Un jeune homme en proie au spleen des jeunes années s'analyse, réfléchis en penseur nourri de l'idéologie chère à Rousseau. Constamment déçu dans sa recherche d'une certaine permanence, d'une stabilité, d'une constance dans une vie qui est partout changement, mouvement, mutation, cet homme sensitif, blessé par le temps qui passe, profondément seul malgré cette relation épistolaire, face à ses interrogations, ses doutes, ses déceptions, mais toujours assoiffé de vérité et rejetant les vains sophismes, cet homme dis-je, est de plus, handicapé par une volition trop faible. Mais l'homme évolue, et les années sauront atténuer par les consolations du renoncement l'impossible et destructrice quête de l'absolu.
Ce roman épistolaire dont on regrettera l'absence d'une réelle dialectique, d'un correspondant qui aurait donné rythme et relief au texte, n'est pas dénué d'intérêt pour autant. C'est d'abord une oeuvre protoromantique qui annonce un mouvement des arts qui marquera le XIXème siècle. L'intrigue est pour ainsi dire inexistante, mais le texte tire sa valeur d'un riche contenu philosophique illustré par un style d'une sobre élégance, d'une pondération éloignée des outrances du romantisme flamboyant. La beauté, le bonheur, la place des richesses dans ce dernier, celle de l'homme dans la nature, le droit de disposer de sa vie et d'y mettre un terme, la vrai vertu qui n'est pas celle des dévots, conditionnée et mesquine, la théorie des nombres comme fondement de la morale sont des éléments d'une liste non exhaustive de sujets traités. A ce titre on peut qualifier ce texte de parfait manuel de l'honnête homme. Senancour ne craint pas d'argumenter en employant l'humour et la démonstration par l'absurde. Enfin Oberman est un hommage à la pureté des sommets alpestres de la Suisse, à la nature dans son imposante majesté, dans sa bienveillante simplicité, dans ce qu'elle peut nous permettre de supporter et relativiser les tristes contingences de notre humaine condition.
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Une lecture qui fut pour moi éprouvante. Les sentiments, les impressions, et même jusqu'aux habitudes de l'auteur ne me sont que trop connus. C'est, cela étant, la seule oeuvre que j'ai lu jusqu'ici, qui décrive aussi bien le désarroi d'une âme qui se cherche une utilité face à la conscience trop pressante du temps. L'auteur la trouve dans la simplicité, qu'il ne confond pas avec la misère, et la bienveillance envers autrui. Je suis d'accord avec lui. L'action la plus utile, c'est encore le bien qu'on donne. C'est la plus belle et la plus juste arme à dresser contre le néant et l'oubli des siècles à venir.
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Wooouuhouu j'ai enfin fini ! Un livre qui a tellement de contextualisation préalables, d'ajouts, de notes, de notes sur des introductions de notes d'introduction, de chronologie, biographie, etc, que C'EST TROP LOURD !! Ce livre tel qu'il est, dans cette version, est TROP LOURD. Il empêche le texte de ressortir, et je n'ai pas pu l'apprécier à sa juste valeur, tant j'étais écoeuré.
Alors, que j'y vois pourtant un fond excellent : des descriptions assez uniques des paysages suisses et autres, des considérations assez uniques sur la solitude, l'ennui, la vie sans goût (ou la vie avec goût)... Avec une écriture brillante de cet auteur né à la fin du 18e et qui est une sorte de pré-romantique. Ce personnage d'Oberman(n), comparé à Werther ou à René (de Chateaubriand) est une expérience fort intéressante. Oui, ça c'est ce qu'on peut y voir. MAIS TROP DE CONTEXTE TUE LE TEXTE !!! Ou ne s'adresse alors plus qu'aux exégètes, philologues ou méga fans de Senancour.
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