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Critiques de Evan Dorkin (26)
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The Goon, tome 10 : Malformations et déviances

Ce 10ème tome est largement meilleur que le précédent. « Malformations et déviances » est composé de plusieurs histoires courtes et c’est un format qui va bien au Goon. Il y a trois histoires qui m’ont particulièrement plu. Tout d’abord, l’histoire hommage à « Freaks ». Au détour d’un chemin forestier, le Goon et Franky vont tomber sur une foire qui leur réserve des surprises. Cette histoire est très drôle et le côté « Brigadoon » de l’histoire mélangé à la violence outrancière de l’univers de Powell m’a fait penser à « 2000 maniacs », le film de Herschell Gordon Lewis, père fondateur du gore, qui était un décalque gore (et assez mou il faut le dire) du « Brigadoon » de Minelli. La 2ème histoire que j’ai préférée est celle où Franky tombe amoureux d’une pin-up sexy mais vénale et dangereuse. Franky qui était trop en retrait dans les tomes précédents retrouve ici le 1er plan et ça fait plaisir de le retrouver. Enfin, la 3ème histoire qui m’a tapé dans l’œil est la moins drôle de l’album, elle est même assez tragique. En suivant le combat d’ouvrières du textile exploitées par un affreux patron, Powell rappelle combien il est capable de faire preuve de subtilité et de sensibilité.



J’ai passé un très bon moment avec ce 10ème volet mais je n’achèterai pas les tomes suivants. Ce format d’histoires courtes était idéal pour clore ma relecture du Goon.

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Bêtes de somme, tome 1 : Mal de chiens

J'ai adoré ce comic tout à fait original, scénarisé par Evan Dorkin et dessiné par Jill Thompson. Imaginez un mélange de Stephen King (pour l'ambiance fantastique) et de Buffy contre les vampires (pour la dynamique de groupe), au pays de 30 millions d'amis et vous aurez une petite idée du concept de Bêtes de somme.



Le présent recueil compile les quatre premiers épisodes de la série ainsi que quatre histoires publiées hors-série mais qui s'insèrent dans la continuité narrative. Les héros de ces aventures surnaturelles sont tous des animaux, à savoir un groupe de cinq chiens et un chat. On s'attache rapidement à eux car, au même titre que des personnages humains, l'auteur a pris soin, au delà de la différence d'espèce (le husky, le doberman etc) qui les rend immédiatement identifiable, de les doter de personnalités très différentes (le râleur, le pleutre, le fonceur etc) qui apporte beaucoup à la dynamique de ce groupe qui a les crocs. Chaque histoire est plus ou moins indépendante, mais s'inscrit dans un ensemble, qui n'est pour l'instant que suggéré. Les différents épisodes sont donc autant d'occasions de combattre un monstre, toujours renouvelé, fantôme, loup-garou, démon, zombie, sorcière,il y en a pour tous les goûts. Les humains, ces crétins qui ne voient que par le petit bout de la lorgnette, peuvent donc compter sur la sagacité et la loyauté de leurs compagnons à quatre pattes, pour les protéger de ce qu'ils ne sauraient même envisager. Quasiment absents, graphiquement parlant, les hommes n'en reste pas moins très présents, en creux, dans la vie et la mission de nos héros à poil (du genre "mince il faut que je rentre chez mon humain avant qu'il ne s'aperçoive de mon absence"). Le dessin de Jill Thompson est remarquable, axé sur les couleurs, évoquant parfois des ambiances de peintres de la renaissance flamande qui seraient fans de Stephen King (oui bien sur ils auraient accès au voyage spatio-temporel).



Bêtes de somme est donc un comic qui attire par son originalité et qu'on apprécie pour la qualité de ses personnages, son ambiance (narrative et graphique) et les promesses en germes d'un univers potentiellement très riche. Tous ceux qui regardent 30 millions d'amis tout en lisant Simetierre doivent immédiatement se le procurer.
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Bêtes de somme, tome 1 : Mal de chiens

Âme égarée – Bégueule le beagle ne peut pas dormir dans sa nouvelle niche parce qu’elle est hantée. Les chiens du quartier font appel au sage Berger, un bobtail bien avisé. Pour aider Bégueule à retrouver le sommeil, cinq chiens et un chat appellent l’esprit tourmenté du fantôme.



La nuit, tous les chats… – Des hordes de chats noirs envahissent la communauté de Sommers Hill et annoncent le retour de sorcières qui veulent réveiller une ancienne divinité. Les chiens sont bien décidés à préserver la tranquillité du quartier.



Ne réveillez pas un chien qui dort… – Un vilain chat noir se venge de la meute en réveillant des chiens morts. Voilà que des zombies déambulent en ville ! « Soyons sérieux, crotte ! Il faut protéger notre voisinage ! » (p. 18) Il n’est plus temps d’être comme chien et chat : il faut se débarrasser des morts-vivants.



Un chien et son gars – Les chiens trouvent un humain dans la niche de Cador, un humain qui les comprend et parle leur langue. Mais le jeune garçon a un comportement bien étrange alors que s’approche la pleine lune.



Calamité – C’est le printemps à Sommer Hills et le douloureux hiver n’est plus qu’un mauvais souvenir. « Dire qu’à une époque, notre seul souci, c’était d’avoir une bonne pâtée. » (p. 147) Tout semble calme jusqu’à ce qu’une pluie de grenouilles s’abatte sur la ville. Derrière ce phénomène étrange se cache en fait une terrible menace.



La portée – « Ce n’est pas la première fois que vous vous comportez avec sang-froid face au surnaturel. C’est pourquoi la ligue des sages bergers m’envoie ici vous proposer de rejoindre ses rangs. » (p. 92) Les cinq chiens et le chat ont commencé leur apprentissage pour devenir des sages bergers. Une femelle se présente à eux pour qu’ils l’aident à retrouver ses petits. Mais les chiens ne sont encore que des novices et ils ne maîtrisent pas toutes les incantations qu’ils lancent.



Les rats de Sommer Hills – Sans-Famille ne cesse de penser à Dymphna, la chatte noire qui a failli causer la perte de Summer Hills en invoquant des zombies. Il est persuadé qu’elle n’est pas morte et part à sa recherche dans les égouts de la ville.



La profanation – Certains n’apprécient pas le retour de Dymphna et la soupçonnent de vouloir nuire à nouveau. Mais le plus important n’est pas là : une tombe du cimetière est ouverte et un humain a été massacré. De plus, un chant étrange retentit dans les airs, un chant que les rats vénèrent. La menace qui plane sur Summer Hills est encore imprécise, mais elle ne cesse de grandir. « Sommer Hills souffre d’un mal. Un mal puissant et inconnu qui attire ici des phénomènes contre nature. Ce mal doit être dépisté et éliminé. » (p. 92)



****



J’ai passé un très bon moment avec Bégueule le beagle, Terry le terrier, Cador le husky, Dobey le doberman, Carl le carlin et Sans-Famille le chat. Cette fine équipe à poils et à pattes ne mène pas la vie tranquille des animaux de compagnie. Même si les pelouses où sont posées leurs niches sont vertes et fleuries, les cabots et le matou voient des horreurs sans pareil.



Grande amoureuse des toutous et des matous, j’ai apprécié les scènes qui mettent des mots sur les comportements classiques de nos bestioles favorites. Ainsi, un des chiens ne peut s’empêcher de mettre son museau sur l’arrière-train de ses congénères et le chat se fait parfois avoir quand il se passe la patte derrière l’oreille. J’ai particulièrement été touchée et amusée par Carl, l’irascible carlin, qui cache un gros cœur et un courage certain. « Non mais, vous avez tous bu l’eau des toilettes, ou quoi ? Ça n’existe pas, les fantômes ! C’est juste des histoires à faire japper les plus jeunes de la portée. » (p. 10)



Un peu de surnaturel, quelques légendes canines et voici une très bonne intrigue. Il faut avoir le cœur bien accroché parce que les chiens sont assez malmenés. Nos chers compagnons ne sont pas des poules mouillées, mais ils ne sont pas en acier trempé. La présence du chat de gouttière est à la fois drôle et attendrissante : c’est une belle illustration de la tolérance et de la mixité. Point à noter : on ne voit pas un seul humain – normal, s’entend – dans cet ouvrage. La part belle est faite aux animaux. Le grand talent du dessinateur, c’est d’avoir donné chaque personnage une personnalité bien définie sans pour autant humaniser les animaux.



La bande dessinée d’Evan Dorkin et Jill Thompson est bourrée d’humour et les dialogues sont savoureux. Le dessin est très réussi, parfois superbe. Entre aquarelles et gouaches, l’image est très dynamique et vraiment profonde. L’organisation de la page n’est jamais systématique et se décline entre petites cases et grandes surfaces. Impossible de s’ennuyer en tournant les pages de cette bande dessinée : tout est fait pour attirer et réveiller le regard. C’est une belle performance qui donne envie de lire la suite. Je l’attends avec impatience !

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Bêtes de somme, tome 1 : Mal de chiens

Sommer Hill. Une banlieue américaine cossue avec des pavillons proprets et de bons toutous dans chaque jardin. Problème, l’un d’eux est persuadé que sa niche est hantée. L’occasion pour ses camarades à poils de découvrir que Sommer Hill n’est pas forcément un havre de paix idyllique...



Animaux zombies, loups garous, chats sorciers, grenouille géante, rats maléfiques, etc. Quand une bande de chiens (et un chat) est confrontée à des phénomènes surnaturels, le résultat est plutôt sanglant.



Destinée au départ à être publiée dans un ouvrage collectif, l’histoire qui ouvre le recueil aurait dû constituer la seule et unique apparition de cette drôle de brigade d’intervention canine. Mais l’accueil des lecteurs fut tellement chaleureux que les auteurs décidèrent de poursuivre l’aventure. Après trois nouvelles histoires courtes constituant autant de galops d’essai, les Bêtes de somme prirent définitivement leur envol dans des récits plus denses et plus mouvementés. Les personnages sont tous très attachant, avec une mention spéciale pour Carl le carlin, un trouillard cynique et de mauvaise foi à l’humour dévastateur.



Graphiquement, les aquarelles de Jill Thompson sont tout simplement somptueuses. Les attitudes données à chaque animal sont criantes de vérité et les couleurs, particulièrement travaillées, participent grandement à rehausser l’ambiance angoissante qui traverse chaque chapitre.



Car que l’on ne s’y trompe pas, Bêtes de Somme n’est pas un album pour enfants. Les auteurs donnent dans l’horrifique parfois assez gore et nul doute que les âmes trop sensibles pourraient être fortement secouées par certains passages. A ne pas conseiller avant 12-13 ans, donc.



Aussi original qu’inclassable, cet excellent comics a été récompensé en 2010 par le Will Eisner Award de la meilleure publication pour ados.






Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Beasts of Burden: Wise Dogs and Eldritch Men

Ce tome fait suite à Bêtes de somme, tome 1 : Mal de chiens (2009) par Evan Dorkin & Jill Thompson. Il regroupe les 4 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2018, écrits par Evan Dorkin, illustrés par Benjamin Dewey (dessins et mise en peinture), avec un lettrage réalisé par Nate Piekos. Il contient également un cahier graphique de 10 pages commentés par Dewey, ainsi que 4 couvertures alternatives réalisées par Rafael Albuquerque, Dustin Nguyen, Tyler Crook, Jill Thompson.



Dans les montagnes Pocono à 4 jours de distance de Burden Hill, un feu est en train de s'étendre dans la forêt. Tous les animaux (biche, hibou, raton laveur, mulot, écureuil, cerf, etc.) sont en train de courir paniqués pour s'éloigner de l'incendie. Ils croisent un chien qui va en sens inverse se dirigeant vers le cœur de l'incendie. Il s'agit de Lundy, l'un des chiens de la société des Chiens Sages. Alors que tous les animaux lui crient de rebrousser chemin, toujours protégé par un bouclier magique, il poursuit dans la même direction et arrive devant le responsable : une salamandre. Cette créature magique s'agite dans tous les sens, son corps enflammé mettant le feu à tout ce qui l'entoure. Lundy la traite de pyromane, mais en même temps il regarde la situation dans les détails. Il se rend compte que sa patte arrière gauche est prisonnière d'un piège à mâchoire. Lundy utilise ses pouvoirs pour lui intimer de se tenir tranquille. Il utilise une autre partie de ses pouvoirs pour écarter les 2 mâchoires et ainsi libérer la salamandre. Contre son instinct, Lundy ordonne à la créature de s'en aller le plus rapidement possible, plutôt que de la tuer pour s'assurer qu'elle ne nuira plus.



Une fois la salamandre partie, Lundy s'approche du piège et observe le symbole cabalistique qui est tracé à l'intérieur. Il s'enfuit ensuite du plus vite que lui permettent ses courtes pattes, et il sourit en voyant la pluie commencer à tomber : l'incendie sera ainsi maîtrisé. Il parvient là où il avait laissé ses compagnons, accueilli d'abord par Carver & Gerda qui montent la garde. Il confirme à Emrys, Miranda, Dempsey et Brigid que la mission est un succès. Il leur indique qu'il s'agissait d'une salamandre, un élémentaire du feu. Les chiens estiment qu'ils peuvent reprendre le chemin pour regagner Burden Hill : ils commencent par effacer les traces de leur passage, ainsi que le pentagramme qu'ils avaient tracé au sol. Ils décident de s'abriter de la pluie dans une grotte, et Lundy en profite pour tracer le symbole présent sur le piège à mâchoire : des runes traditionnelles et des symboles Hex, avec un symbole central qu'ils ne parviennent pas à identifier. L'un d'eux estime qu'après s'être reposés, ils devraient rechercher des indices dans les bois environnants. Dempsey rappelle qu'ils ont promis de répondre à un appel à l'aide en provenance de la ferme des Derrington où se trouvent des errants. Lundy décide de favoriser l'enquête sur la manifestation de la salamandre. Le lendemain, ils retrouvent le piège à mâchoire et déterre la masse qui l'ancre dans la terre.



Le premier tome introduisait ce concept de chiens étant des sorciers défendant le monde contre les incursions de créatures surnaturelles, à partir de la petite bourgade de Burden Hill aux États-Unis. Le charme de ces premières histoires provenait à la fois de l'originalité de cette idée de chiens magiciens, et à la fois des magnifiques aquarelles de Jim Thompson reproduisant une lumière extraordinaire, et montrant des chiens avec une réelle affection pour les canidés. Le lecteur retrouve ces caractéristiques dans ce deuxième tome : un groupe de chiens mages, des animaux se parlant entre eux, entre chiens mais également avec d'autres espèces et avec un ou deux humains, tous les animaux étant représentés sans une once d'anthropomorphisme, des milieux naturels, une menace magique maléfique, et une enquête pour découvrir qui est à l'origine du piège de la pose du piège à mâchoire avec des inscriptions et quel est leur objectif. Les 2 principaux changements sont que la composition du groupe de sages chiens a évolué et que Jill Thompson a cédé sa place à Benjamin Dewey. Evan Dorkin a choisi de ne pas reprendre Jack, Ace, Pugsley, Whitey, Rex, Muggsy et, Red. Le lecteur découvre donc Lundy, Emrys, Dempsey, Brigid, seule Miranda étant de retour. Le scénariste ne développe pas beaucoup leur personnalité. Lundy est un vieux sage encore bien vaillant sur ses pattes. Miranda, la nouvelle du groupe, prend progressivement confiance en elle. Dempsey s'avère têtu. De temps à autre, le lecteur éprouve la sensation que le scénariste attend de lui qu'il associe les races des chiens avec des traits de caractère.



Le lecteur s'investit donc plus dans l'intrigue que dans les personnages, même s'il peut ressentir une affection irrépressible pour les toutous. Elle progresse sur un axe clair : enquêter sur le piège à mâchoire ce qui met les sages chiens face à un groupe de gnomes. Puis ils se rendent à la ferme Derrington où ils affrontent des rôdeurs. Ils peuvent enfin remonter la piste des êtres humains à l'origine des manifestations maléfiques. Le lecteur se doute bien que ces chiens étant les héros, ils vont réussir à accomplir leur mission, avec peut-être quelques pertes. Il observe qu'Evan Dorkin utilise des sorts magiques, en se restreignant à un nombre limité, et que les créatures maléfiques (hormis les hommes) sont piochées dans un bestiaire très classique, avec un monstre final à tentacules, un peu générique. Le dispositif d'avoir des héros chiens fonctionne toujours, avec une saveur amusante. Le scénariste se montre un peu plus original dans le fait que lesdits chiens ne se reposent pas uniquement sur leurs pouvoirs magiques pour gagner, car ils sont capables de réfléchir et d'anticiper. Les interactions entre eux relèvent de la dynamique de groupe avec des membres tous constructifs et bienveillants, reconnaissant l'autorité de leur chef du fait de ses compétences et de son expérience.



Benjamin Dewey (également illustrateur de The Autumnlands, écrit par Kurt Busiek, 14 épisodes) a la lourde tâche de succéder à Jill Thompson dont les aquarelles donnaient une vie étonnante aux chiens, ainsi que des mines d'une justesse quasi surnaturelle. Les pages bonus et les explications de l'artiste font apparaître qu'il utilise une approche plus traditionnelle dans sa façon de construire ses planches : d'abord des esquisses de pages, puis des traits encrés, et enfin la mise en couleurs, avec une part de couleurs directes pour les pelages et pour les arrière-plans. Il respecte lui aussi les caractéristiques physiques des chiens. Il sait reproduire la morphologie de chacune des races et il se tient à l'écart de tout anthropomorphisme, sauf peut-être pour une accentuation discrète du mouvement de sourcils afin d'apporter un peu d'émotion sur les gueules des animaux. Dès le premier épisode, le lecteur apprécie sa capacité à dessiner des animaux avec une anatomie correcte. De même il sait transcrire les postures des chiens qu'ils soient en train de courir, de marcher, de se reposer couchés au sol, etc.



L'artiste sait combiner les différentes composantes de l'histoire pour les faire visuellement coexister sans solution de continuité, sans que les animaux ne soient ridicules, sans que la magie ne soit infantile. À l'évidence, les chiens ne se dressent pas sur leurs pattes arrière pour tracer des signes cabalistiques dans l'air avec leurs pattes avant. Tout se passe au niveau de la tête, avec projection de sort ou projection d'énergie mentale. De même la magie reste dans un registre classique, avec créatures surnaturelles, et manifestation de forces élémentaires, à commencer par le feu. Dewey se cantonne à un registre réaliste pour les chiens, les humains et les environnements, limitant les éléments fantastiques strictement aux créatures, n'exigeant pas trop de suspension consentie d'incrédulité. Il reprend les caractéristiques visuelles installées par Jill Thompson en ce qui concerne les environnements, et le lecteur prend plaisir à se promener en forêt avec les chiens, même s'il note que les ambiances lumineuses sont moins nuancées que celles de Thompson, que la flore est un peu plus générique, et que de temps à autre les couleurs servent à nourrir les formes détourées, sans apporter d'information visuelle. Pour autant, de nombreuses pages constituent un spectacle impressionnant : la course des animaux fuyant le feu, Lundy marchant tranquillement dans un sentier herbu au milieu des arbres, les alentours de la maison d'Arthur avec ses attrape-rêves, la galerie des portraits dans son salon, l'affrontement contre les ratons-laveurs, la découverte des cadavres dans la grange, la joie de vivre retrouvée de la salamandre, etc.



Le lecteur se plonge dans ce deuxième tome des Bêtes de somme avec le souvenir du premier. Il retrouve intact cette brigade de chiens magiciens luttant contre les incursions maléfiques, avec une apparence de chiens normaux, dans un environnement rural Il prend plaisir à la fois à assister à leur travail en équipe, à la fois à cette enquête divertissante rehaussée par un peu de créatures et de magie spectaculaires, et quelques touches horrifiques. Il ne peut pas s'empêcher d'éprouver une pointe de regret pour la narration trop sage, pour l'intrigue trop classique, et pour les illustrations trop proches du mode du dessin coloré par la suite, plutôt que d'une approche en couleur directe comme celle de Jill Thompson. Ce n'est pas juste au regard de la qualité de la narration visuelle, mais il n'est pas possible d'oublier le premier tome. Jill Thompson refait équipe avec Evan Dorkin et d'autres artistes pour le tome suivant : Beasts of Burden Volume 2: Neighborhood Watch.
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Bêtes de somme, tome 1 : Mal de chiens

Bégueule le beagle ne peut pas fermer l’œil. Chaque nuit, d’horribles hurlements résonnent dans sa niche. Pas de doute, celle-ci est hantée ! Ni une, ni deux, le courageux – mais pas trop – beagle fait appel à ses amis canins pour percer ce mystère et apaiser l’âme en peine qui hante ses nuits. Cette aventure n’est que le début d’une longue suite de péripéties, car, dans la petite banlieue américaine de Sommers Hill, d’étranges phénomènes se produisent. Chats noirs maléfiques, chiens écrasés se relevant la nuit pour dévorer leurs semblables, rats affamés de chair humaine… Les forces du Mal sont visiblement à l’œuvre à Sommers Hill et Bégueule et sa bande de potes poilus – Carl le carlin, Terry le terrier, Cador le husky, Dobey le doberman et Sans-Famille le chat de gouttière – auront toutes les peines du monde à protéger leurs maîtres (complétement inconscients de tout cela, les pauvres sots…) et leurs amis des attaques du monde des ténèbres.



C’est un très chouette comics que voilà ! A la première vue, l’idée de faire chasser des monstres et des zombies par une bande d’animaux de compagnie pourrait paraître assez farfelue, mais Jill Thompson et Eva Dorkin mènent fort bien leur barque, mêlant humour, aventure fantastique, horreur et même un peu drama (si, si je vous jure, des chiens qui couinent sur d’autres chiens, ça peut presque être émouvant !) avec beaucoup de succès. La bande d’amis est tout à fait attachante, chaque membre ayant une personnalité bien affirmée, découlant directement de sa race : Terry est un horripilant petit roquet surexcité en permanence, Cador un chien digne de confiance pas très accommodant, Sans-Famille tient à merveille son rôle de chat-qui-s’en-va-tout-seul mais pas trop loin quand même car c’est plus marrant de rester avec les copains…



Le dessin est également réussi, même s’il est assez loin du type d’illustrations que j’apprécie en temps normal. Soigné et coloré, il rappelle un peu les illustrations de vieux livres pour enfants – probablement à dessein – mais les scènes horrifiques sont aussi très convaincantes, voire parfois carrément gores. Une belle réussite dans l’ensemble donc ! Un petit regret à formuler tout de même : les histoires sont en général assez courtes et indépendantes les unes des autres, alors que j’ai tendance à préférer les intrigues de longue haleine. Ceci dit, la fin de ce premier volume semble poser les bases d’une histoire à long terme, je m’empresserai donc d’acheter les futurs tomes dès leur parution.

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The Mask - Omnibus Volume 2

Ce tome fait suite à The Mask Omnibus Volume 1 (les 3 premières miniséries réalisées par John Arcudi & Doug Mahnke) qu'il vaut mieux avoir lu avant. Il comprend 4 histoires indépendantes de 4 épisodes chacune, et une histoire courte de 8 pages.



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The hunt for Green October (1995, scénario d'Evan Dorkin, dessins de Peter Gross, encrage de Gross, Barbara Schulz et Karen Platt, couleurs de Matt Webb) - Dans la jungle amazonienne, un groupe d'indigènes est en train de danser autour d'un feu, avec des crânes ensanglantés posés devant. Un groupe de néo-nazis armés jusqu'aux dents arrive et ouvre le feu, massacrant tout le monde. Ils récupèrent le masque vert, mais sont à leur tour attaqués par un groupe de ninjas. À Sky City, Ray Tuttle tient une boutique d'occasion et il accueille une dame qui lui ramène un carton rempli de vieux trucs sans valeur. Il lui en donne $6, et y pioche un masque vert pour le ramener chez lui pour sa fille muette Emily. Chez lui, il maudit Nelson Hathaway, responsable de la mort de sa femme, et maintenant un des hommes les plus riches de Sky City.



Avec ce récit, le principe est acté : le masque va passer de main en main (ou de visage en visage), à chaque histoire pour un nouvel individu qui va se transformer en cette créature aux capacités extraordinaires, semblant être un véritable personnage de dessin animé de Tex Avery, avec un goût prononcé pour la violence mortelle à tendance sadique et spectaculaire, frappée du coin du comique morbide. Cette fois-ci, le masque atterrit par un concours de circonstances entre les mains d'un individu que la vie n'a pas gâté et qui a des raisons d'en vouloir aux puissants. Evan Dorkin construit une vraie intrigue : la montée de violence dans les actions de The Mask, la culpabilité de Ray Tuttle vis-à-vis de sa fille Emily, et l'inspecteur Kellaway qui tente de trouver le porteur du masque. Pour faire bonne mesure, il rajoute deux gangs rivaux qui cherchent à s'emparer du masque.



À cette époque, Peter Gross n'est pas encore devenu le fidèle coéquipier de Mike Carey. Il réalise des dessins descriptifs avec un bon niveau de détails. Les scènes en civil montrent des individus normaux avec des postures normales, sauf pour des expressions de visage un peu exagérées quand quelqu'un s'emporte. D'une manière générale ses pages semblent un peu chargées, mais sans nuire à la lecture. Le lecteur attend bien sûr les moments spectaculaires quand Mask se déchaîne. Peter Gross lui en donne pour son argent : costumes délirants (il n'est pas près d'oublier Mask en chanteuse d'opéra teutonne obèse, ou en Robin des Bois), postures hystériques, accessoires à gogo (Monster-truck tronçonneuse, sucette géante) et comportements absurdes et énormes (flux de vomi). C'est du comique énorme et massif, du délire visuel, de la violence impossible. Cependant les conséquences sur les personnages réels et les décors manquent de concret, sont, elles aussi, soit trop énormes, soit inexistantes. Le lecteur finit par se lasser de ces démonstrations de violence exubérantes et factices.



Une histoire consistante, Mask déchaîné, mais une dimension dramatique mal gérée et des conséquences des actions de Mask inconsistantes. 3 étoiles.



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World Tour (1996, scénario de Robert Loren Fleming, dessins et encrage de Gary Erskine, couleurs de Bernie Mireault) - À Sky City, Tommy Haines (cambrioleur professionnel) a réussi à s'introduire dans la salle des coffres d'une banque et il s'apprête à faire main basse sur leur contenu, quand 2 policiers annoncent leur présence dans la salle principale. Il ramasse un drôle de masque vert qui était dans un coffre et le met sur son visage pour dissimuler son identité. Dans une base secrète militaire, le général Blaire a décidé d'en finir en se jetant dans l'anomalie du niveau 13, mais il y est récupéré par un drôle de gugusse en barque avec un masque vert. Après une confrontation contre Zero, puis contre King Tiger, direction Steel Harbor.



Pour bien comprendre l'enjeu du récit, le lecteur doit se rappeler qu'en ce milieu des années 1990, l'éditeur Dark Horse Comics avait décidé de développer sa propre ligne de comics de superhéros, avec une série de miniséries (regroupées dans Dark Horse Heroes Omnibus Volume 1), se déroulant dans plusieurs villes fictives. Avec cette notion en tête, il comprend mieux la logique du récit qui passe de la base militaire abritant Vortex dans la région de Cinnabar Flats dans le Nevada, à Steel Harbor, puis à Arcadia, puis à Golden City. Le scénariste a imaginé une trame simple qui propulse Mask d'une cité à l'autre, avec son psychothérapeute qui essaye de le rattraper. Sous réserve que le lecteur soit un minimum familier de ces superhéros maison, il peut alors apprécier la trame sans prétention, prétexte à des confrontations expéditives et spectaculaires, dans lesquelles il est donné libre cours à toute la démesure loufoque et absurde du personnage. Gary Erskine réalise des dessins propres sur eux, descriptifs dans lesquels les personnages civils, les superhéros et Mask cohabitent sur le même plan, en prenant soin de montrer les destructions occasionnées par les pouvoirs délirants de Mask. 4 étoiles pour un récit prétexte mettant bien en scène la démesure de Mask.



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Southern Discomfort (1996, scénario de Rich Hedden, dessins et encrage de Goran Delic, couleurs de James Sinclair) - Eric Martin reçoit un appel téléphonique en pleine nuit : Leo Durn, un détective privé, lui apprend qu'il a localisé sa sœur à la Nouvelle Orléans, et qu'elle est vraisemblablement en danger. Il meurt soudainement pendant la conversation. Eric Martin prévient sa compagne qu'il part à la recherche de sa sœur. Il passe par la banque pour récupérer ses économies afin de se payer son billet d'avion et a la surprise de trouver un masque vert dans son coffre. À Sky City, l'inspecteur Kellaway décide de prendre des vacances.



Le scénariste a donc décidé de mélanger Mask avec des praticiens vaudou. Pourquoi pas ? Le lecteur suit Eric Martin à la Nouvelle Orléans, pour se heurter à des praticiens d'un vaudou aux accessoires de pacotille, mais aux effets bien réels. Il se trouve qu'ils sont aussi les organisateurs d'un trafic illégal peu ragoutant. Le lecteur suit ces péripéties appréciant les traits de contour un peu gras qui donnent la sensation d'une ambiance poisseuse. Il se rend compte qu'il éprouve des difficultés à s'intéresser aux personnages, aux méchants trop méchants mais pas toujours très futés, à Mask que rien ne vient mettre en danger et à ses déchaînements trop sages par rapport aux deux histoires précédentes. 2 étoiles.



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Night of the return of the living Ipkiss… kinda (1996, 8 pages, scénario de John Arcudi, dessins et encrage de Doug Mahnke, couleurs de Chris Chanelor) - Kathy est venu déposer une rose sur la tombe de Stanley Ipkiss. Elle se recueille puis s'en va. Mask sort de sa tombe, tel un mort vivant et s'en va en ville tirant sur le premier venu qui lui parle mal. Bon, impossible de résister au principe du retour des créateurs de Mask, ne serait-ce que pour 8 pages. Le lecteur retrouve la violence aveugle et malsaine de la version originale, sans excuse, sans rime ni raison. Il sourit en voyant passer Walter et il sourit devant la fin en queue de poisson. Effectivement la version de John Arcudi & Doug Mahnke possède une logique interne et une puissance de feu qui ne se retrouvent pas dans les 3 récits précédents.



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Toys in the attic (1998, scénario de Bob Fingerman, dessins et encrage de Sibin Slavković, couleurs de Bernard Kolle) - Le masque arrive entre les mains de Krasker, un designer de figurines pour la petite entreprise Grepco. Il se trouve que la même semaine, il trouve dans sa boîte aux lettres une invitation pour une réunion d'anciens du lycée, invitation qui lui précise que lui ne peut pas y participer. Le lendemain, la police retrouve le corps de Nick Hopper, 34 ans, fiché au mur par des petites haltères.



Arrivé à ce stade du recueil, le lecteur n'attend plus grand-chose de la dernière histoire. Bob Fingerman a imaginé une enquête dont il donne l'identité du coupable au lecteur dès la première scène. Les dessins de Sibin Slavković, sont propres sur eux, descriptifs, avec un bon niveau de détails sans être surchargés. Les apparitions de Mask sont brèves et moins baroques que dans les récits précédents, plus à taille humaine. Pourquoi pas ? Petit à petit, le lecteur se rend compte qu'il s'intéresse à l'intrigue, et qu'il éprouve de l'empathie pour Krasker, mais aussi pour le trio de policiers mal assortis. Il sourit franchement aux idées des policiers pour les thèmes des meurtres : les 7 péchés capitaux, ou les 7 phases de l'homme tels que nommés par William Shakespeare, ou encore le nom des rennes du Père Noël. C'est à ce moment-là qu'il se rend compte que le scénariste pratique un humour absurde à froid avec une grande élégance, et que le dessinateur est en phase avec lui. Certainement la meilleure histoire du recueil, alors qu'elle est celle qui joue le moins sur le délire visuel de Mask. 5 étoiles.
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The Goon, tome 10 : Malformations et déviances

Enormément de clins d'oeil et de contenu parodique dans ce 10è tome des aventures du Goon. Enfin, dirais-je... Car cela fait un petit moment que l'humour rase-mottes de Franky et le punch du Goon me manquaient. Eric Powell s'est amusé, clairement, et j'en suis fort aise.



On démarre par un quintet de vampires scintillants... façon Twilight, qui sont expédiés rapidement par l'homme à la casquette. Avec une vieillarde qui dit "je suis bien plus virile que ces CENSURE étincelants"... Ensuite, on a l'orphelinat de la mère McGregor et un épisode tout à fait "normal" du Goon avec une jeune adolescente qui se révèle être un monstre hideux.



Les 4 histoires qui suivent m'ont tout particulièrement plu. Une sur un cirque bourré de freaks, et qui évoque clairement le classique de Todd Browning du même nom. Le corps dépourvu de membres de la dernière page de l'histoire évoque clairement un personnage du film. Histoire suivante: Franky tombe amoureux dans un hommage aux films des années 30-40, à mon avis, avec du burlesque et des filles en vestes d'uniforme portées sur des porte-jarretelles. Le tout est bien galbé comme Eric Powell sait le faire.



L'histoire suivante est un drame social avec l'incendie d'une manufacture textile où vont périr plusieurs dizaines d'ouvrières. Le clin d'oeil est magnifique, le Goon n'apparaissant qu'assez peu lorsque les rescapées viennent demander la protection du syndicat dirigé par le Goon. Autre coup de coeur pour l'histoire suivante: le Goon prend des vacances et le voir latter du monstre vêtu de sa chemise Hawaï m'a bien fait rigoler, sans compter les références musicales disséminées dans le récit.



OK, ce n'est pas de la dentelle de Calais ou de Bruges, mais c'est hyper bien vu et superbement dessiné (bien qu'Eric Powell ne se foule plus trop dans la mise en page).



Par ailleurs, il est assez clair qu'Eric Powell multiplie les hommages à des proches/amis, car plusieurs personnages ont des tronches de caricature. A l'occasion, je creuserai un peu plus profondément afin de connaître le fin mot de l'histoire.
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Bêtes de somme, tome 1 : Mal de chiens

Ce tome regroupe 4 histoires courtes parues dans des anthologies de Dark Horse Comics, ainsi que la minisérie en 4 épisodes parues en 2009.



Âme égarée (8 pages) - Une troupe de 5 chiens hurlent pour appeler le Sage (un autre chien). En effet la niche de l'un d'entre eux semble hantée par un esprit.



La nuit tous les chats (12 pages) - Les chiens ont identifié un groupe d'adoratrices de Sekhmet, une ancienne déité dans leur voisinage, chacune avec leur familier (un chat). Ils doivent intervenir avant qu'elles ne réussissent à invoquer Sekhmet.



Ne réveillez pas un chien qui dort (16 pages) - Dymphna (l'une des familiers de l'histoire précédente) a décidé de se venger des chiens en réanimant les morts. Malheureusement elle a trop bien réussi et elle doit demander l'aide de ceux à qui elles voulaient nuire.



Un chien et son garçon (20 pages) - Ace (le husky) retrouve un humain dans sa niche. Ce dernier a la particularité de comprendre le langage des chiens et savoir le parler. Une forte amitié se développe entre lui et Ace.



Bêtes de somme (4 épisodes de 24 pages) - Les 3 premières sont inoubliables. Page 1 : une pleine page montrant une jolie maison à 2 étages sous un beau soleil printanier avec une superbe pelouse et 3 chiens qui arrivent. Page 2, les 3 chiens papotent avec 2 autres qui sont déjà sur place. Page 3, une pluie de grenouilles s'abat sur eux. Après avoir mis fin à cette manifestation surnaturelle, ils acceptent de se lancer à la recherche de 2 chiots disparus à la demande de leur mère. Puis Orphan (le chat du groupe) part à la recherche de Dymphna dans les égouts pour être confronté à une autre entité surnaturelle. Enfin le groupe de chiens est confronté au meurtre d'un être humain.



Je n'aime pas les chiens, je n'aime pas les chats et je n'ai jamais eu d'animaux domestiques (personne n'est parfait). À la lecture du résumé, je n'avais aucune intention d'acheter cette bande dessinée. Mais un coup d'aeil aux premières pages et la lecture d'autres critiques m'a fait changer d'avis et bien m'en a pris. Dès la première histoire, les aquarelles de Jill Thompson constituent un enchantement rare. Il s'agit d'une artiste qui a fait quelques comics et des séries de livres illustrées pour enfants (Scary Godmother et Magic Trixie), qui a collaboré avec Neil Gaiman sur la série de Sandman (Vies brèves), avec Grant Morrison sur la série "Invisibles" et qui a réinventé la famille de Morpheus à la sauce kawaï dans The Little Endless Storybook.



À la lecture, il est évident qu'elle a une grande affection pour Jack, Ace, Pugsley, Whitey, Rex, Muggsy, Red et Miranda, le groupe de chiens. Pour chacun d'entre eux elle a choisi une race différente : berger allemand, husky, épagneul breton, bouledogue français, labrador, beagle. Elle a pris le parti de les dessiner comme de vrais chiens, avec un langage corporel qui évoque parfois les meilleurs moments des dessins animés de Walt Disney. Il n'y a pas trace d'anthropomorphisme, et le caractère des chiens transparaît au travers des caractéristiques de sa race.



Le récit se déroule dans une banlieue très verdoyante, à proximité d'un bois. Jill Thompson régale la rétine avec des paysages superbes. Je pense en particulier à la page 17 composée de 4 cases. Les 3 premières constituent un découpage d'une seule et même image. Les dessinateurs moins inspirés se servent de cet artifice pour guider l'oeil du lecteur dans sa lecture, avec un résultat généralement factice. Thompson insiste dans la première case de la largeur de la page sur une aquarelle basée sur des tâches de couleurs qui représente le flamboiement des couleurs de l'automne sur le feuillage (les arbres semblent presque la proie des flammes). La deuxième case devient plus précise dans les formes avec une délimitation des contours des troncs et une luminosité légèrement plus faible. La troisième case (le pied des arbres) s'attache sur la présence de créatures tapies dans les fourrés. Le résultat participe à la fois de l'art séquentiel dans une forme aussi simple qu'efficace, et de la recherche esthétique picturale.



Thompson semble s'être mise d'accord avec le scénariste pour qu'elle puisse disposer régulièrement de pages sans trop de texte où elle peut prendre plaisir à réaliser des peintures enchanteresses. Son rendu des chiens et du chat transcrit une grande familiarité avec ses animaux, un respect de leur anatomie et une capacité impressionnante à leur attribuer des sentiments, sans les humaniser. Plus inattendu, lors des séquences horrifiques, Thompson se révèle aussi à l'aise et les chiens avec du sang sur les babines constituent une vision qui met mal à l'aise.



Evan Dorkin est le scénariste de la série, et il lui aussi un créateur à part dans le monde des comics américain. Il est surtout connu pour une série très confidentielle et indépendante : Fun With Milk & Cheese, les produits laitiers ne sont pas vos amis. Le parti pris de Dorkin est de faire de ce groupe de chiens (avec Orphan, un chat) les défenseurs de ce cette ville contre les attaques surnaturelles. Le lecteur ne voit pas passer beaucoup d'humains (les sorcières, et 3 autres humains). Les chiens et les chats parlent le même langage et se comprennent entre eux ; ils restent soumis à leur maître (sauf Orphan) avec des personnalités liées à leur race.



Dorkin joue habilement sur le coté mignon de ce groupe d'animaux familiers, et sur les horreurs occasionnées par les manifestations surnaturelles. Le sang coule régulièrement et les blessures infligées aux animaux atteignent le lecteur avec autant de force que s'il s'agissait d'êtres humains. Dorkin provoque une très forte empathie pour ces personnages qui présentent des caractères qui évoquent ceux d'enfants, d'êtres plus innocents que des adultes. Chaque histoire consiste en une enquête assez linéaire sur les causes surnaturelles en jeu et leur défaite. Mais à un autre niveau, chaque manifestation surnaturelle remet en cause une composante de l'ordre établi de notre réalité, une remise en question légère de ce que l'on tient pour acquis.



Il y a fort à parier que comme moi vous serez incapable de résister à ce groupe de héros canins (et un chat) même si vous n'aimez pas les bêtes. Evan Dorkin raconte des contes à faire peur aux adultes dans lesquels le lecteur frémit pour ces personnages si attachants et mignons. Jill Thompson compose des tapisseries à l'aquarelle qui dépassent largement le cadre de la simple mise en images, pour constituer des évocations enchanteresses de lieux et d'animaux. La fin est assez ouverte pour permettre une suite, je souhaite de tout coeur qu'il y en ait une.
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The Goon, tome 10 : Malformations et déviances

Ce tome fait suite à Calamité de conscience. Il contient les épisodes 34 à 37, ainsi que l'épisode spécial "The Goon's on vacation" et l'histoire courte "An irish wake" (8 pages), parus en 2011.



Épisode 34 - Goon et Franky se heurtent à des vampires qui scintillent (avec de beaux abdominaux), et la pension McGreg pour enfants abandonnés accueille une nouvelle pensionnaire. Épisode 35 - Au détour d'une route de cambrousse, Goon et Franky atterrissent dans un cirque (ou plutôt une foire aux monstres) qui maltraitent ses clients. Épisode 36 - Roxy DLite (une reine du burlesque) et Abercrombie débarquent en ville pour relancer la boîte de striptease ; Franky est sous le charme de DLice. Épisode 37 - Goon prend parti pour le syndicat des ouvrières de l'usine de textile. "The Goon's on vacation" - Quelqu'un a chapardé les saucisses de Franky pour le barbecue et un hippie incarnant un double album en public de Supertramp vient donner son avis ; évidemment tout se termine avec des zombies. "An irish wake" - Le cadavre d'un mari repose sur l'une des tables du bar que fréquente Goon quand un goblin vient le réclamer.



Avec ces épisodes, Eric Powell fait une pause dans sa narration au long cours pour revenir à des histoires racontées en 1 seul épisode. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a conservé toute sa verve et son second degré, avec une bonne dose de provocation politiquement incorrecte. Goon a toujours aussi peu de patience pour tous les abrutis qui lui font perdre son temps (avec une mention spéciale pour les vampires un peu trop bellâtres qui pourraient faire penser à Twilight). Ces histoires permettent au lecteur de le retrouver dans son rôle de début de série : truand & cogneur. Powell a toujours le sens de la dérision, du bourre-pif, de la veulerie et de la défense des cas sociaux et autres marginaux. Il ne se contente pas de jouer sur un humour mêlant monstres trop bêtes pour être effrayants, et personnages principaux à qui on ne la fait pas. Dans ces épisodes, il aborde aussi la manipulation (à l'américaine) des syndicats par la pègre, mais également l'inhumanité du capitalisme sauvage dans toute son horreur. En inversant le schéma habituel des monstres de foire, il provoque son lecteur l'obligeant à réfléchir à ses valeurs, et à sa conception de la normalité. Roxy DLice est irrésistible dans son usage éhonté de sa beauté et de ses charmes, Franky est irrésistible dans son comportement imbécile dicté par ses hormones. Powell raille aussi bien le comportement de la femme fatale et vénale, que celui du mec viril mené par le bout du nez parce qu'il pense avec ce qu'il a entre les jambes.



Et bien sûr les illustrations sont un délice exceptionnel pour les pupilles. Impossible de ne pas ricaner bêtement devant le groupe de vampires scintillants. Difficile de résister au second degré kitch des 5 enfants sales et amochés couchés dans le même lit, inquiets devant une jeune fille propre sur elle en train de les regarder fixement. Eric Powell est déchaîné ; il fait rire avec les crimes barbares, il se moque des infirmes (un cul-de-jatte irrésistible), Il affuble des femmes avec un corps à se damner d'expressions veules et bêtes. Il s'approprie avec maestria les codes des pulps, pour mettre en scène des gros durs évoluant dans une Amérique fantasmée, au milieu d'individus déformés et de belles pépées. Il passe sans coup férir d'un humour grotesque et crade, à une scène dramatique et organique. Il utilise un homme tronc comme chair à canon, pour ensuite décrire l'horreur d'une vieille dame digne exploitée comme ouvrière dans un atelier de tissage. Les images racontent à elles seules les deux tiers, si ce n'est les trois quarts de l'histoire.



Eric Powell sait tout dessiner en mariant un premier degré balancé en pleine face du lecteur, et un second degré railleur et pas dupe. Le lecteur est à la fois subjugué par Goon en chemise hawaïenne, pataugeant dans la boue du marais, les poings fermés et l'ombre de sa casquette lui mangeant le haut du visage. Et il est à la fois souriant devant cette image improbable d'un gros dur implacable, massif, improbable, l'image même de la force virile que rien n'arrête et totalement impossible dans cette chemise, avec un gugusse (Franky) tout droit échappé d'un dessin animé humoristique. À la fois il s'agit d'une image mettant en valeur la force inéluctable de Goon, à la fois c'est une parodie se moquant des clichés du genre. Loin de se neutraliser, ces 2 niveaux de lecture se renforcent, augmentant ainsi le plaisir de lecture. À nouveau ses illustrations bénéficient de la mise en couleurs sophistiquées et discrètes de Dave Stewart, un orfèvre en la matière.



Avec ce tome composé de 6 histoires indépendantes, Eric Powell rappelle au lecteur qu'il est le maître dans le pastiche des histoires de truands, tout en racontant une histoire prenante et captivante. Il régale le lecteur de personnages truculents, plus grands que nature, irrésistibles, tout en donnant son point de vue sur des horreurs de notre société ou de la condition humaine.
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The Goon, tome 10 : Malformations et déviances

Je n'ai pas du tout aimé ce tome, pourtant j'ai adoré les premières aventures du Goon.

J'ai trouvé que tout y était poussif, grossier. Je n'ai pas souri, j'ai plutôt poussé des soupirs excédés.

Je ne suis pas sure de continué l'aventure...
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Bêtes de somme, tome 1 : Mal de chiens

Bêtes de somme (Beasts of Burden en version originale) est une série un peu particulière dans le paysage du comics. Alors que les fans des fascicules sont plutôt portés sur des super héros aux super pouvoirs, c'est une bande de chiens, et un chat, qui leur vole la vedette. Le postulat de départ est tout simple : cette brigade animalière va devenir au fil des histoires la gardienne de Sommers Hill, en proie à des événements surnaturels récurrents.

Les humains auraient pu se douter de quelque chose, faire appel à « la tueuse » Buffy, ou encore à SOS fantômes... il n'en est rien, ils ne voient rien venir, ils ne savent pas interpréter les signes... s'ils savaient !

Heureusement pour eux, leurs amours canins veillent sur eux (et le chat aussi, même s'il est sans-famille).



Tout au long des 8 petites mésaventures qui leur arrivent dans ce premier opus, la petite équipe subit des attaques qu'elle n'aurait jamais imaginées. Ils ont parfois un peu peur, reculent devant le danger, mais tels leurs homologues en collants, ils finissent par s'accrocher et faire face à leur torpeur pour sauver les gens qui les entourent. Et c'est même pas pour la gloire en plus !





Suite de la chronique à lire sur BenDis...
Lien : http://bendis.uldosphere.org..
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Bêtes de somme, tome 1 : Mal de chiens

Tout commença avec une niche hantée.

Bégueule, le pauvre beagle, est sûr qu'un esprit habite sa belle niche offert récemment par ses humains. Ses amis, les autres chiens du voisinage, vont appeler le Sage Berger à la rescousse. S'y connaissant en magie occulte et paranormal, il est à la tête d'une organisation aidant les autre chiens à résoudre leurs étranges problèmes. Il sentira chez cette troupe variée mais soudée un grand potentiel.

Il leur faudra bien ça, vu ce qu'il se prépare dans le quartier.

Aucun animal n'est en sécurité.



Je crois que c'est tout simplement le meilleur comics qu'il m'ait été donné de lire ces derniers mois.

Le résumé m'avait pas mal interpellée, et j'aimais ce concept d'animaux parlant face au surnaturel.

Mais je ne me serais jamais attendue à tomber sur un tel bijou, parfait mélange d'humour, d'angoisses et de drames.

Ce premier volume est divisé en plusieurs petites histoires dont on découvre le fil conducteur principal au bout de notre lecture. On s'attache extrêmement vite aux animaux qui peuplent ce récit, et ayant tous leur propre caractère, leurs qualités et leurs défauts, on trouve rapidement nos préférés.

Personnellement, je suis fan de Carl (le carlin) avec son sale caractère et son humour pourris ! Et bien sûr, impossible de ne pas éprouver de grands élans d'affection pour Cador (le husky, rien à voir), figure de chef de cette troupe, au coeur énorme et au courage exemplaire.

J'adore également Sans-famille, le chat errant qui a trouvé sa place dans ce groupe canin et qui s'avèrera vite indispensable !



Arg, c'est juste incroyable, je n'en revient toujours pas de la richesse de ce bouquin, de sa qualité indéniable et surprenante.

Franchement, je n'aurais jamais cru qu'une "histoire d'animaux qui parlent" soient aussi haletante, intense, flippante et émouvante. Certaines scènes m'ont fait éclater de rire, d'autres m'ont mises mal à l'aise et d'autres encore m'ont tout simplement brisées le coeur.

Chaque chapitre est juste génial et apporte son lot de surprises, c'est impossible de se lasser une fois que l'on a ouvert cet ouvrage. Le rythme est soutenu et fluide, les pages défilent sans que l'on ne s'en rende compte.



Les dialogues font partie des grosses qualités que recèle ce titre.

Chaque animal possède son propre ton, son vocabulaire, ses tics, bref, chacun d'eux est unique. Mais chaque personnage fait preuve au moins une fois d'humour, et c'est totalement brillant ! Avoir réussi à rendre hyper drôles des animaux sans les rendre ridicules ou infantiliser le tout, c'est un fameux pari que relèvent avec brio Evan et Jill, qui ont fait un travail absolument hallucinant, intelligent et merveilleux avec ce Bêtes de somme.

D'ailleurs, même avec les dessins, nous ne sommes pas en reste !

Le trait est magnifique, mêlant incroyablement réalisme et magie, nature et BD. Ce sont des mélanges surprenants et quelque peu déstabilisant au tout début, mais qui accrochent définitivement l'oeil qui aident grandement à rendre la lecture totalement addictive.



Honnêtement, je ne sais pas quoi dire de plus pour vous convaincre de la superbe qualité de ce titre.

C'est tellement beau, poignant, prenant, intense, hilarant, sombre et lumineux à la fois. C'est un énorme coup de coeur, et je ne saurais que le conseiller à tout le monde. Bien que n'étant clairement pas une lecture pour les tout petits (il y a quelques scènes assez gores), je pense qu'il peut sans problèmes être lu dès 12 ans, et continuer à séduire jusqu'aux grands-parents !

Pour ne rien gâcher, la présentation est vraiment magnifique et en fait un très bel objet à posséder dans sa bibliothèque.
Lien : http://archessia.over-blog.c..
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The Goon, tome 10 : Malformations et déviances

Un tome moins passionnant que les précédents et plutôt répétitif. Le prochain arc narratif devrait être la conclusion de la série et ce tome semble être du remplissage pour patienter.

Un tome à oublier pour ma part mais je garde cette envie de savoir comment va avancer le fil rouge.
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Bêtes de somme, tome 1 : Mal de chiens

Ce n'est pas toujours facile de rédiger la critique d'un livre de bonne qualité...mais qu'on n'a pas aimé !

C'est le cas pour ce volume qui regroupe 8 petites histoires : je reconnais que les dessins à l'aquarelle sont superbes, et que les scénarios sont originaux et bien ficelés mais j'ai vraiment eu du mal à y entrer. Je n'ai pas été intéressée par ces histoires de chiens-fantômes, de zombies et de phénomènes paranormaux. Des scènes souvent assez cruelles, voire gores qui bien sûr montrent la face cachée des jolies petites banlieues proprettes, mais ce n'est pas trop mon truc en fait.

Ce qui m'a le plus intéressée c'est le carnet de croquis à la fin avec les explications de la dessinatrice. C'est rare et c'est bien dommage.
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The Eltingville Club

Ce tome regroupe toutes les histoires mettant en scène les membres du club d'Eltingville. Il contient les histoires parues dans Instant Piano 1 & 3, dans Eltingville Club 1 & 2, dans Dark Horse presents 12, dans Dork 3, 4, 6, 9 et 10, ainsi que dans Wizard magazine 99, entre 1994 et 2014. Tous ces récits ont été écrits, dessinés et encrés par Evan Dorkin. Ils sont en noir & blanc à l'exception d'un : They're dead, they're all messed up. Ce recueil comprend une douzaine d'histoires de longueur variable, de 3 pages pour les plus courtes, à 24 pages pour les plus longues.



Le club d'Eltingville est composé de 4 grands adolescents, ou très jeunes adultes. Bill (William Alan Dickey) est l'expert en comics. Josh (Joshua Aaron Levy, lunettes et surpoids) est expert en science-fiction. Pete (Peter Michael Dinunzio) est expert en films d'horreur. Jerry (Jerome Titus Stokes junior) est expert en jeux de rôles et en Fantasy. Chaque personnage dispose d'une fiche personnelle qui indique son nom complet, son affiliation (avec son numéro de membre du club, de 1 à 4), ses préférences (par exemple les couvertures bondage pour Bill, le giallo pour Pete, les kaiju pour Josh, ou la Terre-du-Milieu pour Jerry). Chaque histoire montre soit une réunion du club d'Eltingville, une sortie au comicshop de la ville, ou dans les allées du supermarché des jouets local, ou bien une aventure survenant à l'un des membres.



C'est ainsi que le lecteur assiste à une réunion du club particulièrement acrimonieuse et improductive, à une virée au comicshop qui finit en dispute fracassante, à une nuit marathon de visionnage de Twilight Zone, à une sortie en cosplay faits maison. Bill se fait enlever et séquestrer chez lui (en l'absence de ses parents) par 2 individus bien intentionnés qui veulent lui faire passer le goût de sa collectionnite. Josh harcèle un présentateur télé du câble qui n'y connait rien en comics. La dernière histoire du club se déroule 10 ans plus tard alors que tous les 4 se retrouvent par hasard à la même convention de comics. Le tome se termine avec une histoire sur le Northwest Comix Collective, un club rassemblant 4 autres jeunes adultes spécialisés dans les comics alternatifs à visée artistique.



Quand le lecteur feuillète pour la première fois ce recueil, il le repose immédiatement. Pour commencer il constate que chaque séquence est composée à 80% ou 90% uniquement de dialogues, et majoritairement de têtes en train de parler. En plus les bulles ont tendance à occuper plus de la moitié de la surface de chaque case. Ensuite la moitié des phylactères présentent un contour hérissé de pointes pour montrer que les personnages qui parlent sont en colère ou énervés. Effectivement la moitié des visages expriment l'agacement, la suffisance, l'énervement, la méchanceté, l'agressivité, etc.



Un rapide survol d'une ou deux histoires confirme cette première impression. Ces 4 individus sont obsédés par leur passion, au point d'en être affreux, sales et méchants. Ils disposent d'une culture étendue dans des domaines dérisoires, ils ne supportent pas les approximations de quiconque. Ils sont rendus fous par les imposteurs essayant de faire croire à leur culture geek. Leur quotidien ne tourne qu'autour de leur obsession : le prochain comics, le prochain jouet, la prochaine carte à collectionner, la prochaine figurine gratuite avec un repas d'un restaurant rapide à emporter. Ils ne se supportent même pas entre eux, incapables d'accepter qu'un autre qu'eux ait acquis ce qui manque à leur collection. Ils n'ont que mépris pour leurs parents et les autres clubs de la ville. Ils entretiennent une relation de haine avec le propriétaire du comicshop de la ville, obligés d'aller s'approvisionner chez lui, mais persuadés qu'il conserve pour lui les couvertures variantes les plus rares. Tout à sa dépendance dévorante, Josh va même jusqu'à éventrer les emballages de pain en tranche dans un supermarché pour récupérer les cartes à collectionner gratuites qui lui manquent. Bill réussit le temps d'un épisode à décrocher un petit boulot de manutentionnaire dans le comicshop et il profite de l'absence du patron pour imposer ses diktats tous plus puérils et avilissants, sur les autres clients, à commencer par les 3 autres membres du club d'Eltingville. C'est ignominieux et immature, régressif au dernier degré. Et pourtant…



Et pourtant le lecteur continue de se faire mal en lisant une histoire par une histoire pour supporter cette narration tout aussi obsessionnelle et impitoyable. Il se force à lire chaque phylactère, toujours plus dégouté par ces gugusses qu'il espère bien ne jamais rencontrer. Il se force à déchiffrer chaque visage pour prendre en pleine face l'intensité de l'émotion qui s'en dégage. Il découvre avec surprise toute l'étendue obsessionnelle de ce savoir si dérisoire. Il constate aussi qu'Evan Dorkin maîtrise son sujet, et même les sujets de ses personnages. Ainsi Josh reprend le présentateur d'une émission qui a confondu Argo et Kandor, 2 villes fictives liées à l'histoire de Superman. Pete a une discussion animée avec un autre fan sur l'idiotie inhérente aux zombies qui se déplacent rapidement (par opposition à ceux qui traînent des pieds). Devenu adulte, Jerry explique comment il a réussi à disposer de revenus en mettant à profit sa capacité à jouer à Magic. Bill se lance dans une diatribe nauséabonde sur les femmes faisant semblant de s'intéresser aux comics sur des prétextes fallacieux, uniquement pour attirer l'attention.



Le lecteur se sent donc agressé par les diatribes de ces jeunes adultes, déjà aigris recroquevillés sur leur passion, obnubilés par le prochain gadget à trouver, à collectionner, à ajouter à la quantité innombrable d'autres tout aussi fragiles, de mauvaise qualité. Leur rapacité pour amasser des objets sans valeur (si ce n'est à leurs yeux) met le lecteur mal à l'aise (parce qu'il se reconnaît un peu dans cette chasse au bibelot en toc, beaucoup passionnément, à a folie, dans cette recherche du comics rare). Il prend également en pleine visage leur méchanceté. Bill, Josh, Pete et Jerry s'insultent régulièrement dans un langage imagé (à partir de références geek bien sûr), mais aussi ordurier et mesquin. Ils ne se contentent pas de se vanner, ils se disent leurs quatre vérités sans fards ni retenue. Ainsi Josh se fait pourrir à chaque fois pour son surpoids, comme s'il entraînait de facto une sorte de paresse de l'esprit, une balourdise, une forme de réprobation, de non atteinte d'un critère implicite, ce qui ferait de lui un individu de second ordre.



Oui, mais le lecteur continue quand même de se faire mal, de fréquenter ces individus plein de hargne parce qu'il sent qu'il appartient à cette même tribu, et parce qu'Evan Dorkin raconte de vraies histoires. Il montre comment les 4 amis se motivent l'un l'autre pour tenir pour ces 32 heures marathon de visionnage d'épisodes de Twilight Zone. Il montre comment Bill tient bon face à ses 2 ravisseurs, leur renvoyant leurs propres doutes sur leur conversion à une vie plus saine et plus équilibrée, plus normale. Il emmène aussi le lecteur dans les dessous d'industrie qu'il connaît bien. Il a lui-même travaillé dans un comicshop et livre quelques pratiques croustillantes sur un patron lui-même accro à ses produits. Le lecteur sent également que la pratique des lettres multiples envoyées par une seule et même personne pour militer pour le maintien d'un programme sur une chaîne ou l'acquisition d'une série provient d'un vécu bien fourni. Il s'amuse bien à voir l'épisode se déroulant dans une convention de comics, où là encore l'expérience de l'auteur se ressent. Par contre il reste écœuré par le discours misogyne de Bill.



D'épisode en épisode, le lecteur constate qu'Evan Dorkin fait quelques efforts pour intercaler des images autres que ces gugusses en train de se plaindre ou de se crier dessus. Il y a donc quelques cheminements en ville, l'intérieure du comicshop, le hall de la convention avec les dizaines de cosplayeurs (tous habillés d'un costume à l'effigie d'un personnage existant réellement), une vue extérieure de la maison des parents de Josh, l'installation informatique du bureau de Josh (ordinateur, casque-micro, figurines, piles de CD, etc.).



Le tome se termine avec la variation sur un club d'artistes en herbe, crachant sur les comics de superhéros, et ne jurant que par les comics indépendants à tirage confidentiel. Dorkin les met dans le même sac que le club d'Eltingville en montrant que les mêmes mécanismes (connaissance hyper pointue d'un domaine riquiqui, exclusion de tout ce qui n'est pas conforme au dogme, tellement élitistes que finalement aucun créateur ne trouve grâce à leur yeux, suffisance de débile) s'appliquent de la même manière, même s'il s'agit de critères différents.



Le lecteur ne ressort pas indemne d'une telle lecture. Il a dû consentir un effort significatif pour passer outre une narration agressive et tassée. Il a découvert des individus pathétiques et puants. Il n'a pas pu faire autrement que d'y reconnaître une forme caricaturale de ses propres plaisirs, de ses propres comportements. C'est une lecture qui l'oblige à s'interroger sur ses propres habitudes (quelle que soit la nature de ses plaisirs). Il voit que ces 4 jeunes gens remplissent leur vie d'une obsession qu'ils arrivent à assouvir mais en s'avérant incapables d'en jouir. Il n'y a pas de plaisir, juste une litanie de critiques fielleuses, de dénigrement avant même d'avoir lu le comics en question ou d'avoir vu le film qu'ils sont en train de traiter de tous les noms (mais qu'ils iront quand même voir). 5 étoiles pour un regard très noir les petits travers des experts en tout genre, magnifiés jusqu'à la nausée.
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Deadpool Classic 10

Quand dans le tome 9 de Deadpool Classic, Deadpool a mystérieusement disparu et a été remplacé par Alex Hayden (Agent X), j'ai continué à lire malgré l'absence de mon personnage préféré. D'une part parce que même si l'Agent X est moins cool ils ont quand même quelques traits de personnalité en commun. D'autre part parce que je voulais savoir le fin mot de l'histoire. Et aussi parce que Gail Simone écrit très bien, et avait créé des personnages secondaires sympathiques et intéressants.



Malheureusement, j'ai été déçue par ce tome. Oh, j'aime toujours énormément les passages écrits par Gail Simone, surtout la fin - je n'ai pas été déçue par les révélations que j'attendais, et Deadpool revient enfin. Mais ils ne forment pas la plus grande partie de ce tome, et à côté de cela, j'ai trouvé les histoires de Scalera et Way (tiens, déjà lui !) fades, malgré quelques situations amusantes. Dorkin a un meilleur sens de l'humour, mais pas tellement de sens du rythme. Aucun des trois n'écrit vraiment bien les personnages secondaires.

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Bêtes de somme, tome 1 : Mal de chiens

Entre Bibliothèque Verte et littérature de l'horreur une sacrée gageure gagnée haut la main !

J'ai beaucoup apprécié le graphisme, mais franchement, la traduction du titre est...loupée ! Plutôt qu'une simple "translation" il aurait fallu trouver mieux que ce lourdingue et incompréhensible "Bêtes de somme". D'accord, dans la postface, l'explication (de mon point de vue, tirée par les poils et moustaches !) vaut son pesant de manque d'imagination.
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Bêtes de somme, tome 1 : Mal de chiens

Des grenouilles géantes, des sorcières et des zombies, voilà les quelques adorables créatures qui peuplent Summer Hills. Voilà ce qu'affrontent la meute des chiens devenus gardiens de la bourgade. Une bête histoire de fantômes entraine 5 chiens et un greffier dans des aventures au-delà du réel, aventures que cette troupe n'était pas du tout prête à affronter.

Le dessin de Jill Thompson, tout en aquarelle, et sa mise en couleur bucolique, s'adapte avec talent au ton du récit qui vire parfois au sanglant et souvent au peu ragoutant.

La première histoire est légère et n'annonce pas du tout les 6 suivantes qui sont de plus en plus sombres, mais elle permet de poser la personnalité des personages: du husky courageux au bouldegogue grincheux en passant par le chat sans famille. Ce petit groupe se dispute, se moque à longueur de temps, et on s'y attache au fil des pages.

Un récit original au ton décalé qu'on lit avec plaisir.
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The Goon, tome 10 : Malformations et déviances

Avec le 10eme tome retours à l'origine de la série avec des histoires courte certains très intéressants d'autre un peu moins



De nombreuses références à des films connus ou non, c'était appréciable, mais pas le meilleur opus des aventures du goon .



J'aurais aimé voir ce que la série devient, mais...



Malheureusement, la suite des aventures de notre héros est compliquée à trouver de nos jours, car plus édité et les prix monte assez vite ...



C'est dommage, car je trouve que dans ce livre son style de dessin gagne en détail et notre auteur se fait plaisir de dessiner ce qu'il aime le plus "freak, monstre , pin-up.." Avec un certain dynamisme digne d'un will eisner
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