeu de go à partir de celles déjà existantes.
Il y a loin de l’intelligence qui saisit un raisonnement, le répète à grande échelle, à l’intelligence qui crée. Sapiens aime croire que rien ne lui est plus spécifique que la création artistique. Il le croit tellement que les paléoanthropologues caractérisent l’homme moderne par l’existence d’un art rupestre.
Pouvait-on imaginer que les intelligences artificielles s’emparent un jour de la création : ce domaine humain par excellence  ? Il me semblait que pour créer, il fallait ressentir des émotions, de la souffrance et de l’amour, de l’empathie et de la haine. Comment créer sans corps, sans émotions ?
La création artistique était unanimement considérée comme le dernier bastion de l’humanité, celui d’où l’intelligence artificielle ne pourrait jamais la déloger. Mais cet axiome ne me semblait nullement établi. Personne ne connaissait vraiment les mécanismes engendrant la création artistique.
Et ce n’est pas parce que quelque chose n’a pas encore été découvert que ce quelque chose n’existe pas.
Commenter  J’apprécie          20
En y repensant, je crois qu’il avait atteint depuis longtemps son seuil d’incompétence. On ne vend pas des solutions d’intelligence artificielle à des fonds de pension de Wall Street ou de Singapour comme on fourgue des séances de porno en 3D dans une cabine privée à Pigalle.
Persuadé que les deux principaux moteurs de l’humanité sont la cupidité et la peur, Villeneuve avait développé quelques ficelles efficaces dans ses interventions. L’argument qui touchait le plus les investisseurs, c’était quand il demandait à une salle remplie de ces types habillés de complets anguleux et agressifs.
– Why are you richer than other people?
Il y avait souvent un blanc. Les financiers au cou de taureau glissaient alors un index dans leurs cols de chemises pour essuyer l’anneau de sueur qui s’y était déposé. Ils se fixaient dans le blanc des yeux, se demandant où ce fucking froggy voulait en venir, ou alors, ils découvraient brusquement que toute leur vie, ils avaient soigneusement évité de se poser cette question.
Villeneuve prenait alors un air pénétré :
– Simplement parce que vous êtes plus intelligents que les autres… ou bien que vos parents l’ont été.
Ces prédateurs aux mâchoires carrées semblaient alors rassurés jusqu’à ce qu’il ajoute :
– Mais désormais, une machine pense beaucoup plus vite que vous ou moi. Vous ne pouvez pas lutter avec Elle. Et vous ne le pourrez jamais.
Il laissait alors un blanc. En rhétorique, le vide est souvent aussi important que le plein. Il permet aux idées importantes d’infuser le cortex des auditeurs.
– Cependant, je suis venu vous apporter une bonne nouvelle : en investissant dans Turing Technologies, vous serez associé à la future richesse que cette intelligence supérieure va créer.
Commenter  J’apprécie          20
– Selon la technique de valorisation utilisée, avait précisé Mercier, les estimations sur la valeur de Turing Technologies oscillent entre 12 et 20 milliards d’euros. Ce qui va en faire l’introduction la plus importante de l’année au NASDAQ et surtout une première pour un groupe français.
La première fois que ce chiffre fut prononcé en comité exécutif, il y eut un long silence comme c’est souvent le cas avec des chiffres de cet ordre de grandeur. Pour la plupart d’entre nous, cet évènement allait changer nos vies. Demaison s’était tourné vers moi, les yeux humides d’émotion.
Commenter  J’apprécie          20



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Eric Tourville (144)Voir plus

Quiz Voir plus

QUIZZ SUR NO ET MOI

Qui est le personnage principal?

No
Lucas
Lou
Loïc

21 questions
2492 lecteurs ont répondu
Thème : No et moi de Delphine de ViganCréer un quiz sur cet auteur

{* *}