— Je suis tellement heureux, dit Ren en se dégageant de leur position inconfortable, que je supporterai d’être ta mission tant qu’on reste ce qu’on est.
— Ce qu’on est ? C’est une définition de Poussiéreux que je connais pas ?
Ren leva les yeux au ciel.
— T’es vraiment un boulon.
— Oui, répondit Asher en hochant sérieusement la tête.
Puis il esquissa un sourire timide.
— Mais je suis ton boulon.
L’étoile de Ren tremblait en lui. Il était furieux jusqu’à la moelle. Il cria en silence et il y eut un éclair de lumière bleue. Le système de communication grésilla et les lumières de sa cabine vacillèrent. Un court instant, tous les systèmes se figèrent, immobilisé par la colère de Ren. Ça ne dura qu’un instant, puis tout redémarra.
Le visage dans les mains, il se laissa tomber par terre.
Il succomba au baiser, passa les bras autour des épaules d’Asher et le serra.
C’était agréable de se comporter comme un simple adolescent, d’oublier tout ce qui les attendait derrière la porte, de se laisser aller dans le noir, seul avec quelqu’un pour qui il ressentait de l’attirance, de l’affection et avec qui il voulait rester. Tout ce qui le rattachait au programme, au signal et à la citadelle disparut. Il ne ressentait plus que les lèvres d’Asher sur les siennes, la chaleur de son corps tout proche et la douleur dans sa poitrine à l’idée que ça aussi, on pourrait le lui prendre.
Ils s’embrassèrent jusqu’à entendre des pas et des chuchotements dans le couloir. Une lumière se rapprocha.
Ezzy apparut dans le bureau de Vos, une torche au-dessus de sa tête. Beatrice était un pas derrière elle.
— Vous voilà, dit-elle les mains sur les hanches. Comme je m’en doutais !
“— Votre Altesse, dit-elle en s’inclinant. Bienvenue dans mon humble foyer.
Athlen leva les yeux au ciel.
— Ce n’est pas nécessaire. Il n’est pas ce genre de prince.
Tal leva un sourcil.
— Et quel genre de prince suis-je ?
C’était la première chose qui franchit ses lèvres depuis leur arrivée.
— Pas le genre exigeant.”
— Je ne me laisserai pas entraîner dans une dispute.
— Ce n’est pas une dispute.
— Si. Que nous avons tous les jours depuis trois mois. C’est pour ça que nous ne…
Asher se tut. Il détourna les yeux vers l’encadrement de la porte.
Ren déglutit. Le profil d’Asher était aussi beau que le jour où il l’avait rencontré dans le cachot sur Erden. À l’époque, il était sale et débraillé, et déjà Ren l’avait admiré. Désormais, il était impeccable. Rien ne cachait le dessin ferme de sa mâchoire, la courbe de son nez et ses beaux yeux verts. Il était sublime. On aurait dit un ange tout droit sorti d’un conte. Mais c’était un homme, un soldat, et, parfois, l’ami de Ren. Quelques mois plus tôt, ils avaient été sur le point d’être plus. Mais c’était trop difficile, alors qu’Asher était son gardien et que lui luttait pour ne pas être un danger pour ses amis. En vain.
Ils avaient détruit sa maison. À cause d’eux, il ne pourrait jamais redevenir ce qu’il était autrefois. Ils avaient effrayé Ezzy, qui n’était qu’une petite fille avec un béguin, qui avait voulu montrer ce dont elle était capable sur un champ de bataille alors qu’elle aurait dû être à l’école, en train de jouer dans les bois, de nager dans le lac ou rougir devant les garçons. Ils les avaient menacés, effrayés, et Ren les ferait brûler comme lui, de chagrin et de désespoir, les torturerait jusqu’à ce que leurs veines noircissent et pèlent comme la gaine de fils électriques, jusqu’à ce que leurs os brillent comme un circuit.
Le pouvoir coulait de lui comme un torrent. Il le poussa, encore et encore. Il s’assura que les coupables soient pleins à craquer, que leurs âmes brûlent, jusqu’à ce que leur humanité tombe en poussière tout comme la sienne.
Je comprends que personne ne va se faire confiance. Nous nous sommes tous trahis à un moment ou à un autre.
“— Je ne suis pas sensible. Je suis un prince de Harth, tout comme Garrett, et je déciderai seul de ce que je vois et ne vois pas.
— Bien sûr, Votre Altesse, répondit Shay en s’inclinant de nouveau, ses lèvres roses se tordant en un sourire. Vous seul connaissez vos limites. Je vous présente mes excuses pour les avoir remises en question.
Garrett éclata de rire.
— Shay, quelle formalité. Ce n’est que Tally. Tu le connais depuis que c’est un bébé braillard.
— Et je crois qu’il vous a demandé de ne plus l’appeler ainsi. Plusieurs fois. Depuis que nous avons quitté le port… hier.
Le sourire de Shay apparut ouvertement, grand et espiègle.”
Ren s’avança avec de l’électricité entre les doigts. L’un des intrus sortit son arme inutile et, avec une satisfaction mauvaise, Ren en fit des pièces détachées. Le mécanisme tomba comme de la neige sur le métal du sol, où il rebondit. Les envahisseurs reculèrent à toute vitesse, en hurlant. Ren sourit.
Qu’ils aient peur. Qu’ils s’enfuient. Qu’ils soient terrifiés. C’étaient des brutes, sans pitié avait dit Rowan. Ils étaient dangereux. Ils n’avaient pas leur place sur ce vaisseau.
Ren ouvrit le sas avec un bruit de métal. Les Hatfield se précipitèrent vers l’issue. Les sens entremêlés dans le système, Ren entendit la conversation.
— [...] Ma moralité est forte. Ma famille m’accompagne. Ma magie est puissante. J’ai trouvé quelqu’un qui m’aime pour tout ce que je suis, et non pas malgré ce que je suis. Et je suis prêt à faire partie de ce monde.