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Citations de Ernest Haycox (103)


C'était un réconfort, après ces longues années d'errance, que d'arpenter sa terre et de contempler ce qu'il possédait ; il lui apparut qu'un homme pouvait ainsi - et seulement de cette manière - capturer le passage éphémère de son existence. Les empreintes du nomade dans la poussière s'effaçaient dès les premières bourrasques, l'air emportait son souffle ; mais dans les marques laissées par la hache sur les rondins de sa cabane était gravé chaque mouvement de ses épaules, convertissant un néant en quelque chose. Voilà ce qui définissait la richesse, lorsque l'on troquait l'impermanence de la vie contre ces objets permanents qu'il avait maintenant sous les yeux. Il pouvait toucher une couche de planches sur la pile et dire : "Ça, c'était moi hier", puis en toucher une autre et dire : "Ça, c'était moi le jour d'avant." Son temps ici-bas s'exposait dans ses planches, sa cabane, ses clôtures et ses champs labourés ; ses heures figurées de la sorte dessinaient un avenir qui serait sien aussi longtemps qu'il vivrait, et à la fin, il regarderait par-dessus son épaule et verrait cette vie étalée devant lui, chaque jour, chaque semaine, chaque mois ayant pris forme.
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"- Je voulais te demander... Est-ce que tu aurais aimé être quelqu'un d'autre ?
- J'avais de grandes idées quand j'étais jeune. C'est un âge difficile. Mais ils sont rares, ceux qui caracolent sur le grand cheval blanc en tête de la parade. Ce ne sont pas nécessairement les meilleurs, ni les plus intelligents, ni les plus honnêtes ; ils ont vu leur chance et ont eu le culot de la saisir, voilà tout. Je ne pense pas qu'ils soient plus heureux que les autres. Nous, nous sommes mordus par de petites puces. Eux, par de grosses puces".
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C'est toujours le même os que l'on ronge, dit Burnett. Rester ignorant et être heureux. Ou accéder à la sagesse et devenir triste. Être ignorant et ne croire qu'en une seule chose, se battre pour la défendre, et mourir avec le sentiment d'avoir mené une sacrée bonne vie. Ou être sage, ne concevoir aucune cause qui mérite que l'on se batte pour elle et, au bout du compte, se demander à quoi sert de naître.
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Lui eût-on soumis la proposition, Gay aurait préféré sans hésiter un gouvernement de mille insensés à celui d'un seul sage ; car au moins les mille insensés exprimeraient la volonté commune, alors que le sage ne parlerait qu'en son nom propre. Si les mille voulaient aller en enfer de la manière qu'ils avaient choisie, tel était leur privilège ; mais il n'appartenait certainement pas à un seul homme de les conduire au paradis s'ils ne le souhaitaient pas.
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La nature, haïssant l'élément solitaire - car l'élément solitaire est dépourvu de fonction -, avait donné à l'homme un sentiment d'incomplétude qui le poussait vers autrui; sans la proximité d'un semblable, il dépérissait et mourait. La nature n'en avait cure ; car l'homme était un récipient qu'elle créait par millions, peu lui importait combien de ces pots d'argile se brisaient en chemin, tant que quelques-uns survivaient pour transmettre le liquide qu'elle y avait versé ; seul le liquide comptait. Le rêve de dignité était une création de l'homme lui-même, pas de la nature, et il souffrait précisément parce qu'il tentait de faire exister ce rêve, malgré l'indifférence que la terre et le ciel manifestaient à l'égard de son destin individuel.
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Au long des journées, les rayons du soleil jouaient sur une terre encore amollie par la pluie du printemps. La chaleur et l'humidité libéraient le parfum unique de la fertilité, superposant les odeurs, accélérant la croissance de toutes choses. Les roses du couchant, les pourpres du crépuscule, les gris du soir entraînaient doucement le jour vers la nuit ; et le souffle de la terre, tour à tour délicat, sucré et puissamment épicé, enveloppait Burnett de ses grisantes turbulences. La terre était une femme qui, longuement aimée et caressée, se tendait vers la jouissance ultime.
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Quand je serai vieux, je me comporterai comme un vieux. Pour l'instant, c'est bon d'être vivant, de savourer le goût de l'eau, de pouvoir travailler, d'embrasser une femme.
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Rester ignorant et être heureux. Ou accéder à la sagesse et devenir triste. Etre ignorant et ne croire qu'en une seule chose, se battre pour la défendre, et mourir avec le sentiment d'avoir mené une sacrée bonne vie. Ou être sage, ne concevoir aucune cause qui mérite que l'on se batte pour elle et, au bout du compte, se demander à quoi sert de naître.
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Au coeur de tout groupe, il y avait le sens commun, la défense d'intérêts individuels et une tendance naturelle à agir pour le mieux - ces trois éléments se combinant en proportion variable. Avec le temps, il avait appris que les hommes parlaient souvent mieux qu'ils ne se comportaient ; ils montraient de bonnes intentions tel un habit du dimanche qu'ils aimaient revêtir en public, mais lorsque les corvées devenaient trop lourdes, ils enfilaient le jean crasseux de l'indifférence. Il ne fallait pas les offenser par maladresse, car des hommes tout à fait corrects pouvaient alors passer de l'autre côté de la barrière s'ils étaient blessés dans leur amour-propre ; ni heurter leur égoïsme intrinsèque au point qu'ils cessaient de s'intéresser à la nécessité publique.
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Comme ses voisins, il récusait le besoin de chefs et adhérait à l'idée que les hommes, malgré des capacités variables, recevaient de Dieu une égale aptitude à prendre des décisions pour tous ; au moment du vote, l'insensé, l'illettré, l'égoïste et l'intelligent étaient chacun doté de sagesse. Lui eût-on soumis la proposition, Gay aurait préféré sans hésiter un gouvernement de mille insensés à celui d'un seul sage ; car au moins les mille insensés exprimeraient la volonté commune, alors que le sage ne parlerait qu'en son nom propre. Si les mille voulaient aller en enfer de la manière qu'ils avaient choisie, tel était leur privilège ; mais il n'appartenait certainement pas à un seul homme de les conduire au paradis s'ils ne le souhaitaient pas.
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Non, il n'y a aucun moyen de faire fortune, mais de toute façon, ce n'est pas ce dont vous avez besoins. Ce qu'il vous faut, c'est vous installer et démarrer votre ferme, remplir vos celliers et vos coffres à grains, planter vos vergers, construire des routes, des écoles...Vous vivrez comme des rois, car c'est le meilleur endroit sur terre ici, au printemps, en été et en automne. A quoi bon être riches ? Pourquoi introduire le ver dans ce beau fruit qu'est la vie mes amis ? Faites que la terre donne, que vos garde-mangers soient remplis de crème, et reposez-vous sur votre galerie en vous balançant dans votre fauteuil. Mon Dieu, messieurs, devez-vous toujours acheter et vendre des choses pour être heureux ?
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Pour résister à l'assaut des éléments, il fallait se retirer dans ses pensées et dresser un rempart entre soi et la souffrance que l'on ressentait à l'extérieur, puis, quand les éléments transperçaient ce rempart, se retirer plus profondément encore dans sa chair et ériger un autre rempart. Le danger survenait seulement lorsque le dernier rempart était vaincu et que les éléments atteignaient cette petite cellule centrale où se logeait la volonté d'exister. À ce moment-là, le voyageur devenait un spectateur écoutant le combat entre sa volonté et l'intrus attaché à le tuer.
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Au long des journées, les rayons jouaient sur une terre encore amollie par la pluie du printemps. La chaleur et l'humidité libéraient le parfum unique de la fertilité superposant les odeurs, accélérant la croissance de toutes choses. Les roses du couhant, les pourpres du crépuscule, les gris du soir entrainaient doucement le jour vers la nuit; et le souffle de la terre, tour à tour délicat, sucré et puissament épicé, enveloppait Burnett de ses grisantes turbulences. La terre était une femme qui, longuement aimée et carressée, se tendait vers la jouissance ultime.
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Nous avons cette vie à mener, le mieux possible en essayant de nous rendre utiles. Un espace de liberté et de joie est possible. Mais non, nous ne devons pas rire en attendant notre fin tragique. nous devons nous incliner devant des dieux courroucés et vivre dans la crainte. Alors que nous allons mourir bien assez vite, nous devons nous étrangler petit à petit avant de mourir. Il se frappa violamment la cuisse de la paume de se main. Quelle mascarade. S'il existe un Dieu doté de compassion, il doit être affligé par les barbaries que nous commettons au nom de la morale.
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Le matin de Noël, Martha Gay contempla la brume qui déferlait sur la terre, noyant les arbres et les collines. Il avait plu pendant la nuit, mais ceci n’était pas de la pluie ; c’était de l’eau battue en une mousse plus vaporeuse que des blancs d’œufs vivement fouettées, descendant par couches successives, de plus en plus bas, jusqu’à s’enrouler autour de la grange. Elle la sentait sur son visage comme une sueur froide, et tout autour, l’herbe du pré et les ustensiles de la famille luisaient sous des perles de cristal.
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Entre les versants l’obscurité impénétrable était une superposition de couches pressées les unes sur les autres par le poids des milliards de kilomètre au-dessus, et la brume épaisse lui chatouillait le visage comme le frôlement d’une toile d’araignée. En de pareilles nuits, les multiples odeurs de la terre surgissait partout comme autant de sources vives, ici, un brin de menthe, là, l’arôme d’un cèdre, la senteur discrète des fougères : et ces rigoles parfumées se rejoignaient et formaient des ruisseaux invisibles qui sillonnaient la nuit, rencontrant d’autres ruisseaux de taille plus importante, la résine des pins, le musc âpre des putois, la fumée crachée par la cheminée de sa cabane, l’effervescence de l’herbe saturée d’eau dans les près ; et tous les ruisseaux se jetaient dans une large rivière d’odeurs, un lent et puissant écoulement, entêtant et sauvage, qui prenait possession de la nuit.
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Ce que l'on regrettait, c'étaient les occasions offertes que l'on n'avait pas saisies. Refuser, c'était reculer ; saisir, c'était avancer - et avancer c'était être vivant.
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La nature construisait les hommes et les éprouvait jusqu'aux limites de leur endurance, sans jamais être satisfaite même par les plus forts d'entre eux; cette main créatrice et négligente, ne trouvant pas la forme et les matières convenant à son projet, bâtissait, démolissait et bâtissait à nouveau.La persistance même de la création semblait affirmer que, de la poussière des imperfections saccagées, naîtrait un jour le modèle rêvé.
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Les gens ont peur et construisent des murs. Les tribus construisent des murs. Les colons construisent des murs. Le monde est plein de murs. C'est une sale façon de concevoir la vie.
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La nature, haïssant l'élément solitaire - car l'élément solitaire est dépourvu de fonction -, avait donné à l'homme un sentiment d'incomplétude qui le poussait vers autrui, sans la proximité d'un semblable, il dépérissait et mourait.
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